Habiter et types d’habitat à Alger Nora Semmoud To cite this version: Nora Semmoud. Habiter et types d’habitat à Alger. Autrepart - Revue de sciences sociales au Sud, 2007, N°42 Variations, pp. 163-180. halshs-00987268 HAL Id: halshs-00987268 https://shs.hal.science/halshs-00987268 Submitted on 5 May 2014 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. Nora Semmoud 2007 Habiter et types d’habitat à Alger Nora Semmoud Professeure Equipe Monde Arabe et Méditerranée UMR 7324 CITERES/CNRS/Université François Rabelais Tours Résumé Le présent travail rend compte des stratégies d’appropriation de l’habitat par la population algéroise et les types qu’elles configurent. La typologie ainsi produite établit la structure de correspondance entre les dispositions spatiales d'un édifice et les conditions d'appropriation de ses occupants. L’appropriation de l’habitat est envisagée comme un processus de mise en conformité des lieux avec l’habitus des individus. Un processus où ils sont contraints de composer avec le contexte spécifique dans lequel ils le font, notamment avec les conditions de production de l’habitat. Les adaptations et les rectifications opérées font apparaître précisément l'ampleur des décalages entre propriétés spatiales de leur demeure et leurs modèles socioculturels. De cette façon, les pratiques d'appropriation restituent, d'une part, des types d'habitat disqualifiés par les individus et considérés comme transitoires et d’autre part, ceux qui émergent comme leur préférence. Mots clés Appropriation, usage, production de l’espace, habitat, types d’habitat, recomposition de l’espace. 1 Le présent travail rend compte d’une recherche sur les stratégies d’appropriation de l’habitat 2 3 et de la ville par la population algéroise et les types qu’elles configurent. La typologie que nous cherchons à construire est celle qui établit la structure de correspondance entre les dispositions spatiales d'un édifice et les conditions d'appropriation de ses occupants. Cependant aujourd'hui, les cartes apparaissent brouillées sous l'effet conjugué de deux facteurs. Le premier est que la population algéroise s'est appropriée à l'indépendance un parc immobilier qui ne lui était pas destiné. Le deuxième est que le produit logement du mouvement moderne et ses récents avatars ne restituent plus les correspondances qui intéressent notre problématique. Dans cette optique, des populations différentes, habitant un même type de bâti, se distinguent par leurs modalités d'appropriation de l'espace. Inversement 1 La présente contribution actualise et complète en partie une recherche effectuée en 1993 et publié sous forme d’ouvrage chez l’Harmattan en 2001, Les Stratégies d'appropriation de l'espace à Alger. 2 Le type ici est une abstraction, il est entendu comme structure de correspondance entre les dispositions spatiales d'un édifice et les valeurs différentielles que lui attribue le groupe social auquel il est destiné (C. DEVILLERS, 1974). 3 Il ne s’agit pas de la typologie architecturale proprement dite, mais d’une abstraction des reconfigurations induites par les pratiques d’appropriation des habitants. Ainsi, ce n’est pas l’habitat illicite ou celui de la Casbah qui sont disqualifiés aux yeux des occupants, mais plutôt le mode d’appropriation auquel ils contraignent de nombreux ménages (maison commune ou familiale). 1 Nora Semmoud 2007 des conditions d'appropriation similaires peuvent prendre effet dans des types de bâtis différents. Par conséquent, afin d'identifier les types d'habitat, entendus comme structure de correspondance entre spécificités des habitants et organisation architecturée des lieux, nous avons déplacé nos investigations sur le terrain passionnant des phénomènes d'appropriation entendus comme : « [...] l'ensemble des actions des hommes dans l'espace, consistant simultanément à lui donner des configurations spatiales matérielles et des significations. » (H. Lefebvre, 1970, p. 203) L’appropriation de l’espace par les individus permet de saisir la confrontation dans l’espace entre les pratiques de l’urbanistique et celles de la population et ainsi de mettre en évidence la dialectique qui existe entre les conditions de production et d’usages de l’espace. Elle autorise en outre l’accès aux formes de recomposition sociale de l’espace, tant dans la construction sociale des quartiers que dans les rectifications opérées sur les dispositions spatiales de l’habitat. Ces processus d’adaptation et de rectification font apparaître différents types d’habitat, certains sont rejetés par leurs occupants et considérés comme transitoires tandis que d’autres deviennent des modèles dominants. Le terrain passionnant des phénomènes d'appropriation fait écho à celui des processus d'actualisation de l'habitus décrit par Pierre Bourdieu (1972), des processus qui transforment, adaptent, retournent ou annulent un espace. En fait, les habitants n’actualisent leur habitus qu’en composant avec un cadre physique particulier. Etant entendu que les schèmes pratiques à la base de cette actualisation, quelle que soit leur inertie, subissent des mutations qui apparaissent à l'occasion du décodage des significations des modalités d'usage. Le processus de réappropriation ou de mise en conformité des lieux avec l'habitus représente également des stratégies pour dépasser les obstacles dressés par la violence symbolique4. Ainsi, chez Pierre Bourdieu, le concept d'actualisation des habitus désigne cette confrontation entre habitus et violence symbolique. Dans cette optique, il faut souligner l'apport considérable d'une école marxisante représentée par Henri Lefebvre qui, à notre sens, a rendu compte de la complexité du concept d'espace entendu dans sa dimension pratico-symbolique. L'auteur introduit en particulier une distinction importante entre ce qui se passe dans l'espace, qui relève du vécu et du perçu par les habitants, et ce qui est fait de l'espace par les professionnels de l'aménagement (H. Lefebvre, 1970, p. 46). Ensuite, au sein des rapports que les divers 5 groupes sociaux entretiennent avec l'espace physique, il y a l'espace des représentations mentales qui véhicule une série de symboles et d'images. L'appropriation de l'espace se fait alors au travers de l'imagination et de l'utilisation symbolique des objets de l'espace physique. Ces représentations de l'espace et les pratiques qu'elles supposent créent un système de signes et de symboles, auquel il faut nécessairement accéder pour saisir le sens des recompositions sociales opérées par les actions quotidiennes des groupes sociaux. Ces images et ces symboles constituent vraisemblablement les représentations les plus riches que peut avoir une société de son espace. Aborder les phénomènes d'appropriation de l'habitat à Alger suppose inévitablement de tenir compte des difficultés de nombreux citadins à se loger convenablement et de leurs incidences 4 « […] l’espace est un lieu où le pouvoir s’affirme et s’exerce, et sans doute sous la forme la plus subtile, celle de la violence symbolique comme violence inaperçue : les espaces architecturaux, dont les injonctions muettes s’adressent directement au corps, obtenant de lui, tout aussi sûrement que l’étiquette des sociétés de cour, la révérence, le respect qui naît de l’éloignement ou, mieux, de l’être-loin, à distance respectueuse, sont sans doute les composantes les plus importantes, en raison même de leur invisibilité […], de la symbolique du pouvoir et des effets tout à fait réels du pouvoir symbolique. » (P. BOURDIEU, 1993). 5 Le groupe social est entendu ici comme un ensemble de personnes ayant des caractères, des relations et des sentiments communs. COUET (Jean-François) et DAVIE (Anne), 2002, (3ème éd.), Dictionnaire de l’essentiel en sociologie, Paris, Editions Liris. 2 Nora Semmoud 2007 sur les pratiques individuelles et collectives. Dans ce cas, les significations des phénomènes d'appropriation traduisent autant les modèles culturels de l'habitant que les stratégies mises en œuvre pour gérer la pénurie d'espace. A propos de la question du logement, nous renvoyons aux réflexions de Sid Boubekeur (1986), parce qu'elles établissent une rétrospective critique des différentes thèses sur le sujet. Selon l’auteur (1986, p. 11), la crise du logement renvoie à la fois à une crise de développement, ainsi qu'en témoigne le processus rapide d'urbanisation et à une crise de société car les bouleversements des modes de vie des habitants et de leurs représentations sociales ont défini des besoins nouveaux, notamment la préférence pour les logements modernes et les matériaux lourds comme le béton et la brique. Le ministère estime 6 le déficit à 1,127 millions logements , sans compter les besoins liés à l'accroissement démographique considéré parmi les plus élevés du monde. Il n’en demeure pas moins que cette situation doit être nuancée car comme le souligne à juste titre André Prenant (2002) parler d’une « crise du logement » à Alger relèverait d’un « consensus » général qui masque 7 la réalité. Cet auteur s’appuie sur le dernier recensement pour montrer que la distorsion entre 8 le nombre des ménages et les locaux d’habitation a considérablement diminué, que le TOP a 9 baissé et surtout qu’il existe aujourd’hui un important parc de logement inoccupés . Par conséquent, la question du logement relève moins d’un décalage entre l’offre et la demande que des difficultés rencontrées par les groupes sociaux défavorisées à faire valoir leur droit au 10 logement. La mise en œuvre de programmes de logements sociaux (locatifs ou d’accession 11 sociale ) contribue sans doute à baisser la tension, mais il semble que des pratiques de détournement continuent à peser dans l’exclusion des ménages les plus modestes. Il est vrai que nos investigations portent uniquement sur Alger, cependant, sans généraliser à tout prix, la capitale, en tant que centre diffuseur de modèles, peut être, dans une certaine mesure, révélatrice des transformations socioculturelles qui touchent, à plus ou moins brève échéance, le pays dans son ensemble. 1. Logiques d’appropriation et types d’habitat. 12 L’objectif de ce travail est de mettre en évidence les types d’habitat que les individus dessinent par leurs appropriations du logement produit. Ainsi, la seule façon d'identifier les 6 Chiffres publiés par le ministère de l'urbanisme et de la construction et de l'habitat au sein de plusieurs quotidiens au mois de février 1994. 7 RGPH 1998. 8 Taux d’occupation par pièce est passé de 2,43 en 1966 à 2,22 en 1998. 9 Plus de 49 200 logements vacants (logements inoccupés selon l’ONS), soit 11,7% du parc total recensé en 1998. Entre 1987 et 1998, l’accroissement des logements vacants s’est particulièrement manifesté dans la périphérie algéroise, là où se situe l’essentiel des réalisations en matière de logements. Ainsi, par exemple le nombre de logements vacants s’est accru de 73% à Bir Mourad Raïs (Sud-Ouest). 10 Selon le ministre de l’habitat, Mohamed Nadir Hamimid, 248 107 logements sociaux locatifs et 107 217 logements sociaux participatifs ont été livrés en 2004. Numéro spécial du quotidien El Ahrar du 1er novembre 2004. 11 Il s’agit des opérations LSP (logement social participatif). 12 Le type devient représentatif d'une classe d'édifices ayant en commun les propriétés formelles les plus significatives des pratiques spatiales du groupe social destinataire. Dans cette optique, Jean-Pierre Frey (1991, p. 52) place le type dans la même perspective de conceptualisation qu’Henri Raymond et l'envisage dans le cadre d'une théorie qui rend compte des conditions sociales d'existence. Autrement dit, le type est contenu dans la relation entre le mode de conception et de production d'un édifice et les caractéristiques sociales, culturelles et économiques de son usage par l'habitant. Cependant, cette relation n'est effective qu'à certaines périodes historiques, celles pour lesquelles le programme architectural correspond explicitement aux spécificités des groupes sociaux visés. On identifie ainsi, au cours de l'histoire, une succession d'édifices typiques d'un groupe social, tels que la villa bourgeoise, l'hôtel particulier du XVIII, l'immeuble haussmannien... La conception du mouvement moderne de l'usager en tant qu'être de "besoins" plutôt que de "pratiques" a gommé les différences sociales et culturelles perceptibles au niveau de la forme en uniformisant et standardisant le produit architectural. Depuis, la réflexion autour du type architectural s'est imposée comme la seule voie pour lever les obstacles à la compréhension et à la prise en compte des pratiques d'appropriation. En effet, à travers le travail sur le type, remarque Pierre Pinon (1991, p. 57), 3 Nora Semmoud 2007 types d'habitat, en tant que structure de correspondance entre spécificités des habitants et organisation architecturée des lieux, est de déplacer les investigations sur le terrain des phénomènes d'appropriation. Le décodage des significations (sociales, imaginaires, symboliques, etc.) contenues dans le discours des habitants et dans le marquage de l'espace induit par leurs modalités d'appropriation (investissement, ameublement, décor, affectation 13 des pièces, spécialisation, fréquentation, système d’opposition , etc.) permet en définitive 14 d’identifier les modes d’habiter. « L’habitat [ou l’espace en général] n’est pas un objet inerte, composé d’éléments techniques et doté de formes, mais un “ objet actant ”, mis en mouvement, malgré son apparence statique, par les personnes qui l’utilisent. Il n’existe qu’à travers les interactions qui se développent entre ses éléments fonctionnels et ses occupants, qui lui confèrent tout son sens. Inversement, bien que chacun transporte d’un lieu à l’autre ses façons d’agir, ses valeurs, ses sentiments et ses pensées profondes, ses conduites sont influencées par l’espace dans lequel elles se déploient, elles s’actualisent de manière spécifique selon les lieux qui leur servent de cadre » (M. Bonetti, 1994, p.16) L’analyse se structure selon deux volets : le premier porte sur la relation entre le mode de conception/production du logement et les caractéristiques économiques et sociales de l'habitant - maître d'œuvre. Le second volet traite des formes d’appropriation de logements non produits par leurs habitants. En conséquence de quoi la correspondance entre les phénomènes d'appropriation et les caractéristiques spatiales met au contraire en évidence les décalages entre conception et usage, quand ce dernier arrive à s'exprimer. Dans ce cas, les groupes sociaux ont une identité contrariée par les difficultés à signifier leur spécificité à travers des types d'édifices et leur contexte urbain. Les pratiques d'appropriation rendent compte des stratégies de la population et des activités multiples qu'elle initie, afin d'adapter le logement à ses spécificités et de compléter le produit logement pour en faire son habitat, de rétablir les articulations entre l'espace domestique et l'espace urbain et enfin de prétendre à une intégration à la ville. C'est au cours de ces processus de production ou d'adaptation de l'habitat qu'apparaissent les spécificités des groupes sociaux, leurs niveaux différentiels d'expression, ainsi que leur degré d'intégration à l'urbain (J.P. Frey, 1986). 15 Au cours des processus d'actualisation de l'habitus, le génie et les compétences des habitants sont fonction précisément de l'ampleur du décalage entre les propriétés spatiales de leur logement et leurs modèles socioculturels. Force est de constater que le trajet de la mise en conformité de l'espace physique avec l'habitus est d'autant plus long et semé d'obstacles qu'il concerne des groupes sociaux modestes. C’est d’ailleurs ce milieu social qui développe les modalités d’appropriation les plus laborieuses et les plus remarquables, notamment celles qui consistent à gérer la pénurie d'espace et à protéger les intimités multiples au sein de l'espace domestique. En revanche, les groupes sociaux aisés qui ne sont pas a priori obligés de composer avec un espace qui leur est imposé, dépassent les contraintes en faisant jouer leurs c'est la pratique des espaces qui est respectée et cette optique de la recherche sur le type ouvre un horizon nouveau à la conception architecturale. 13 Le système d’opposition, emprunté à Nicole HAUMONT (2001), renvoie à une organisation de l’espace domestique selon les oppositions : public/privé, derrière/devant, caché/montré, dehors/dedans, etc. 14 La recherche opère une translation à partir d'une typologie de onze modèles architecturaux algérois définis par le sens commun (l'habitat de la Casbah, des cités de recasement, des lotissements illicites denses, des lotissements illicites de standing moyen, des HLM du Plan de Constantine, des HLM de la période post-indépendante, des lotissements de l'époque coloniale, des nouveaux lotissements, Immeubles haussmanniens, des résidences du mouvement moderne, des ensembles récents de standing), vers une taxinomie de huit modes d'habiter qui finalement configurent 4 types d’habitat : la maison commune, la maison familiale, l’immeuble familiale modeste et l’immeuble familiale riche. 15 Ce concept est largement développé dans l’ouvrage dirigé par Isabelle Berry-Chikhaoui et Agnès Deboulet, paru en 2000. 4 Nora Semmoud 2007 moyens. Lorsque la maison ne convient pas, on engage des transformations coûteuses ou on en construit une autre plus grande ou plus adaptée. Si les pratiques d'appropriation reflètent les spécificités des groupes sociaux, elles permettent aussi de situer où ils en sont dans leur mobilité sociale. En définitive, les pratiques d'appropriation formalisent de nouvelles dispositions d'ensemble qui restituent autant les éléments spatiaux qui se prêtent le mieux aux spécificités des groupes sociaux que ceux qui les contrarient. Dans cette dynamique apparaissent alors les types d’habitat qui émergent en tant que préférence, par l’image positive qu’ils reflètent et ceux qui sont, au contraire, disqualifiés par les habitants. Les premiers qui correspondent à l’immeuble familial, modeste ou huppé, se prêtent le mieux au désir d’habiter de la population et deviennent l’objectif à atteindre pour de nombreux ménages. En revanche, il peut arriver que le logement de départ limite les améliorations, quels que puissent être les efforts consentis par les habitants. Ces types de logement qui correspondent à une appropriation selon la maison commune ou à la maison familiale censurent les habitus et contrarient les pratiques d'appropriation à tel point qu'ils ont toujours un caractère transitoire aux yeux de leurs occupants. 1.1. Les types d’habitats disqualifiés En même temps que des types d'habitat émergent et deviennent des modèles dominants, d'autres, malgré toute la compétence des habitants à les transformer, restent loin de correspondre aux spécificités des groupes sociaux. Les modalités d'appropriation y sont particulièrement contrariées, l'espace domestique se prête mal aux transformations souhaitées pour acheminer l'habitat vers une organisation et une image satisfaisante et les familles n'envisagent son occupation que de façon transitoire. A ce titre, la maison commune est souvent l’origine du processus d’urbanisation. Dans la maison commune où chaque pièce est occupée par une famille différente, sans lien de parenté avec ses voisines, l’appropriation consistera à lever les contraintes liées à la cohabitation forcée avec des étrangers, à gérer la pénurie d’espace et à protéger les intimités multiples au sein d'une même famille, en procédant à un compartimentage des pièces voire de l'unique pièce/logement. Ce type d’habitat disqualifiant les occupants et disqualifié par ces derniers aura en permanence un caractère provisoire aux yeux des ménages qui mobiliseront toutes leurs stratégies pour quitter 16 les lieux. Ce type apparaît à travers l’appropriation des maisons de la Casbah , des cités de 17 recasement et de l’habitat individuel dense illicite (fig. 1). Les efforts consentis dans ce type d’habitat par les ménages reflètent une population modeste constituée généralement par 18 des manœuvres , des ouvriers, des employés et de nombreux chômeurs. 16 La Casbah (médina d’Alger) est depuis longtemps le lieu d’accueil et de transit des populations de l’intérieur du pays. 17 L’organisation spatiale des cités de recasement, conçues dans le cadre du Plan de Constantine (1958/1962), s’inspirait de celle des bidonvilles et se caractérisait généralement par 2 petites pièces donnant sur une cour (J. De MAISONSEUL, 1980). 18 Ce sont généralement les catégories socioprofessionnelles qui apparaissent à l’occasion de notre enquête. 5 Nora Semmoud 2007 Fig. 1 Typo. Archi. : habitat individuel dense illicite Chérarba sud-est d’Alger Typo. De l’appropriation : la maison commune Rez-de-chaussée, maison commune abritant quatre familles sans lien de parenté - 7 et 11 pièces occupées par une famille de 6 personnes 7 coin cuisine et lieu de toilette 11espace polyvalent, lieu de sommeil, de repas, de détente et de réception - 2, 3 et 8 pièces venant d’être libérées par une famille de huit personnes 2 espace polyvalent la journée (réception, repas, détente, TV) et lieu de sommeil des garçons la nuit 3 ch. Du couple et des jeunes enfants 8 coin cuisine - 1, 5 et 6 pièces occupées par une famille de huit personnes 1 Cuisine et stockage 5 espace polyvalent (repas, réception, détente, TV la nuit lieu de sommeil de la grand-mère et des enfants adultes 6 ch. Du couple et des jeunes enfants -e s1p1a pcieè cpeo loyvcacluepnét,e c hp.a dr uu ncoeu fpalme ille de 6 personnes 2 3 4 et des enfants (cuisine, repas, réception, toilette, etc.) 1 - 4 figuiers du propriétaire 7 - 9 réserves d’eau - 12 cour à usage collectif (conflictuel) - 13 garage du propriétaire (bricolage et mécanique) 8 - 14 locaux loués pour une pharmacie 5 6 10 - 15 WC collectif 9 14 12 11 15 13 Les autres niveaux sont occupés 1 m par la famille du propriétaire et sa famille Façades modestes garde-corps hauts en maçonnerie ajourés de claustras Caractéristiques du tissu Forte densité du bâti voirie importante mitoyennetés fréquentes Chantier permanent 10 m La maison commune devient maison familiale lorsque les pièces de cet habitat, organisé généralement autour d'une cour, sont occupées chacune par des ménages de la même famille. Si la maison familiale contrairement à la maison commune permet la protection des intimités multiples au sein de la famille, elle est toutefois loin de correspondre à l'idéal d'indépendance des couples. Il faut relever le statut de compromis transitionnel conféré à la maison de 6 Nora Semmoud 2007 cohabitation intergénérationnelle (maison familiale), où l'espace du couple est tout de même individualisé. Les solidarités qu'implique cette forme d'habitat permettent soit au couple de thésauriser pour acquérir son propre logement, soit à la famille de se constituer les moyens pour édifier l'immeuble familial. La maison familiale prend effet tant dans l’habitat individuel, illicite ou celui des cités de recasement, que dans l’habitat collectif comme les HLM. La population reste généralement modeste mais se différencie de la première par l’apparition de nouvelles catégories socioprofessionnelles comme les techniciens, les cadres moyens et les commerçants. Bien que l'idéal-type des habitants des HLM soit l'immeuble familial, leurs espérances se limitent à obtenir un appartement plus grand dans des ensembles collectifs à image valorisante. Ils intègrent de facto que leur condition acquise ou ambitionnée ne leur permettrait pas de construire leur propre habitat et encore moins l'immeuble familial. CORRESPONDANCES : TYPE D'HABITAT, APPROPRIATIONS, ARCHITECTURES Types La maison commune La maison familiale disqualifiés et transitoires Catégories Chômeurs, manœuvres, Chômeurs, ouvriers qualifiés, socio ouvriers et employés employés, techniciens, cadres moyens professionnelle et commerçants s19 Logiques Gestion de la cohabitation 1) Densification et dégradation d’appropriatio avec des étrangers et 2) Gestion de la pénurie d'espace n protection des intimités Typo. 1) L'habitat de la Casbah 1) L'habitat individuel dense (illicite) architecturale 2) Les cités de recasement 2) Les cités de recasement 3) L'habitat individuel dense 3) Les HLM du Plan de Constantine (illicite) 4) Les logements sociaux de la période 20 post-indépendante Typo. du sens 22 1) Bénian faùdawi 1) Diar ara'b commun21 2) Bénian faùdawi23 2) HLM 1.2. Les types d’habitats valorisants Quelque que soit le groupe social concerné, une préférence très nette apparaît pour ce que 24 nous appelons l'immeuble familial (fig. 2). Son organisation spatiale se caractérise par la 19 Il s’agit des catégories socioprofessionnelles repérées à l’occasion des enquêtes que nous avions effectuées dans ces quartiers. 20 Il est vrai que les jeunes couples aspirent au logement social pour sortir de la cohabitation familiale et de nombreux ménages ont pu « se desserrés » grâce à la réalisation récente de nombreux logements sociaux, cependant les conditions d’accès restent encore ségrégatives et excluent les ménages les plus démunis qui sont contraints à utiliser l’appartement comme une maison familiale. 21 Il s’agit d’une typologie que Jean-Pierre FREY (1991, p.52) qualifie de spontanée, véhiculée par le langage et la culture portés par les habitants. Enquête menée par les étudiants de l’EPAU en 1990 auprès de 127 ménages algérois dans différents quartiers, autour de la typologie de l’habitat. 22 Maisons arabes. 23 Constructions anarchiques. 7 Nora Semmoud 2007 superposition de plusieurs logements, plus ou moins indépendants dans un immeuble implanté sur un même lot où cohabitent dans des appartements séparés, les parents et les jeunes ménages des fils. Généralement la cage d'escalier et les espaces extérieurs, tels que la cour, le jardin et la terrasse sont utilisés en commun, particulièrement au moment des fêtes familiales. Selon la richesse de la famille, d'autres espaces communs apparaissent, comme le sous-sol, la cave et le hammam. Les résidents de cet d'habitat l'évoquent avec fierté comme l'accomplissement de leur réussite sociale, tandis que les groupes sociaux qui n'y ont pas accès, en parlent comme l'idéal-type à atteindre. Cette position privilégiée de l'immeuble familial dans les représentations des groupes sociaux est due à trois conditions très recherchées, le statut de propriétaire, le caractère individuel de l'habitat et la latitude qu’il 25 offre aux usagers, notamment d’en faire une source de revenu et enfin, la possibilité de léguer un patrimoine aux enfants, surtout aux fils. Le statut de propriétaire octroie de facto à son titulaire une place parmi les possédants et, par conséquent, la possibilité de léguer un héritage. Cette place dans l'échelle sociale est perçue par l'ensemble du corps social comme étant stable et sécurisante. Cependant, de nombreux ménages, qui ont opté pour l'immeuble familial avouent qu'ils auraient préféré offrir à leurs héritiers des logements totalement indépendants qui auraient permis aux couples de vivre de façon autonome. Toutefois les coûts prohibitifs de l’immobilier réservent ces possibilités uniquement aux groupes sociaux les plus aisées. Ainsi de ménages ont produit ce type d'habitat par leurs tentatives de lever les obstacles auxquelles les exposent les caractéristiques du marché immobilier actuel. 24 Il est vrai que l’immeuble familial existe depuis longtemps, mais ce travail cherche à montrer son émergence en tant que modèle dominant chez les ménages. 25 Les sources de revenus que permet ce type d’habitat peuvent être la location de logements et de garages ou l’installation par la famille de sa propre activité économique. 8 Nora Semmoud 2007 Fig. 2 Birkhadem (Sud-Ouest) Typo. Architecturale : nouveaux lotissements Lotissement Mézouar Typo. De l’approp. : accumulation et distinction sociale Rez-de-chaussée occupé par la parfumerie (laboratoire, stockage, gestion et réception de la clientèle) Entreprise familiale : le père produit les parfums et les fils gèrent et commercialisent 2 m 1er niveau : logement du père 1. Salle de prière 2. Salle de bain 3 WC cuvette anglaise 1 4 pièce meublée de façon traditionnelle 2 (banquettes et tables incrustées d’ivoire, recouvertes de velour, poufs en cuir, argenterie et tapis en soie) 3 lieu de réception des femmes 5. Cuisine équipée seulement pour la préparation des repas 4 6. Seconde salle de bain 7. Toilettes turques 8. Ch. du couple, 2ème mariage du père 9. Ch. TV et lieu de sommeil des filles 12 11. Salon moderne prévu pour la réception, 10. débarras des relations d’affaires du père 12. Autre salon traditionnel, plus simple, 5 utilisé pour les repas et comme ch. D’invités 6 2ème niveau : logement du fils aîné, son ménage et le fils cadet célibataire 7 1. Petit salon oriental, même ameublement que chez le père, 11 lieu de réception des femmes 10 9 8 2. Salle de bain et toilette turque 3 Ch. du couple luxueuse, TV 4. Ch. D’enfants avec ameublement adapté 5. Cuisine pour la préparation des repas Le père autoritaire et conservateur refuse que son fils s’équipe en électro ménager 6 Seconde salle de bain, hammam 7 WC cuvette anglaise 8. Ch. Du frère cadet, TV 2 m 9. Séjour familial, TV, repas 10. Séjour organisé selon plusieurs espaces : psoentitt smaelounb loérsie dneta cl,u ilre,s d aeu ttarebsle lsie eunx vdeer rreé,c eetp rtiicohnes en décor 1 2 3 Caractéristiques du tissu Constructions illicites régularisées Tissu aéré grâce aux lots très importants entre 1000 m² et plus et aux jardins 4 10 5 6 7 8 9 La volonté quasi générale de protéger l'indépendance des couples se manifeste dans les formes d'organisation spatiale de ces immeubles familiaux, notamment par l'emplacement des espaces de distribution commun à l'extérieur des appartements privés. Ces espaces de 9
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