SHAYKH MUUSA KAMARA .. FLORILEGE AU JARDIN DE L'HISTOIRE DES NOIRS ZUHÜR AL-BASATIN L'ARISTOCRATIE PEULE ET LA RÉVOLUTION DES CLERCS MUSULMANS (VALLÉE DU SÉNÉGAL) Sous la direction de Jean SCHMITZ . CNRSEDITIONS SHAYKH MUUSA KAMARA FLORILÈGE AU JARDIN DE L'HISTOIRE DES NOIRS ZUHÜR AL BASATIN TomeI . Volume l VARISTOCRATIE PEULE ET LA RÉVOLUTION DES ŒERCS MUSUlMANS (VAllÉE DU SÉNÉGAL) DOCUMENTS, ÉTUDES ET RÉPERTOIRES PuBIJÉSPARL'INSTITUT DERECHERCHEETD'HISTOIRE DES1'ExTEs SHAYKH MUUSA KAMARA FLORILÈGE AU JARDIN DE L'HISTOIRE DES NOIRS ZUHÜR AL BASATÏN TomeI Volume t L~RISTOCRATIE PEULE ET LA RÉVOLUTION DES CLERCS MUSULMANS (VAllÉE DU SÉNÉGAL) Sousladirectionet avecuneintroductiondeJeanSCHMITZ avec la collaboration de Charles BECKER, Abdoulaye Bara DIOP, Constant HAMÈs, Oumar KANE, Olivier KYBURZ, Olivier LESERVOISIER, David ROBINSON, Ibrahima SALL et Jean-Louis TRIAUD. Traduction de Saïd BOUSBINA .CNRSEDITIONSI Publié avec le concours de l'Orstom, l'Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération Illustration de couverture : Bogolan traditionnel, «Le caïman maître des conflits», © Cahier de l'ADEIAO © CNRS ÉDITIONS, Paris, 1998 ISBN: 2-271-°5519-9 ISSN : °°73-8212 : ~ .t~.l t AVERTISSEMENT CONVENTIONS DE TRANSCRIPTION DU PULAAR ET DE TRANSLITTÉRATION DE L'ARABE Le texte du Zuhfir contient à la fois des mots en arabe et d'autres en pulaar, le dialecte peul du Fuuta Tooro (M:oyenne vallée du Sénégal), en particulier en ce qui concerne l'anthroponymie et la toponymie'. Transcription du pulaar On a adopté la transcription officielle sénégalaise, plutôt que la trans cription internationnale de Bamako, qui ne diffère de la première que par l'utilisation du digraphe <<oy» à la place du tilde «ii». Les voyelles longues sont transcrites en redoublant la voyelle: 1aal, 1001, lü/, luu/. /'1 est une occlusive glottale qui ne figure pas à l'initiale des mots par simplifications orthographique. ID, 'Blou «b, B» crossé est la combinaison de la bilabiale Ibl et de lagottale l'/. /cl se prononce comme «ti» en fran'çais (<<tiare»). . 1d ni ou «d, D» crossé est la combinaison de 1dl et de la glot- 7 tale l' . lei se prononce selon le contexte comme «é» ou «è» en français. 1gl se prononce toujours dur comme dans «gué» en français. Ijl se prononce comme «di» en français (<<diamant»). liil ou «n» tilde se prononce comme «gn» en français (<<pagne»). I. Grâce au micro-ordinateur Macintosh qu'utilisent les différents partenaires du projet (1<.Mbacké,O. Kyburz,J.Schrnitz),ilaété possiblede créer une policedecarac tères qui comprenden un seul clavier,alternatifau clavier français AZERTY,les carac tères nécessairesàlatranscriptiondudialecte peulparlédans lavallée du fleuveSénégal, le pulaar, et à la translittération de l'arabe. Cette police, à laquelle on a donné le nom de«Policepeule»,aétécréée parO.Kyburzàl'aidedulogiciel FontStudiodeLetraset, àpartird'une policesystèmeMacintoshde rypeTimes. Cettedernière policeétant four nie avec l'appareil, la diffusion de la «police peule» n'est soumise à aucune restriction. Pour l'utiliser il suffit d'appuyer en même temps sur la touche «option» située en bas et à gauche du clavier et sur un signe graphiquement proche de celui utilisé pour la transcription du pulaaret pour la translittération de l'arabe: apparaît alors le signe sou haité. 6 FLORILÈGE AU JARDIN DE L'HISTOIRE DES NOIRS 11],1]1 ou«n, N» vélaire se prononce comme<mg» en français. Par simplification orthographique, on ne note pas le «n» vélaire devant une autre vélaire comme «k» ou <mg»'. 1ri est roulé comme en arabe ou en espagnol. 1si se prononce toujours sourd comme dans «sur» en français. 1ul se prononce comme «ou» en français (<<boule»). Iy, 'YI ou «y» crossé est la combinaison de Iyl et de la glottale /'/. Les mots en pulaar sont indiqués en italique dans le texte français de la traduction. Translittération de l'arabe Pour ne pas multiplier les signes diacritiques qu'impose la translittéra tion internationale utilisée dans des revues comme Arabica ou Studia Is!amica} on a fait le choix de la translittération actuellement la plus uti lisée en particulier par les arabisants africanistes anglo-saxons (Hunwick, O'Fahey...) : elle est représentée par le tableau ci-joint issu de Cuoq (1975)' - Consonnes avec point souscrit IJ:y./ spirante pharyngale sourde I~I emphatique de «s» 191 emphatique de «d» li! emphatique de «t» I?I emphatique de «z» , (ayn) spirante pharyngale sonore - Voyelles longues lai lül /il Les mots en arabe sont soulignés dans le texte en français, pour être distingués des mots en pulaar qui, eux, sont en italique. Problèmes de la traduction Si l'on confronte les deux alphabets, arabe et pulaar, on constate que les mêmes voyelles longues peuvent être transcrites ou translittérées de deux façons différentes «a, ü, ï,» pourl'arabe, «aa, uu, ü» pourle pulaar. Au-delà de ces équivalences phonétiques il semble par ailleurs que chez z. Nous remercions Aliou Mohamadou (INALCO) de nous avoir indiqué cet usage: ainsi on ne transcrira pas «haIJki» mais «hanki», ni «jal)ngo» mais «janngo» (communication orale). AVERTISSEMENT 7 les Haalpulaar'en (<<ceux qui parlent le pulaar») un texte arabe est converti oralement en pulaar3• Dans un souci de cohérence nous aurions pu décider de convertir tout le texte soit en arabe, soit en pulaar. Cela aurait nécessité par exemple de remplacer tous les «Mu1:lammad» par des «Mammadu». Or cette opération ne peut être réalisée car il y a plusieurs équivalents à «Mu1:lammad»: Aamadu, Maamadi, Maamuudu, etc. Aussi nous avons été obligé d'adopter un système mixte qui cor respond aux hésitations de Kamara lui-même et comprend deux conventions. - Dans certains cas et en particulier pour les noms phonétiquement proches ou identiques nous avons choisi la forme pulaar plutôt que l'arabe: ainsi nous avons opté pour «Muusa» et non «Musa», d'où la forme hybride du nom de l'auteur, Shaykh Muusa Kamara. Il en est de même pour «Abdul» (pulaar) que nous avons préféré à la forme arabe «'Abdul», ce qui est cohérent avec le nom du premier Almaami, l'Almaami Abdul. Enfin nous avons transcrit «Umar» plutôt qu'«'Umar» arabe, ce qui aboutit à nouveau à une forme mixte pour AI I:Iajj Umar, le constructeur du grand empire du Soudan occidental. - Lorsqu'il n'y a pas identité phonétique les noms peuvent être transcrits soit en arabe soit en pulaar en particulier quand il s'agit d'in dividus ou de groupes borderfine) connus aussi bien par les Haalpulaar'en que parmi les BaY9an (les Maures) qui parlent le I:Iasaniyya, le dialecte arabe de la Mauritanie. Dans ce cas là nous respectons la forme pro posée par Kamara suivant le contexte où apparaît le personnage. Prenons comme exemples deux personnages qui se sont succédé dans les mêmes lieux. L'ami de Kamara, Shaykh Mu1:lammad al-Maqamï (voir introduction et chap. 6) - «nom de relation» ou nisba arabe construit avec le suffixe en «ï» (Sublet 199l, p. 95) qui le rattache au village de Maghama (forme francisée) ou à Magaama (forme pulaar) est appelé «Ceerno Mammadu Maamuudu» en pulaar, ce qui signifie que ce personnage était le ms de Maamuudu. Quelques années aupara vant ce village avait connu un mouvement de réforme musulmane dirigé par celui qui est connu chez les Maures sous le nom de «Brahïm wuld Talib» comme l'indique Kamara au chapitre 9, tandis que les Haalpulaar'en l'appellent «Ceerno Barahüm», son appartenance aux KAN Moodi Nalla allant de soi pour le locuteur. Suivant les contextes nous respectons la version en arabe ou en pulaar du même nom qui est utilisée par Kamara4• Nous n'indiquons entre parenthèses les différents équivalents que si nécessaire pour ne pas 3. Communication orale de Aliou Mohamadou et de Ibrahima Sail. 4. Il sera intéressantde noter systématiquement la correspondance entre les sons en pulaar et les caractères arabes ainsi que les différentes variantes de l'ajami utilisé au Fuuta-Tooro. S. Bousbina et A. M. Diop ont effectué ce travail qui sera publié dans l'ouvrage collectif prévu après la traduction. Dès à présent on peut renvoyer à deux références: GADEN 1913, et ROBINSON 1982. 8 FLORILÈGE AU JARDIN DE L'HISTOIRE DES NOIRS rendre impossible la fabrication de l'index par la multiplication des dou blets onomastiques. Ces choix correspondent au parti-pris stylistique qui guide toute l'entreprise. L'écriture de Shaykh Muusa Kamara étant en générale claire et sans fioritures excessives, nous avons opté pour une traduction aussi littérale que possible: d'où des répétitions et des clauses de styles que nous avons respecté le plus souvent. Les mots arabes les plus impor tants sont translittérés entre parenthèse après leur équivalent en français. INTRODUCTION Jean Schmitz Shaykh Muusa Kamara (1864-1945) fut le porte-parole de tous les mara bouts de l'AOF lors de l'inauguration de la cathédrale du souvenir afri cain à Dakar en 1935. Il défendit alors l'idée d'une unité des trois reli gions du Livre, thème qui allait connaître le succès que l'on sait, alors même que sa vie, toute entière investie dans une œuvre littéraire tout à fait remarquable bien que largement méconnuel occupe une place sin , gulière dans l'histoire de cette période. Durant les années 1920 il rédigea en arabe une monumentale «Histoire des Noirs musulmans», le Zuhiir. al-bastitïn, où sont rassem blées de nomb;euses traditions transcrites en arabe ou des chroniques des différents Etats peuls fondés après une guerre sainte, de Sokoto à l'Est jusqu'au Fuuta Tooro à l'Ouese. Les trois quar!s des 170'0 pages de son manuscrit qui sont consacrées à ce dernier Etat, situé dans la Moyenne vallée du Sénégal, viennent d'être traduits et annotés en fran çais par une équipe franco-sénégalaise associant des arabisants et des pulaarisants, des anthropologues et des historiens appartenant à divers organismes (IFAN-CAD, ENS-Dakar, ORSTOM, CNRS). C'est le pre mier des quatre volumes prévus pour cette traduction que nous pré sentons ici. L'intérêt d'une telle entreprise ne réside pas seulement dans la qua lité des sources ou dans l'esprit critique dont fait montre l'auteur, deux éléments qui ont séduit plus d'un historien, mais dans la nature d'un projet à trois composantes. En effet, Kamara opère une traduction cul turelle des institutions et de l'histoire d'une société qui se défInit par le partage d'un même dialecte peul, le pulaar, en utilisant la langue arabe et donc les catégories de pensée arabo-musulnianes, et ceci à destination des administrateurs-ethnologues de son temps, H. Gaden et M. Delafosse principalement. D'où l'importance de la traduction en I.Voirinfral'annexe1qui reproduitlalistedes écritsde Kamara établieparDavid Robinson dans un article de synthèse intitulé «Un historien et anthropologue sénéga lais: Shaikh Musa Kamara» (1988b, pp. 1°9-110). z. Voir la table des matières de lapartie non traduite du tome 1du Zuhiirdressée par D. Robinson dans le même article de (ibid., pp. lIl-Il6) qui se trouve infra en annexe z. 10 FLORILÈGE AU JARDIN DE L'HISTOIRE DES NOIRS français que l'auteur attendra vainement jusqu'à sa mort, il y a tout juste cinquante ans. Dressons tout d'abord son portrait intellectuel avant de nous inter roger dans une seconde partie sur les destinataires de son message, les administrateurs ethnologues, ce qui nous permettra de répondre à deux questions connexes: quelles ont été les conditions de possibilité d'une telle entreprise et pourquoi la traduction en français a-t-elle été remise jusqu'à présent. Enfin nous décrirons la vision de l'histoire du Fuuta qu'avait Shaykh Muusa Kamara. SHAYKH MUUSA KAMARA, SAINT ET SAVANT Muusa Kamara naquit aux alentours de 1864 à Guuriiki (Gouriki), un village situé en amont de la Moyenne vallée du Sénégal. Fils,d'un mara bout, Ahmad al-Habib, il vécut donc au Fuuta Tooro, cet Etat musul man qu"on peut qualifier d'Imamat puisqu'il avait à sa tête un imam, l'Almaami, élu, depuis la fin du XVIIIC siècle, au sein de la classe cléri cale des Tooroooe qui mit fin au pouvoir d'une dynastie peule, celle des Satigi Deeniyankoooe. Ce royaume peul avait été fondé à la fin du xVC siècle par le conquérant originaire du Mali actuel, Koli TeI)ela Bah, et avait atteint son apogée probablement au XVIIC siècle, au moment où beaucoup d'entités politiques sénégambiennes versaient tribut au Satigi. Les Tooroooe qui conquirentle pouvç>ir continuèrent d'utiliser lalangue peule, mais à l'inverse des autres Etats musulmans fondés par des groupes peuls après un Jihad - Sokoto au nord Nigeria, Aadamaawa au Cameroun, Maasina dans le delta central du Niger au Mali, FuutaJaloo dans l'actuelle Guinée - où les nouveaux musulmans se disent souvent . peuls, ils distinguèrent l'islam de l'identité peule: legroupe statutaire des Tooroooe était le premier parmi d'autres groupes statutaires libres et nobles incluant justement les Fuloe ou Peuls (dont la plus grande par tie est composée de pasteurs), mais aussi les Seooe, anciens guerriers, les Subaloe, pêcheurs et bateliers, et enfin lesJaawamoe ou truchements. Tous ces groupes - auxquels il faut ajouter les artisans spécialisés etlau dateurs qui font partie également des libres - ainsi que les esclaves par lent la langue peule, le pulaar, et sont qualifiés collectivement d'Haalpulaar (<<ceux qui parlent la langue peule»). La province, ou diiwa4 du Damnga où Kamara vécut la première partie de sa vie était la plus orientale du Fuuta Tooro, celle où se réfu gièrent les derniers Satigi. Le pays tout entier connut toute une série de mouvements religieux en vue de restaurer la pureté de l'islam au début du régime de l'almamiat, mouvements qui revendiquèrent le nom de jihad. Le plus fameux fut celui d'al-J::Iajj Umar TaI qui mena une guerre sainte en direction des «païens» situés plus à l'Est, commençant par les Bambara du Kaarta et de Segu entre 1854 et 1860, organisant plusieurs vagues de recrutements de taalibe (d'étudiants coraniques et leurs
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