ebook img

Faux Semblant et les appétits animaux dans Le Roman de la rose de Jean de Meun PDF

23 Pages·2016·0.31 MB·French
Save to my drive
Quick download
Download
Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.

Preview Faux Semblant et les appétits animaux dans Le Roman de la rose de Jean de Meun

Questes Revue pluridisciplinaire d’études médiévales 25 | 2013 L'Habit fait-il le moine ? Des loups en peau humaine : Faux Semblant et les Le Roman de la rose appétits animaux dans de Jean de Meun Jonathan Morton Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/questes/107 DOI : 10.4000/questes.107 ISSN : 2109-9472 Éditeur Les Amis de Questes Édition imprimée Date de publication : 15 avril 2013 Pagination : 99-119 ISSN : 2102-7188 Référence électronique Jonathan Morton, « Des loups en peau humaine : Faux Semblant et les appétits animaux dans Le Roman de la rose de Jean de Meun », Questes [En ligne], 25 | 2013, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 19 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/questes/107 ; DOI : 10.4000/ questes.107 © Association des amis de « Questes » L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   Des loups en peau humaine : Faux Semblant et les appétits animaux Le Roman de la Rose dans de Jean de Meun Jonathan MORTON Université d’Oxford (New College) Je ne l’oi pas plus tost passee Qu’Amors trouvai dedanz la porte, et son ost qui confort m’aporte. Dex ! quel avantaige me firent li vassal qui la desconfirent ! De Dieu et de saint Benoait puissent il estre benoait ! Ce fu Faus Samblant, li traïstres, le filz Barat, li faus ministres deYpocrisie sa mere, qui tant est au vertuz amere, et dame Attenance Contrainte, qui de Faus Samblant est enceinte, preste d’anfanter Antecrit, si con je truis an livre ecrit. Ne sunt religieus ne monde ; il font un argument au monde ou conclusion a honteuse : cist a robe religieuse, donques est il religieus. Cist argumenz est touz fïeus, il ne vaut pas un coustel troine : la robe ne fet pas le moine.1 Dans la première partie du Roman de la rose de Guillaume de Lorris, l’allégorie est un vêtement gracieux et civilisateur qui couvre les vérités malséantes du désir sexuel de l’Amant. Les arts poétiques de la fin du XIIe siècle et du XIIIe siècle considèrent en effet que l’integumentum                                                          1 Guillaume DE LORRIS et Jean DE MEUN, Le Roman de la rose, Félix LECOY (éd.), Paris, Champion, CFMA, 3 vol., 1965-1970, t. 2, v. 11021-11028.   99 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   dissimule la vérité nue sub pio figmentorum velamine2, « sous un voile pudique d’inventions », c’est-à-dire sous un langage dont la modestie a une valeur équivalente à celle des vêtements comme signe de civilisation et d’humanité3. Les conventions du récit courtois et l’emploi d’une allégorie qui a valeur d’euphémisme dissimulent et maîtrisent ce désir tout en en laissant filtrer une évocation édulcorée et acceptable. Bien qu’il soit indiscutable que le personnage central du texte de Guillaume désire une femme, l’objet de désir est représenté métaphoriquement comme une rose qu’il veut embrasser, puis « cueillir », c’est-à-dire déflorer. La sexualité est sublimée dans le but de ne pas transgresser les règles sociales de la conduite courtoise. Jean de Meun, dans sa continuation du poème, met à nu ces voiles protecteurs de la civilisation pour exposer la véritable nature, animale, des appétits humains. Ce processus provoque une réévaluation du rôle que jouent les pulsions physiques dans la psyché humaine, et révèle le caractère poreux de ces enveloppes sous le couvert desquelles nous cherchons à contrôler et masquer l’animal présent dans l’homme. Cet article portera sur le motif des êtres humains transformés                                                          2 Ambrosius Aurelius Theodosius MACROBIUS (MACROBE), Commentaire au Songe de Scipion, Mireille ARMISEN MARCHETTI (éd. et trad.), Paris, Les Belles Lettres, « Collection des Universités de France. Série latine », 2 vol., 2003, t. I, 2, 11. Voir également Geoffroy DE VINSAUF, Poetria nova, Martin CAMARGO (éd.) et Margaret F. NIMS (trad.), Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, « Medieval Sources in Translation », 2010, t. I, 60-70. Pour une discussion plus approfondie de la relation entre vêtements et théorie littéraire au Moyen Âge, voir Mary Frances BROWN, « Critique and Complicity : Metapoetical Reflections on the Gendered Figures of Body and Text in the Roman de la rose », Exemplaria, Binghampton, New York, Medieval and Renaissance Texts and Studies, 21, 2 (2009), p. 129-159. 3 Albert le Grand, pour déterminer si les Pygmées doivent compter au nombre des animaux ou des humains s’appuie sur la nature de leur langage : il indique selon lui un manque de raison et d’intelligence « propter quod etiam rhetoricis persuasionibus in loquendo non utitur neque poeticis » (« car ils ne font usage, dans leurs discours, ni des procédés rhétoriques, ni des procédés poétiques. », nous traduisons). ALBERTUS MAGNUS, De animalibus libri XXVI, Hermann STADLER (éd.), Münster, Aschendorffsche Verlagsbuchhandlung, « Beiträge zur Geischichte der Philosophie des Mittelalters », 2 vol., 1920-1916, t. II, XXI. 1. 2. 13. L’emploi de la rhétorique, et plus encore de la raison théorique, forment aux yeux d’Albert une caractéristique propre à l’être humain. 100 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   métaphoriquement en animaux ou, plutôt, sur le motif des animaux – surtout des loups – qui prennent une apparence humaine pour mieux chasser leur proie, humaine elle-aussi : cette image se cristallise autour du personnage trouble de Faux Semblant. Faux Semblant, « l’ort hypocrite au queur porri, / qui traït mainte region / par habit de religion »4, se présente au Dieu d’Amour et à ses barons en ces termes : Je suis des vallez Antecrit, des larrons don il est escrit qu’il ont habit de saintée et vivent en tel faintée. Dehors semblons aigneaus pitables, dedanz somes lous ravisables.5 Le public fictionnel de Faux Semblant et le public réel de Jean de Meun doivent faire face à une incertitude troublante et déstabilisante concernant notre capacité à juger de la vérité d’autrui. Dans le poème de Guillaume de Lorris, il n’y a guère de distinction entre l’apparence d’un personnage allégorique et sa vraie nature. Par contraste, Faux Semblant brise ce lien : son apparence, nous dit-il, n’est qu’un mensonge, total et diabolique. L’introduction de l’Antéchrist dans le verger de Déduit, comme l’apparition du péché dans le jardin d’Éden, marque un éloignement du monde allégorique harmonieux et civilisé de Guillaume. La nature même de Faux Semblant, hypocrite archétypique, nous met dans l’incapacité de nous fier au moindre mot issu de sa bouche, et l’hypocrisie, qui caractérise l’homme en propre, dans la mesure où elle ne se trouve chez aucun autre animal, rend problématique la connaissance de la « vraie » nature de l’autre. Le moment même où apparaît Faux Semblant, qui correspond au milieu du roman, souligne le caractère central de ce doute chez Jean                                                          4 Guillaume DE LORRIS et Jean DE MEUN, Le Roman de la rose, éd. cit., v. 10442-10444. 5 Ibid., v. 11683-11688.   101 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   de Meun6. Ce qui est frappant c’est que cette problématisation de la communication humaine rejoint la menace que, sous des vêtements et des paroles raffinés, l’homme ne soit que trop semblable aux animaux. Cette similitude n’apparente pas l’homme à n’importe quelles bêtes, mais aux loups cruels et rapaces, aux « lous ravisables ». Non seulement l’homme peut être malfaisant, mais, en un sens, il peut cesser d’être humain. Jean de Meun prend appui sur la tradition poétique qui met en scène des animaux, surtout des loups, qui se comportent comme des humains pour explorer l’animalité qui se cache au-dedans de nous, une animalité qui peut surgir à n’importe quel moment pour mettre à mal certains aspects de la position privilégiée que l’homme se vante d’occuper comme espèce supérieure. Le loup déguisé en moine : rapacité et hypocrisie La rapacité : le loup dévoreur de moutons Faux Semblant se déguise en religieux en affirmant que l’apparence de la pureté rend plus aisée la mise en œuvre de crimes qui ont pour but de satisfaire les pulsions de domination et de possession matérielle et sexuelle. C’est cette identification avec l’avarice et la satisfaction des désirs qui le pousse à se faire – métaphoriquement – loup. La signification symbolique du loup dans la culture de l’Occident médiéval, son association avec la cruauté et l’appétit et ses liens avec l’hypocrisie, donnent tout son poids au choix de cette image pour représenter le religieux hypocrite, ou, pour être plus précis, pour représenter l’hypocrisie-en-vêtements-de-religieux. Les attitudes médiévales à l’égard du loup peuvent en premier lieu être examinées à travers les bestiaires, en l’occurrence celui du manuscrit 24 de                                                          6 Pour un traitement détaillé de la position de Faux Semblant et de la tromperie dans Le Roman de la rose, voir Susan STAKEL, False Roses : Structures of Duality and Deceit in Jean de Meun’s « Roman de la Rose », Saratoga, Anma Libri, « Stanford French and Italian Studies », 1991. 102 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   la bibliothèque universitaire d’Aberdeen7. L’article sur le loup commence, de manière caractéristique, par l’étymologie du nom de l’animal : Lupus greca dirivatione in linguam nostram transfertur. Lupos enim dicunt illi licos, licos autem grece, a morsibus apellantur, quod rabie rapacitatis, queque invenerint trucidant.8 Le loup devient un symbole du vice vorace et cruel, motivé par son appétit : la bête par excellence. Cette représentation reçoit l’appui de la Bible et de son autorité. Dans la Genèse9, Jacob bénit Benjamin ainsi : « Beniamin lupus rapax ; mane comedat praedam et uespere diuidet spolia10. » Le loup est la figure biblique de la rapacité. Dans d’autres passages de la Bible11, le loup renvoie aux dirigeants sans pitié qui dépouillent leurs sujets. La permanence de cette image traditionnelle du loup au Moyen Âge est attestée par une citation de Grégoire le Grand dans la Summa theologiae de Thomas d’Aquin : « Dicit enim Gregorius, in quadam homilia, lupus super oues uenit, cum quilibet iniustus et raptor fideles quosque atque humiles opprimit »12. Faux Semblant reprend lui aussi cette idée dans sa description des puissants : « Li menuz pueple les encline, / Et cil conme lou les deveurent »13. L’emploi par Grégoire et                                                          7 Nous suivons dans ce choix Alexander Plukowski, qui l’utilise comme exemple typique. Aleksander PLUSKOWSKI, Wolves and the Wilderness in the Middle Ages, Woodbridge, Boydell, 2006, p. 129. 8 « Lupus a été transposé dans notre langue à partir du grec, car les Grecs appellent les loups licos ; ils sont appelés ainsi à cause de leurs morsures par lesquelles ils massacrent tout ce qu'ils trouvent dans leur rapacité furieuse » (Aberdeen, Aberdeen University Library, ms. 24, f° 16v°, nous traduisons). 9 Genèse, XLIX, 27. Les citations bibliques sont tirées de la Vulgate de Saint Jérôme, dans l’édition en ligne de la Biblia Sacra : http://www.thelatinlibrary.com/bible.html 10 « Benjamin est semblable à un loup ravisseur. De grand matin, il dévore sa proie, et sur le soir encore, il partage le butin » (nous traduisons). 11 Ézéchiel, XXII, 27 et Sophonie, III, 3. 12 « Car Grégoire dit dans une de ses homélies, “le loup vient sur les moutons chaque fois qu'un pilleur injuste opprime les fidèles et les humbles”. » (THOMAS D’AQUIN, Summa theologiae, Roberto BUSA (éd.), Stuttgart, Fromman-Holzboog, 1980, IIa-IIae. q. 40, a. 2 ag1, nous traduisons). 13 GUILLAUME DE LORRIS et JEAN DE MEUN, Le Roman de la rose, éd. cit., v. 11512-11513.   103 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   Thomas d’une opposition entre le loup et le mouton se rattache à la tradition du Nouveau Testament, qui donne des loups une vision un peu différente, et suit la présentation du loup comme l’ennemi naturel des moutons, récurrente chez Esaïe14. Cette tradition rejoint au Moyen Âge l’expérience vécue des loups prédateurs qui dévorent le bétail, pour donner naissance à une opposition durable entre le mouton ou l’agneau innocents et le loup rapace et démoniaque. Il faut pourtant souligner que, avant le sermon de Genius qui se trouve vers la fin de l’ouvrage, Jean de Meun ne représente pas les moutons dans le cadre chrétien usuel, comme les disciples de Jésus, mais plutôt au sein d’une lutte proto-darwinienne où ils sont les animaux faibles et destinés à être mangés. Même dans l’allégorie christique de Genius, la conception de l’existence humaine comme combat animal persiste : les brebis guidées par l’Agneau sont des victimes, poursuivies, et éventuellement dévorées, par le diable, qui est un « lous »15. La valeur spirituelle et le salut sont bien éloignés de ce traitement des activités bestiales des hommes. L’hypocrisie : le loup déguisé en mouton et la satire des religieux Le religieux, celui qui renonce au désir charnel pour mener une existence plus sainte, est le mouton chrétien archétypique, vrai disciple de l’Agneau de Dieu. Aussi l’association des loups aux religieux est-elle naturelle pour les satiristes qui veulent critiquer les hypocrisies charnelles de l’existence monacale. Ils peuvent s’appuyer sur un passage de Matthieu : « Attendite a falsis prophetis, qui ueniunt ad vos in uestimentis ouium, intrinsecus autem sunt lupi rapaces »16.                                                          14 Voir Esaïe, XI, 6 et LXV, 25. 15 GUILLAUME DE LORRIS et JEAN DE MEUN, Le Roman de la rose, éd. cit., v. 20230. 16 « Gardez-vous des faux prophètes ! Lorsqu’ils vous abordent, ils se donnent l’apparence d’agneaux mais, en réalité, ce sont des loups féroces » (Matthieu, VII, 15, nous traduisons). 104 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   Dans le De lupo, par exemple, poème satirique du XIe siècle, un homme feint une conversion pour pouvoir porter une tonsure et un habit de moine qui lui permettent de mieux tromper un berger et de lui voler ses moutons17. Le motif du loup-en-moine voit son traitement le plus soutenu dans le poème latin anonyme Ysengrimus, écrit en Flandres au milieu du XIIe siècle et dont l’intrigue principale est la vendetta qui oppose Ysengrimus, le loup, à Reinardus son neveu, le renard18. Dans ce texte, c’est pour leur avarice que les moines sont condamnés. Ils se précipitent avec la violence de la foudre sur toute occasion de s’enrichir : « Monachus oblatu cum uideritat fore lucrum, / irruit ut pluuio fulge tra mota polo »19. L’appétit du moine dépasse même celui du loup : Ysengrimus remarque que « Dico satur “satis est”, monachususque “parum est” »20. Il y a là un effet de symétrie lié au renversement ironique de la pureté hyperbolique à laquelle les moines sont normalement associés comme brebis chrétiennes : sous l’effet de l’inversion21, elle se transforme en bestialité hyperbolique. Avant de poursuivre l’étude et de nous pencher sur les implications théoriques de cette union satirique des natures humaine et animale, un dernier exemple montrera le décalage qui résulte de la confusion entre bête rapace et humain rationnel, à savoir le motif du « loup à l’école », qui est                                                          17 De lupo, Friedrich Walter LENZ (éd.), « Bemerkungenzudem pseudo-ovidischen Gedicht De lupo », Orpheus, 10 (1963), p. 21-32 et p. 25-28. Voir Jan M. ZIOLKOWSKI, Talking Animals : Medieval Latin Beast Poetry, 750-1150, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, « Middle Ages Series », 1993, p. 202 et p. 301-303. Ziolkowski fournit une chronologie utile des sources médiévales où les loups se déguisent en moines, p. 202-210. 18 Il n’est pas très difficile de retrouver les incarnations françaises de ces personnages au XIIIe siècle dans les contes du Roman de Renart. 19 « Quand un moine voit l’occasion de gagner de l’argent, il tombe là-dessus comme l’éclair de foudre que produit un ciel orageux » (Ysengrimus, Jill MANN (éd.), Leyde, Brill, « Mittellateinische Studien und Texte », 1987, v. 639-640, nous traduisons). 20 « Quand je suis rassasié, je dis “ça suffit”, alors que le moine dit “c’est peu” » (Ibid., v. 644, nous traduisons). 21 Cette inversion est à la fois celle à laquelle procède l’ironie (du point de vue des procédés rhétoriques mis en œuvre par la satire), et celle que l’ironie entend dénoncer dans la réalité des pratiques.   105 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   largement répandu aussi bien dans les différentes formes d’art que dans les littératures latine, allemande, française et anglaise22. Dans toutes les versions de ce conte, un clerc ou un moine s’efforce d’enseigner au loup soit l’alphabet soit le credo, et la bête ne peut pas s’empêcher de penser aux moutons. Une bulle papale d’Urbain II du 14 avril 1096 destinée aux moines du monastère de Montieurneuf au sujet des demandes adressées aux moines par les clercs séculiers, démontre la banalité du thème du Loup à l’école : Nos uero anima duertentes, non eos pro spiritualibus causari, sed pro carnalibus, serio diximus quoddam prouerbium, quod debuerat eis uerecundiam inferre, si aduertere uoluissent, de lupo ad discendas litteras posito, cui cum magister diceret A, ipse agnellum, et cum magister B, ipse dicebat porcellum. Sic et ipsi faciebant, quia, cum nos promitteremus psalmos et orationes, ipsie contra quere bantea, quae non sunt ad profectum animarum proficua.23 Le loup monacal, ou plutôt le moine lupin, est un personnage bien connu en Europe médiévale : il représente la prise en compte de la part charnelle qui existe chez tous les êtres humains, y compris chez ceux qui sont censés être les plus saints. Les moines, dans l’Ysengrimus, ne sont pas comme des loups, mais effectivement ils sont des loups, puisqu’un loup peut se faire passer pour un moine sans avoir à accomplir d’autres gestes que se faire tonsurer et revêtir des habits monacaux, les uestimentum ovis, comme le dit                                                          22 Jan M. ZIOLKOWSKI, Talking Animals…, op. cit., p. 206-208. Pour un traitement plus développé voir également Ayers BAGLEY, « A Wolf at School », Studies in Medieval and Renaissance Teaching, Wichita, Kansas, Fairmount College of Liberal Arts and Sciences, Wichita State University, 4, 2 (1993), p. 35-69. 23 « En vérité, nous étant rendus compte qu’ils plaidaient non pas pour des privilèges spirituels mais pour des privilèges charnels, nous avons sérieusement dit un proverbe qui devait leur faire honte, s’ils voulaient en tenir compte, celui du loup assis pour apprendre son alphabet, qui, quand le maître disait “A”, répondait “agneaux” et quand le maître disait “B”, répondait, “porcelet”. Ils faisaient pareil, parce que quand nous avons promis des psaumes et des prières, leur réponse était de demander des choses qui ne sont pas bénéfiques pour le profit des âmes. » Bulle papale citée dans Kleinere lateinische Denkmäler der Thiersage aus dem zwölften bis vierzehnten Jahrhundert, Ernst VOIGT (éd.), Strasbourg, Trübner, « Quellen und Forschungen zur Sprach- und Culturgeschichte der germanischen Völker »,1878, p. 21, nous traduisons. 106 L’Habit fait-il le moine ? Questes, n°25   Jean-Yves Tilliette en reprenant une expression de Matthieu, VII, 15.24 La première référence aux loups dans le Roman de la rose est faite par Faux Semblant qui parle de son déguisement en moine. Il se justifie en disant que Qui de la toison dam Belin au leu de mantel sebelin sire Isengrin affubleroit, li lous, qui mouton sembleroit, por qu’o les berbiz demorast, cuidiez vos qu’il nes devorast ?25 Faux Semblant se présente donc bel et bien comme l’héritier de cette tradition satirique anti-religieuse26. L’association à l’antéchrist et la portée polémique du loup en peau de mouton La Querelle de l’Université et le thème apocalyptique Nous voudrions revenir à présent sur l'affirmation de Faux Semblant, qui se présente comme « des vallez Antecrit », pour mieux considérer une autre branche de cette tradition du loup-religieux et l’usage qu’en fait Jean                                                          24 Jean-Yves TILLIETTE, « La peau de loup, l’apocalypse : remarques sur le sens et la construction d’Ysengrimus », Médiévales, Paris, Presses Universitaires de Vincennes, 38 (2000), p. 163-176, cit. p. 168. 25 GUILLAUME DE LORRIS et JEAN DE MEUN, Le Roman de la rose, éd. cit., v. 11093-11098. « Belin » ou « Belinus » est le nom du bélier dans le Roman de Renart et dans Ysengrimus, bien que cet épisode de déguisement ne figure dans aucun des deux textes. 26 Le motif du déguisement à l’aide d’une peau de brebis n’apparaît pas tel quel dans l’Ysengrimus ou le Roman de Renart. D’après Andrea Valentini, cette ruse particulière pourrait être empruntée à Eude de Chériton, qui la fait utiliser par le renard (Andrea VALENTINI, « Le remaniement de Gui de Mori et sa tradition manuscrite », dans Catherine BEL et Herman BRAET (dir.), De la Rose : texte, image, fortune, Louvain, Peeters, « Synthema », 2006, p. 299-230). Andrea Valentini observe néanmoins que chez Eudes, loup et renard sont souvent interchangeables. L’emploi du nom « dan Belin » pour désigner le mouton implique par ailleurs une fusion de la fable d’Eude avec l’univers de l’Ysengrimus et du Roman de Renart. L’allusion de Jean à Ysengrin accentue donc l’association du loup à un moine immoral et pose les bases d’allusions ultérieures au loup comme symbole d’appétit et de tromperie.   107

Description:
plus précis, pour représenter l'hypocrisie-en-vêtements-de-religieux. Les . les plus saints. Les moines, dans l'Ysengrimus, ne sont pas comme des loups, mais effectivement ils sont des loups, puisqu'un loup peut se faire .. même rapacité bestiale et hypocrite que le frère le plus prédateur e
See more

The list of books you might like

Most books are stored in the elastic cloud where traffic is expensive. For this reason, we have a limit on daily download.