Si le bref passage de Louis Hémon en terre québécoise a marqué notre histoire littéraire, il a aussi bouleversé la vie de plusieurs personnes qui se sont reconnues, ou qu'on a voulu reconnaître, dans les personnages de Maria Chapdelaine. Le cas le plus remarquable est celui d'Éva Bouchard, qu'on disait avoir servi de modèle à Hémon pour son héroïne. Projetée contre son gré sous les feux des projecteurs, cette institutrice de campagne, timide et maladroite, s'est retrouvée au cœur d'une polémique qui a duré près d'un demi-siècle. Après avoir nié être l'inspiratrice de Louis Hémon, Éva Bouchard a joué le jeu; elle a créé un musée consacré au roman Maria Chapdelaine et a laissé s'installer dans l'esprit du public la confusion entre elle et l'héroïne. Marcelle Racine a voulu faire revivre Éva Bouchard, analyser les faits, les silences accusateurs, réfuter les insinuations malveillantes qui ont laissé d'elle un portrait déformé par l'envie. Mêlant habilement l'histoire et la fiction, l'auteure retrace la vie de cette femme qui a cherché sa voie dans un monde trop dur pour elle, qui a aimé, qui a souffert et qui a dérangé au point d'être tour à tour considérée comme une héroïne, un imposteur et une illuminée.