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Entre nature et agriculture. Agricultures patrimoniales et services environnementaux en aire d PDF

521 Pages·2017·12.88 MB·French
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Entre nature et agriculture. Agricultures patrimoniales et services environnementaux en aire d’adhésion des parcs nationaux à la Réunion et en Guadeloupe Camille Demené To cite this version: Camille Demené. Entre nature et agriculture. Agricultures patrimoniales et services environnemen- taux en aire d’adhésion des parcs nationaux à la Réunion et en Guadeloupe. Géographie. Université de la Réunion, 2013. Français. ￿NNT: 2013LARE0009￿. ￿tel-01077938￿ HAL Id: tel-01077938 https://theses.hal.science/tel-01077938 Submitted on 27 Oct 2014 HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires abroad, or from public or private research centers. publics ou privés. UNIVERSITE DE LA REUNION Ecole doctorale Lettres et Sciences Humaines, Droit, Economie-Gestion, Sciences Politiques CIRAD - UR GREEN/UMR TETIS Thèse de doctorat en Géographie Entre nature et agriculture. Agricultures patrimoniales et services environnementaux en aire d’adhésion des parcs nationaux à la Réunion et en Guadeloupe Présentée et soutenue publiquement le 16 janvier 2013 par Camille DEMENE Composition du Jury Romain Lajarge, Maître de conférences HDR, Université Grenoble Alpes (UJF/IGA) (rapporteur) Patrick D’Aquino, Directeur de recherche au CIRAD, UR GREEN (rapporteur) Gilles Lajoie, Professeur, Université de la Réunion (directeur de thèse) Véronique Boussou, Ingénieure agronome IPEF, Parcs Nationaux de France (examinatrice) Béatrice Moppert, Maître de conférences, Université de la Réunion (examinatrice) ii R EMERCIEMENTS Si le parcours de thèse compte ses épisodes solitaires, ce travail n’aurait pas vu le jour sans l’appui de toutes celles et ceux que je tiens ici à remercier. Mes remerciements s’adressent tout d’abord à Gilles Lajoie, qui a accepté de diriger cette thèse de géographie, toute agronome que je suis, et m’a permis de le réaliser dans de bonnes conditions, par la confiance qu’il m’a accordée et par sa disponibilité aux étapes clés de ce parcours de thèse. Je tiens également à remercier chaleureusement Xavier Augusseau, qui, en tant que co-encadrant, m’a apporté un soutien précieux, notamment pour son patient travail de relecture et ses remarques constructives, mais également pour sa confiance et ses encouragements salutaires lorsque le moral avait du mal à suivre. Ces échanges ont constitué un appui primordial au cours de ces derniers mois. Je souhaite également remercier tous ceux qui ont participé à l’encadrement de ce travail et à la construction de mon cheminement. Merci à William’s Daré, pour les discussions et les conseils qui ont nourri les premières phases de ce travail et la rédaction des communications qui les ont accompagnées, ainsi que pour son travail attentif de relecture. Merci à Muriel Bonin, pour le contact établi avec la Guadeloupe et surtout pour ses conseils et ses remarques pertinentes, quoi que nos échanges soient malheureusement restés trop brefs. Merci également à Caroline Maury pour ses conseils et les discussions qui ont enrichi le travail de terrain en Guadeloupe. Un grand merci à Olivier Aznar, malgré l’éloignement disciplinaire et géographique, pour sa disponibilité remarquable et la justesse de ses remarques. Enfin, un grand merci à Béatrice Moppert, qui a accepté, à la suite de Pierre-Marie Decoudras, de s’investir sur le suivi de ce travail, et qui l’a enrichi par son dynamisme et son regard, du patrimoine au paysage ; merci également pour ces discussions plus informelles, du terrain réunionnais aux destinations plus exotiques. Je tiens aussi à remercier les membres du jury, qui ont accepté d’évaluer ce travail, de prendre le temps de s’y pencher, et de l’enrichir par les discussions et réflexions qui ne manqueront pas d’être soulevées. Ce travail n’aurait pas vu le jour sans soutiens institutionnels. Cette thèse a vu le jour dans le cadre du projet SERENA, grâce au soutien financier de l’ANR et du CIRAD, que je remercie ici de m’avoir permis de réaliser cette thèse dans de bonnes conditions matérielles. Merci aux équipes qui m’ont accueillie, qu’il s’agisse du projet SERENA ou des équipes Green et Tetis au CIRAD. Au sein de l’UR Green, merci à Martine Antona, qui malgré un emploi du temps chargé a su trouver des moments de discussion, et m’orienter vers la recherche du fil conducteur. Merci également à Jérôme, pour les discussions partagées qui font préciser et progresser les idées. Toujours au CIRAD, merci à Josie, avec qui les démarches administratives semblent tout de suite moins compliquées. Merci à Marie-André, ainsi qu’à Laetitia et Jérôme, pour les sauvetages informatiques de dernière minute. Merci à Christophe, virtuose des graphiques et maître de l’imprimante, compagnon de labeur, toujours dans la bonne humeur (ou presque - mais là, c’est la faute de l’imprimante). Merci pour l’histoire du chercheur et de la bouteille qui m’a beaucoup fait rire… Merci à Fanny, pour son accueil à Montpellier, et pour les bons moments et les questionnements partagés, de l’expérience de la thèse aux projets à venir. En espérant que nos chemins se recroisent bientôt, qui sait, encore une fois au détour d’un bureau, ou plus probablement, autour d’une spécialité de nos terroirs respectifs… Sans iii oublier les stagiaires rencontrés au cours de ces trois années et qui ont animé la vie du CIRAD et du bâtiment F. En particulier, merci à Luca, pour les discussions enthousiastes, de Slow Food aux productions réunionnaises ; merci également pour les données d’enquête partagées. Merci également à Gaspard et Ilaria (décidément, l’Italie …), ainsi qu’à Laetitia, qui ont désespérément essayé de me sortir de mon bureau ces derniers mois, et avec qui je regrette de n’avoir pas partagé plus de pauses, de discussions, ou de soirées, pourtant toujours passionnés et sympathiques… Sur le terrain guadeloupéen, merci à la Direction régionale du CIRAD, qui a assuré le relai administratif et logistique sur place. Un grand merci à l’Assofwi qui m’a généreusement accueillie dans ses locaux et son verger pleins de bonnes surprises. L’une d’elle fut la rencontre avec Julie et Blaise, merci pour les bons moments partagés autour du café, du jus de persil, ou des ti’punchs une fois la journée plus avancée, et pour la découverte de quelques morceaux choisis du patrimoine guadeloupéen. Cette thèse n’aurait pas été possible sans toutes les personnes qui ont accepté de m’accorder un entretien, de me donner un peu de leur temps, et de partager leurs savoirs et leur connaissance du terrain. Merci aux services statistiques des DAF de la Guadeloupe et de la Réunion, et notamment merci à Gil Chaulet grâce à qui un travail sur les statistiques du RGA a été possible. Merci également à Jimmy Peribe et à Willy Boyer, de Provanille, pour la prise de contact avec les producteurs de vanille réunionnais. Enfin, un grand merci aux planteurs, qui ont pris le temps de me parler de leurs savoirs, de leurs pratiques, de leurs parcours - dont certains forcent l’admiration - et de leurs projets, malgré des emplois du temps souvent déjà bien chargés et un climat parfois sensible. Enfin, merci à tous ceux qui ont enrichi ces trois années, au-delà de ce travail de thèse, dont ils ne savent d’ailleurs pour la plupart pas grand chose. En particulier, merci aux copains de cordées, des falaises à la résine, pour les séances salutaires d’efforts - et de réconfort - partagés, qui m’ont permis par moment de m’échapper de mes questionnements et de mes doutes. Enfin, un grand merci à mes proches (parfois trop loin !...), quoi qu’un merci ne suffise pas vraiment ici… Merci à Ben, pour ces années partagées, malgré parfois la distance, les doutes et les difficultés traversées. Merci pour ta confiance et ta patience, pour la lucidité et ton pragmatisme parfois salutaires face à mes questionnements nébuleux. Pour les projets à construire, petits et grands... Enfin, je ne peux achever cette liste sans remercier ma famille, soutien inconditionnel malgré la distance. Une pensée toute spéciale pour Anna qui grandit trop vite pour moi qui suis loin, à Marino, et à mes frères bien sûr… Et un très grand merci à mes parents, pour leur confiance et leurs encouragements à toujours aller de l’avant, pour ce qu’ils m’ont chacun transmis, entre le goût de la terre, de la matière, et le goût des idées. Un équilibre encore à chercher ! iv SOMMAIRE Remerciements ............................................................................................................................................................ iii Sommaire ....................................................................................................................................................................... v Introduction générale ................................................................................................................................................... 1 Première partie Etudier l’inscription territoriale de petites filières agricoles dans un contexte a fort enjeu biodiversité : une démarche de recherche en géographie sociale ....................................................................................... 9 Chapitre 1 Pourquoi le territoire comme prisme d’observation des interactions entre agriculture et société............... 13 1.1. Des demandes sociales qui renouvellent le statut de l’agriculture au sein des espaces ruraux...................... 14 1.2. Multifonctionnalité et services environnementaux : des concepts qui accompagnent cette évolution ........... 22 1.3. Services et fonctions de l’activité agricole : à l’interface entre agriculture et territoire .................................... 33 Chapitre 2. L’essor de l’enjeu biodiversité : facteur de recomposition des interactions agriculture - territoire .............. 45 2.1. Politiques agricoles : une focale environnementale renforcée ? ........................................................................ 46 2.2. Interaction entre agriculture et biodiversité : place à la complexité ................................................................... 51 2.3. Des évolutions qui invitent à repenser la place des systèmes agricoles « marginaux » .................................... 65 2.4. Une opportunité pour les parcs nationaux de s’impliquer sur les questions agricoles ? .................................. 70 Chapitre 3. Une posture en géographie sociale pour étudier l’inscription de petites filières « patrimoniales » ............... 79 3.1. Démarche générale................................................................................................................................................ 80 3.2. Les représentations des fonctions de l’agriculture, facteurs de recompositions agricoles ............................. 82 3.3. La filière, objet géographique analysé à travers la grille des formations socio-spatiales ................................. 95 Chapitre 4. Dispositif d’étude : les discours des acteurs collectés sur deux territoires ultra-marins, la Réunion et la Guadeloupe ................................................................................................................................. 105 4.1. Mise en perspective de deux terrains d’étude ultra-marins ............................................................................. 106 4.2. Une approche qualitative fondée sur les discours des acteurs ....................................................................... 133 Deuxième partie Des inscriptions territoriales complexes, entre marginalité économique, controverses environnementales et importance socio-culturelle .................................................................................... 141 Chapitre 5. Des filières à la marge des secteurs agricoles réunionnais et guadeloupéens ............................................ 145 5.1. Ce que nous disent les statistiques agricoles : des filières marginales ........................................................... 146 5.2. Ce que nous dit l’histoire : des produits renommés hérités d’un passé florissant ......................................... 149 5.3. Des filières contrastées, entre notoriété et fragilité .......................................................................................... 162 5.4. Les stratégies des producteurs, reflets de ce contexte complexe ................................................................... 169 v Chapitre 6. Fonctions environnementales : des représentations plurielles et des controverses nourries par l’essor de l’enjeu biodiversité .................................................................................................................................................. 195 6.1. Les termes du débat : de multiples objectifs de gestion au sein des sous-bois vanilliers ............................. 196 6.2. Un enjeu biodiversité qui fait évoluer les compromis entre gestion forestière et production de vanille ....... 206 6.3. Une approche à nuancer : des configurations multiples à la parcelle ............................................................. 221 Chapitre 7. Fonctions sociales : une composante essentielle du lien entre ces filières et leurs territoires .................. 257 7.1. Des représentations partagées sur une fonction de cohésion sociale ............................................................ 258 7.2. Une fonction culturelle déclinée à différentes échelles .................................................................................... 268 7.3. Des fonctions sociales qui s’articulent avec les fonctions environnementales dans les représentations .... 282 Chapitre 8. Une inscription territoriale recomposée par l’intégration des dimensions environnementales, sociales et culturelles de l’activité agricole ......................................................................................................... 291 8.1. Des soutiens politiques à l’«aménagement» de la place de l’agriculture ........................................................ 292 8.2. Des dispositifs de soutien économique valorisant les fonctions sociales et environnementales .................. 298 8.3. Des fonctions mobilisées à différents degrés dans les stratégies de spécification........................................ 306 8.4. Une « consistance territoriale » recomposée ..................................................................................................... 314 8.5. Les parcs nationaux, des atouts pour ces filières ? .......................................................................................... 324 Troisième partie Retisser des liens entre agriculture et territoire : quels outils, quels acteurs ? Discussion sur le concept de service environnemental et retour sur le rôle d’un Parc national ........................................ 341 Chapitre 9. Le service environnemental, un outil pour retisser les liens entre agriculture et territoire ? ...................... 345 9.1. Le service environnemental, des fondements qui ouvrent de nouvelles perspectives ? ............................... 346 9.2. Un champ d’opérationnalisation trop étroit pour refonder les interactions entre agriculture et territoire .... 348 9.3. La requalification des produits, un autre scénario pour valoriser les services environnementaux ? ............ 365 Chapitre 10. Les parcs nationaux, acteurs des recompositions territoriales de l’activité agricole, « tisseurs de liens » entre le « naturel » et le « culturel » ? ..................................................................................................................... 379 10.1. L’agriculture, un « objet territorial » que les parcs nationaux ne peuvent ignorer ........................................ 380 10.2. Le territoire, la clé d’une collaboration à construire entre acteurs agricoles et parcs nationaux ? ............ 385 10.3. Les territoires, des objets singuliers, des compromis à construire au cas par cas ...................................... 391 Conclusion générale ................................................................................................................................................ 409 Références bibliographiques ................................................................................................................................. 420 Annexes ..................................................................................................................................................................... 445 Table des figures ...................................................................................................................................................... 497 Liste des tableaux .................................................................................................................................................... 499 Table des encadrés.................................................................................................................................................. 500 Table des matières détaillée ................................................................................................................................. 501 vi I NTRODUCTION GENERALE « Toute réflexion liant l'agriculture et l'environnement débouche immanquablement sur la complexité et l'interdépendance des problèmes écologiques, économiques et sociaux. Les enjeux sont de taille et relèvent d'un débat national si l'on veut que soit précisé le rôle dévolu aux agriculteurs. » Pierre Alphandéry, 1991 « Agricultures, produisons autrement ». « Agricultures, produisons autrement ». C’est le nom de la plate forme collaborative créée en 2012 par le ministère français en charge de l’agriculture, destinée au partage de connaissances et d’expériences autour d’initiatives agricoles « adaptées aux enjeux économiques, écologiques et territoriaux d’aujourd’hui » 1. Les grands enjeux qui y sont déclinés - réserves en eaux, potentiel des sols, biodiversité, défi énergétique - reflètent l’entrée environnementale choisie pour aborder cette recherche d’ « autres » modes de production agricole. Néanmoins, en parcourant ce recueil d’expériences, il apparait que la recherche de solutions pour concilier production agricole et protection de l’environnement fait intervenir, au-delà des enjeux économiques et écologiques, d’autres dimensions de l’activité agricole : sociales, culturelles, paysagères, etc. On y parle ainsi entre autres de produits de terroirs, de circuits courts, de choix de vie de certains agriculteurs. Cet exemple fraîchement sorti des cartons du ministère en charge de l’agriculture nous a semblé intéressant pour introduire le propos que nous développerons dans cette étude à plusieurs titres. Tout d’abord, il atteste de la place de premier plan prise désormais par l’environnement dans les problématiques agricoles. Ensuite, il suggère que les attentes de la société vis-à-vis de l’agriculture intègrent d’autres dimensions que les aspects environnementaux - qualité des produits, identité des territoires, vie sociale des espaces ruraux, etc. - et que celles-ci peuvent contribuer à construire des systèmes pour « produire autrement », en intégrant l’environnement. Il témoigne enfin d’un crédit nouveau accordé à des systèmes agricoles encore considérés il y a quelques années comme originaux mais manquant de rationalité économique par rapport à un modèle productiviste aux fondements alors encore peu discutés. Cet exemple n’est certes pas représentatif des évolutions des politiques agricoles, qui restent aujourd’hui fondamentalement axées sur le soutien à des systèmes agricoles productivistes intégrés 1 http://agriculture.gouv.fr/produisons-autrement. 1 Introduction générale aux filières de l’agrofourniture et de l’agro-transformation, et n’intègrent que timidement des soutiens à une agriculture plus verte ou plus sociale (Bazin, 2003 ; Deverre et de Sainte Marie, 2008 ; Esposito- Fava et Lajarge, 2009). Il nous a tout de même semblé symptomatique d’une évolution des discours politiques sur l’agriculture. L’environnement constitue désormais une composante incontournable des débats sur les futurs possibles de l’agriculture, et cette montée en puissance des préoccupations environnementales contribue à redéfinir la place de l’activité agricole dans nos sociétés (Alphandéry, 1991 ; Deverre et de Sainte Marie, 2008). D’un point de vue géographique, nous nous pencherons plus particulièrement sur cette question sous l’angle des recompositions induites entre agricultures et territoires (Albaladejo, 2004 ; Bernard et al., 2006 ; Rieutort, 2009). Les « nouvelles » demandes formulées à l’égard de l’agriculture s’expriment en effet à partir de territoires de multiples natures (territoires administratifs, bassins de vie, territoires de protection de l’environnement, etc.) et de multiples échelles (des relations de voisinage entre agriculteurs et non-agriculteurs aux politiques agricoles communautaires, jusqu’aux accords mondiaux s’appliquant à l’agriculture). En s’adaptant - ou non - à ces demandes, l’agriculture évolue et ses liens au territoire se recomposent. Les recompositions agricoles s’inscrivent ainsi dans des territoires qui en définissent certains termes et qu’elles contribuent en retour à construire (Bonin, 2003 ; Esposito-Fava et Lajarge, 2009 ; Lescureux, 2007). Les territoires constituent des « entités médiatrices » qui « donne[nt] forme à une multifonctionnalité de l’agriculture, définie en partie localement » (Duvernoy et al., 2010). C’est dans ce contexte de recompositions en cours des liens entre agriculture et territoire, sous l’influence de la prise en compte accrue d’enjeux environnementaux, que s’inscrit notre démarche de recherche. Nous nous interrogeons dans ce cadre sur l’opportunité que peut représenter cette demande croissante d’une agriculture plus « verte » pour des productions agricoles « marginales » (leur marginalité étant ici définie par leur distance vis-à-vis des préceptes du modèle de modernisation agricole - mécanisation, intensification, homogénéisation des conditions de production). La prise en compte des fonctions environnementales peut-elle constituer une nouvelle ressource pour ces filières, leur permettant de reconstruire ou de recomposer leurs liens aux territoires ? D’autres fonctions interviennent-elles dans ces recompositions, comment s’articulent-elle avec les précédentes ? Nous nous intéresserons pour répondre à ces questions à de petites filières ultramarines, la vanille et le café. Héritières d’une histoire économique florissante au sein de leurs territoires respectifs, la Réunion et la Guadeloupe, elles sont aujourd’hui la marge des mondes agricoles de ces deux régions, structurés autour de grandes filières d’exportation, la canne à sucre et la banane. Parmi les enjeux à l’interface entre agriculture et environnement, la gestion de la biodiversité est une préoccupation récente et un champ de recherche encore peu parcouru. Elle reste l’un des plus difficiles à appréhender, en raison notamment de repères scientifiques et politiques encore peu stabilisés (Le Roux et al., 2008 ; Mermet et Poux, 1999). Néanmoins, elle pose tout particulièrement la question des recompositions des systèmes agricoles et du rôle de l’agriculture dans les territoires. D’une part, après avoir par tous les moyens cherché à homogénéiser les systèmes agricoles et à les affranchir des conditions du milieu, chassant la diversité biologique des agro-systèmes, voir des écosystèmes alentours, la recherche agronomique en revient à la conception de systèmes plus complexes, inspirés des écosystèmes naturels et dont la biodiversité serait une composante fonctionnelle (Larrère, 2002 ; Lescourret, 2012 ; Malézieux, 2012). D’autre part, l’agriculture est de plus en plus sollicitée pour prendre part à la gestion de la biodiversité d’espaces naturels ou cultivés 2 Introduction générale (Boiffin, 2011 ; Deverre et al., 2007). Se dessine ainsi la possibilité de créer des synergies entre production agricole et gestion de la biodiversité (Le Roux et al., 2008). Ces évolutions conduisent à réhabiliter certains savoirs locaux - ou savoirs paysans - (Alphandéry et Fortier, 2005), ainsi que certains systèmes agricoles (Dufumier, 2006 ; Poux et Ramain, 2009) considérées comme archaïques au regard des préceptes de l’agronomie moderne (systèmes d’élevages extensifs, cultures associées type « jardin créole », etc.). Les systèmes de production de vanille et de café sur lesquels nous avons choisis de nous pencher soulèvent ce type de questions. Extensifs, ils se fondent sur des savoirs et des pratiques hérités d’une transmission familiale ou informelle plus que de la recherche agronomique et de l’encadrement technique agricole. Ils sont en outre en grande partie situés sur des espaces « frontières » entre l’agricole et le naturel, ce qui pose tout particulièrement la question de leur impact en termes de biodiversité. De petites productions agricoles ultra-marines en aire d’adhésion de parcs nationaux Nous avons donc choisi de nous pencher sur la production de vanille et de café dans deux départements d’outre-mer (DOM). La Réunion et la Guadeloupe sont deux régions françaises ultra- marines (Figure 1), dont les agricultures présentent de nombreuses caractéristiques communes. L’économie agricole, et plus largement l’économie générale, de ces deux DOM a été historiquement dominée par la production cannière et sucrière, et cela a structuré profondément les mondes agricoles de ces deux régions (Deverre, 1997). Cela se traduit aujourd’hui par une sole cannière qui occupe l’essentiel des bonnes terres agricoles, et par le poids économique, financier et politique des grands groupes sucriers dans la vie économique et sociale de ces territoires (ibid.). En Guadeloupe, cette hégémonie est aujourd’hui partagée avec la banane, qui s’est développée après la seconde guerre mondiale dans le sud Basse-Terre. A la Réunion, les cultures vivrières et l’élevage se sont développés dans les Hauts, où la culture de la canne est impossible. Les réformes foncières conduites à partir des années 1960 ont permis de faire évoluer les structures agricoles, d’un modèle hérité des grands domaines de plantation vers un plus grand nombre de petites exploitations familiales. Les politiques agricoles et de développement rural ont par la suite progressivement encouragé la diversification et le développement de filières à destination du marché local (élevage et maraîchage principalement). Ainsi, si les agricultures réunionnaises et guadeloupéennes restent marquées par leur spécialisation et leur dépendance extérieure, celles-ci se réduisent progressivement avec une diversification croissante des exploitations, et le progrès de l’approvisionnement alimentaire local. La question de la multifonctionnalité de l’agriculture se pose ainsi à la Réunion et en Guadeloupe dans un cadre légèrement différent de celui de la métropole, entre la protection des cultures d’exportation, pivots des exploitations, et le développement de l’approvisionnement local (Chia et Dulcire, 2008), entre de grandes exploitations professionnelles et une agriculture informelle qui conserve un rôle d’amortisseur social (Justine, 2010), entre le développement difficile de filières ou de modèles agricoles alternatifs (agriculture biologique notamment) et des opérateurs des grandes filières d’exportation qui pèsent économiquement, socialement, et politiquement dans la vie locale (Laudié-Lecompte, 2003). La déclinaison locale des politiques agricoles prend en comte ces spécificités, et les soutiens restent plus largement orientés vers l’amélioration de la productivité des exploitations qu’en métropole, tandis que le soutien à l’agro- environnement y reste plus marginal (Programme de Développement Rural Guadeloupe 2007-2013 ; 3

Description:
Services et fonctions de l'activité agricole : à l'interface entre agriculture et territoire . 346. 9.2. Un champ d'opérationnalisation trop étroit pour refonder les leur confèrent à chacun une place singulière au sein de leurs territoires
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