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enseigner et apprendre par problemes scientifiques PDF

37 Pages·2011·0.58 MB·French
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ENSEIGNER ET APPRENDRE PAR PROBLEMES SCIENTIFIQUES DANS LES SCIENCES DE LA VIE ÉTAT DE LA QUESTION Philippe Brunet Ce texte, qui a été rédigé pour un mémoire de DEA, présente un état actuel de la réflexion sur l'enseignement et l'apprentissage par problèmes scientifiques. Il distingue les données épistémologiques (démarche expérimentale et obs tacles), les données psychocognitivistes (socio-constructivisme, traitement de l'information, la résolution de problèmes), et l'outil didactique dénommé situa tion-problème. R présente une bibliographie très développée sur la question. Depuis la réforme des lycées et la mise en place des nouvelles séries du baccalauréat de l'enseignement secondaire, l'ensei gnement par problèmes scientifiques guidant les activités expérimentales des élèves est devenu la seule méthode péda gogique prônée par l'Inspection Générale. D'ailleurs, il est possible de lire dans les principes généraux de ces nouveaux programmes : "L'enseignement des Sciences de la Vie et de la Terre s'appuie largement sur des activités pratiques et expéri une investigation mentales, sur une référence constante au concret, sur l'appel à à partir de des thèmes d'actualité. Fondé sur une investigation à partir de problèmes scientifiques problèmes scientifiques, il favorise le développement chez l'élève d'une attitude rationnelle, condition d'une autonomie indispensable à un choix raisonnable. " (1) Bien que présent, dans l'enseignement des sciences natu relles, comme alternative à d'autres méthodes pédagogiques, dès la fin des années soixante, c'est vraiment, avec les chan gements de programme de 1987, que l'enseignement par problèmes scientifiques fait son entrée officielle dans la conduite de l'enseignement. On peut en effet lire dans les ins tructions officielles de 1987 : "Dans le cadre des méthodes actives associant les élèves à l'organisation des connais sances autant qu'il est possible de le faire, la valeur éducative des actions pédagogiques tient aux démarches explicatives que conditionne la problématique scientifique. Les sujets formuler des doivent permettre à partir du concret et des acquisitions anté problèmes rieures des élèves de formuler les problèmes scientifiques, étapes conduisant par le raisonnement à l'organisation d'un savoir explicatif. " Alors qu'en 1987, il était explicitement fait référence à une pratique pédagogique, celle des méthodes actives, une évolu tion est perceptible dès 1992, avec les rajustements transitoires des programmes de 1987 où là, il est fait réfé- (1) Ministère de l'éducation nationale (1992). Nouveaux programmes des classes de seconde, première et terminale des lycées. B.O.E.N., (numéro hors série du 24 septembre 1992). Paris, CNDP. ASTER N° 27. 1998. Thèmes, thèses, tendances, INRP, 29, rue d'Ulm, 75230 Paris Cedex 05 146 rence à un enseignement par problèmes scientifiques prenant en compte les capacités des élèves (2). Bien que non explici tement indiquée, la pédagogie par objectifs est sous-jacente à l'élaboration de ces nouvelles indications méthodologiques. Finalement, toute référence à une quelconque pratique péda gogique disparaît dans les derniers programmes. Comment interpréter ce retrait progressif de toute indication d'ordre pédagogique quant à la mise en place d'un enseignement par problèmes scientifiques? Nous supposerons, alors, la prise de conscience du fait que l'enseignement des sciences est au moins sous l'influence de deux types de contraintes (Host, 1982, 1985) : "Les unes tiennent aux finalités de l'éducation, les autres aux exigences spécifiques de la pensée scientifique. " (Host, 1982). Un enseignement par problèmes scientifiques se trouve donc à la rencontre d'une double approche : l'approche psychocognitive et l'approche épistémologique. Cependant, l'étude des problèmes proposés par les concep teurs de manuels (3) (Tavernier, Lizeaux, 1993; Demounem, Gourlaouen, Périlleux, 1993), outre la diversité syntaxique de renonciation de ces derniers (voix affirmative ou voix interro gative), fait apparaître une méconnaissance du type de savoir à construire, lors de la résolution du problème. Il semble donc nécessaire de trier et de qualifier, les différents types de savoir auxquels est confronté tout enseignement des sciences, de façon à déterminer ceux qui seront construits de façon privi légiée, lors d'une pédagogie par "résolution de problèmes". De plus, les instructions officielles indiquent que l'enseigne ment doit se mettre en place à partir des acquis supposés des les conceptions élèves, construits dans les classes précédentes. Or, le plus des apprenants souvent, ce dernier possède "des conceptions pré-scientifiques qui font partie de son bagage intellectuel d'apprenant, c'est à travers elles qu'il comprend... Elles sont à la base de la connaissance, en constituant une sorte de substrat au savoir. " (Giordan, De Vecchi, 1990). Ces conceptions initiales des apprenants sont à l'origine d'obstacles à la compréhension et à l'acquisition d'une connaissance scientifique, "c'est en effet, (2) "Avec les moyens traditionnels ou grâce aux technologies nouvelles, on poursuivra la recherche des conditions de développement d'un enseignement par problèmes scientifiques et des capacités des élèves à élaborer des hypothèses, concevoir et mettre en œuvre des protocoles expérimentaux, dans le cadre d'activités de laboratoire autonomes, individuelles et d'équipe." Ministère de l'éducation nationale (1992). Aménagement des programmes en classe de seconde généra le et technologique (année scolaire 1992-1993); Biologie-géologie. B.O.E.N. n° 23/4 juin 1992, page 1579. Paris, CNDP. (3) "1 -Comment évaluer les dépenses énergétiques de l'animal ou de l'homme, et comment étudier expéri mentalement l'influence de différents facteurs, internes et externes, sur les dépenses énergétiques ? 2-Par quels mécanismes les cellules libèrent-elles l'énergie chimique des nutriments ? Quelles sub stances cellulaires interviennent dans ces processus libérateurs d'énergie ?" Tavernier, R., Lizeaux, C. (1993). Sciences de la vie et de la terre, première S. Paris : Bordas. Ou encore, "Les problèmes scientifiques à résoudre : 1- La diversité ou l'identité des modalités de conversion d'énergie chez les êtres vivants. 2- L'influence de divers facteurs sur la consommation d'énergie d'un organisme. 3- Les mécanismes des conversions d'énergie à l'échelle de la cellule." Demounem, R., Gourlaouen, J., Périlleux, E. (1993). Sciences de la vie et de la Terre, première S. Paris : Nathan. 147 en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique" (Bachelard, 1938). Ces données, qu'il sera nécessaire de prendre en compte dans l'enseigne ment des sciences, interfèrent alors avec les deux approches définies précédemment. trois types de La reconnaissance de ces trois types de contraintes, à savoir contraintes celles liées aux mécanismes d'apprentissage lors de la réso lution de problèmes, celles liées aux exigences de la pensée scientifique et celles liées à l'existence de conceptions pré- scientifiques chez les apprenants, a amené les chercheurs en didactique des sciences à construire progressivement un ensemble d'outils permettant un enseignement plus efficace des savoirs scientifiques. La connaissance des conceptions-obstacles, n'est, en effet, utile que si elle permet véritablement l'acquisition d'un savoir scientifique, il est en effet nécessaire de rendre ce concept opérationnel. Le concept d'objectif-obstacle (Martinand, 1986) semble pouvoir l'opérationaliser. La situation-problème se trouve elle à la réunion de la pra tique de résolution de problèmes et du concept d'obstacle opérationalisé par celui d'objectif-obstacle. Elle peut donc paraître comme étant un outil efficace de l'apprentissage. Tout l'effort de la pédagogie des situations-problèmes est d'or ganiser précisément l'interaction pour que, dans la résolution l'impossibilité du problème, l'apprentissage s'effectue. Cela suppose que l'on de résoudre s'assure, à lafois de l'existence d'unproblème à résoudre et de le problème l'impossibilité de résoudre le problème sans apprendre. " sans apprendre (Meirieu, 1987). Il est ainsi également posé la question de la pertinence et du sens pour l'apprenant du problème qui lui est donné à résoudre. Afin de préciser les caractéristiques d'un "enseignement par problèmes scientifiques", nous envisagerons donc dans un premier temps les deux domaines auxquels fait référence cette pratique pédagogique : l'épistémologie des sciences et les théories d'apprentissage liées à la psychologie cognitive. Nous terminerons alors cet exposé par la caractérisation d'un outil didactique utilisable dans ce type d'enseignement, à savoir la situation-problème. 1. LES DONNEES EPISTEMOLOGIQUES D'UN ENSEIGNEMENT PAR PROBLÈMES SCIENTIFIQUES Dans le domaine de la recherche sur la "résolution de pro blèmes", outre le courant psychocognitiviste, il existe un courant basé sur l'histoire, la philosophie et l'épistémologie des sciences (Furiô Mas, Iturbe Barrenetxea, Reyes Martin, 1994). C'est effectivement la pratique du chercheur scienti- 148 fique qui tend à servir de référence dans l'enseignement des sciences. Il apparaît donc nécessaire d'étudier et de caracté riser les mécanismes de l'élaboration scientifique. Trois éléments majeurs seront ici, envisagés dans le développe ment de la connaissance scientifique : - le problème en tant qu'instrument de création de savoir scientifique, - la démarche expérimentale fonctionnant sur un mode de pensée hypothético-déductif, - le concept d'obstacle épistémologique, développé dans un cadre d'étude historique. 1.1. Le problème, moteur de l'activité scientifique une problématisation Bien qu on puisse remettre en cause une "problématisation excessive excessive des sciences, en liaison avec un idéal méthodolo gique (Andler, 1987), il n'en demeure pas moins, qu'en partie, le problème est au cœur de l'activité scientifique, il apparaît comme étant le moteur de sa progression {Popper, 1959, 1963;Laudan, 1977 ; Chalmers, 1991). "La science ne commence que s'il y a problème. Ceux-ci surgissent avant tout lorsque nos attentes se trouvent déçues ou que nos théories nous conduisent à des difficultés, à des contradictions." (Popper 1985). Plus généralement, Popper (1978), fera de tout être vivant un problem-solver et fondera l'existence d'un "monde-3", création humaine, "peuplée des produits objecti vés de l'activité cognitive : théories, problèmes, conjectures, doctrines et options philosophiques, interprétations, etc." (Andler 1987) Ces problèmes, moteurs de la découverte scientifique, appa raissent lorsque les théories scientifiques n'expliquent plus totalement ce qui est observé par le chercheur. Ils permet tent alors, l'élaboration d'hypothèses qui se trouvant "réfutées", autorisent l'élaboration de nouvelles théories et de nouveaux problèmes selon le schéma : "P^ TC^EE^P' P = Problème initial (plongé dans un contexte), TC = Théorie Conjecturale (tentative theory) proposée dans l'espoir de résoudre P, EE = phase d'Élimination des Erreurs, P' = un nouveau Problème (ou contexte problématique) issu du processus." [Andler, 1987) C'est le plus souvent en ayant recours à l'expérimentation que l'élimination des erreurs s'établira. En fait, contraire ment à un cadre "Jalsificationiste" poppérien naïf (Chalmers, 1976), il est rare que l'expérience débouche sur le rejet de la théorie ou son acceptation provisoire {"l'expé rience cruciale"). Selon Lakatos (1985), le plus souvent, on aboutit à des aménagements provisoires de secteurs de la théorie. 149 science normale Parallèlement, son étude de "La révolution copernicienne" et révolutions (1957) permet à Kuhn de dégager le concept de "révolution scientifiques scientifique" (1962). Il distingue alors : "- Des périodes où les scientifiques sont d'accord sur la façon dont il faut voir le monde et partagent le même para digme. Il parle alors de science normale. - Des périodes, plus courtes et relativement peu fréquentes, de science extraordinaire où une révolution scientifique conduit à un changement de paradigme. " (Orange C., Orange D. 1993b) Ce concept de paradigme élaboré par Kuhn, bien que ce dernier le rejetât (Latour, 1996), permet entre autres, d'in troduire dans l'activité scientifique une composante sociale (Latour, Woolgar, 1988; Latour 1996). Ce concept pourra d'ailleurs, orienter une pratique de classe par la mise en place d'un débat scientifique dans la classe (Johsua, 1989). En effet, "le paradigme va beaucoup plus loin que l'idée de théorie construisant les faits, il est équipé d'instruments, alourdi de procédures institutionnalisées. Il est social, poli tique, humain en même temps que conceptuel et technique. " (Latour, 1996). Il sera alors possible de distinguer deux types de problèmes scientifiques. Ceux qui permettent une amélioration du paradigme dans lequel ils sont élaborés et ceux qui par absence de résolution, conduiront à une crise, on distinguera alors des "problèmes normaux" et des "pro blèmes de rupture" (Orange C, Orange D., 1993b). Laudan, rejoignant les travaux de Kuhn, affine la définition du problème scientifique. En effet, il considère qu'il existe deux types de problèmes : - les problèmes empiriques ou problèmes d'ordre premier (Laudan, 1977) qui "correspondent à ce qui, dans la nature, perçue au travers d'un certain contexte de recherche ou de certaines idées préconçues, demande une explication" (Orange C, 1993) ; on pourra les rapprocher des pro blèmes normaux "kuhniens" ; - les problèmes conceptuels, proches eux des problèmes de rupture. Il s'agit "soit de problèmes de plausibilité ou de cohérence d'une théorie, soit de conflits entre deux théories" (Orange, 1993). Il faut également insister sur le fait que pour Laudan, les construire les problèmes résultent d'un processus d'élaboration théo problèmes avant rique. Il rejoint de ce fait Bachelard pour qui la maîtrise d'un de les résoudre problème scientifique ne se limite pas à sa résolution, mais également à sa construction, à sa formulation (Orange, 1993). Popper, Laudan, Bachelard et Kuhn amènent alors Orange (1993) à préciser "trois points importants dans les relations problèmes/connaissances : - Des interactions fortes existent entre problèmes °et connais sances au point que l'un ne peut exister sans l'autre dans l'activité scientifique. 150 - Les problèmes sont des constructions intellectuelles. Ils ne sont pas donnés, mais résultent d'un processus de probléma- tisation. - Les problèmes n'ont pas tous le même statut épistémolo- gique; certains sont liés à des ruptures théoriques, d'autres à de simple développement de paradigmes. " En partant de l'hypothèse que ces remarques sont transpo- sables à des situations d'apprentissage s'appuyant sur la construction et la résolution de problèmes, il est alors pos sible de distinguer en situation de classe, dans une pratique pédagogique guidée par l'épistémologie des sciences, des problèmes normaux et des problèmes de rupture (ou fonda mentaux). Orientés également par des données historiques, on distinguera des savoirs-clés quant à la construction de la connaissance scientifique et des savoirs plus secondaires qui n'interviendront que dans la stabilisation des concepts majeurs (savoirs-clés) (Orange C Orange D., 1993b; Johsua, 1989). Tout comme dans le domaine scientifique où on assiste à des changements nets de connaissance, lors de période de révolution scientifique, les problèmes de rupture permettront donc aux apprenants de réaliser un apprentis sage en changeant leur propre paradigme. Alors que des problèmes normaux pourront être utilisés au cours d'un autre type d'apprentissage qui lui, visera davantage l'appro fondissement d'une connaissance, d'une théorie (Orange C, l'essentiel est Orange D., 1993b). Cependant, "qu'ils soient fondamentaux dans la ou normaux, les problèmes sont à construire et c'est dans la construction construction que réside l'essentiel du travail intellectuel, donc l'essentiel de l'apprentissage attendu." 1.2. La démarche expérimentale En sciences expérimentales et notamment en biologie, c'est par la mise en place d'expérimentation que les théories, explications momentanées à un problème vont être mises à l'épreuve : on tentera de les "falsifier" (Popper, 1959). Ces expérimentations prennent souvent la forme d'une "démarche expérimentale" caractérisée par une approche intellectuelle hypothético-déductive. La "démarche expérimentale" trouve son origine dans le posi tivisme classique qui dans l'activité scientifique donnait un rôle fondamental à l'observation (Comte, 1832). Cette atti tude positiviste est particulièrement illustrée par Claude Bernard (1865) dans la mise en place de la "méthode expéri mentale" (Develay, 1989) que l'on peut résumer par : "Observation naturelle ->• expérience (mesures) -> mise en évi dence défaits ->• formulation d'hypothèses ~* déductions et prévisions -> mise au point de nouvelles expériences fondées sur ces hypothèses et ces prévisions -+ confirmation ou rejet des hypothèses au vu du résultat de ces expériences." (Johsua, Dupin, 1993) 151 Il apparaît cependant que Claude Bernard, lui-même, n'uti lisait pas cette méthode dans ses recherches et qu'elle ne représentait qu'une technique d'exposition de ses travaux (Canguilhem, 1968; Grmek, 1973). En effet, un ensemble le cadre d'études historiques a démontré que le cadre théorique dans théorique prime lequel se posait le problème primait sur l'observation et que ce dernier était le filtre à travers lequel le monde physique ou biologique pouvait être interrogé (Giordan (dir.), 1987). "La science part donc de problèmes et non pas d'observations, même si celles-ci peuvent faire apparaître un problème, en particulier lorsqu'elles sont imprévues." (Popper, 1985). Dans la science moderne, même si "le caractère principal de l'éla boration scientifique apparaît de nature hypothético -deductive, c'est l'hypothèse, enserrée dans un cadre théo rique, qui dirige les calculs mais aussi les observations, et donc les conclusions à confronter éventuellement avec les données expérimentales" (Johsua, Dupin, 1993). Un décalage semble cependant exister entre la reconnais sance d'une procédure de recherche scientifique non enclenchée par l'observation et les pratiques pédagogiques. Il apparaît, en effet que l'enseignement des sciences expéri mentales, et particulièrement celui de la biologie, reste très largement imprégné par une approche empiriste dans un cadre positiviste. "L'observation joue le rôle d'activité pre mière, la démarche inductiviste étant le processus obligatoire pour accéder à la conceptualisation." (Grosbois, Ricco, Sirota, 1992). L'enseignement de la biologie passe par celui de la "méthode" expérimentale, modèle unique hérité de Claude Bernard et schématisé par OHERIC : Observation ->• Hypothèse -> Expérience ->• Résultat ->• Interprétation -> Conclusion (Giordan, 1978). Il peut être éventuellement déguisé sous la forme OPHERIC, P pour problème, mais le cadre empirique donnant la pri mauté à l'observation, lui, ne change pas, malgré l'apparition du P. Il apparaît que de manière récurrente, cette méthode linéaire destinée à ne mettre en valeur et à ne délivrer que la solution unique au problème déjà connue de l'enseignant est employée majoritairement par ces derniers (Orlandi, 1991). Ceci pourrait être relié à une "épistémologie spontanée des enseignants" où coexistent une attitude descriptive héritée du XIXe siècle et une absence de connaissances en histoire des sciences (Rumelhard, 1997). La décontextualisation de contenus et de pratiques enseignés hors de tout lien avec leur sphère de production "semble déplacer sans transition et irréversiblement les formulations employées par des ensei gnants de biologie d'un registre scientifique à un registre dogmatique" (Grosbois, Ricco, Sirota, 1992; Favre, Rancoule, 1993). De plus, selon Rumelhard (1997), la position prédominante de l'observation, dans la pratique de classe des enseignants de biologie semble s'accompagner de "résistances très fortes, 152 obstacle à la d'obstacles à la notion de problème (le mot problème conte- notion de nant l'idée d'obstacle jeté devant et l'idée de résistance, de problème défenses à emporter deforce)". Outre les obstacles liés à l'épistémologie spontanée des enseignants, il y discerne éga lement des obstacles d'ordres psychologique et pédagogique : l'instinct conservatif privilégiant les réponses aux questions, le désir de régression, de fusion-confusion au sein de la Nature que peut entraîner le choix de certains thèmes de l'écologie et de l'éducation à l'environnement, et le choix de certaines méthodes d'enseignement qui réactivent (d'après Dolto, 1967) l'attitude digestive de la relation à l'autre. Dans un autre registre, l'évolution même du savoir scientifique qui par sa complexité et ses intégrations successives fait dispa raître la question initiale constituera également un obstacle à la notion de problème (Rumelhard, 1997). 1.3. L'obstacle épistémologique Lorsque John Dewey, l'un des fondateurs du mouvement pragmatique américain, préconise un enseignement par pro blèmes, permettant "à l'enfant en les "expériençant" de discipliner ses impulsions, le savoir lui étant donné par sur problèmes croît" (Deledalle, 1995), il pense plutôt à des problèmes pratiques d'ordre pratique. Cependant, "Résoudre un problème, trouver une solution efficace à un problème précis n'implique pas nécessairement de développer une problématique et d'entre prendre un programme de recherche. Une véritable activité scientifique vise à objectiver une question en proposant un détour, un recul, un déplacement, un changement de point de vue." Ce détour présente une rupture avec la pensée commune (Rumelhard, 1997). On rejoint ici, l'idée de l'expérience première développée par Bachelard (1938). "La première expérience ou, pour parler plus exactement, l'observation première est toujours un premier obstacle pour la culture scientifique." (Bachelard, 1938). Pour lui, cette observation première tirée le plus souvent de la pensée commune est "séduisante et colorée" et fait croire un peu trop rapidement, que l'on a compris. Elle crée alors un obstacle à la construction d'un réel savoir scientifique. Pour dépasser cet obstacle, il est alors néces saire de quitter cet empirisme immédiat. Ceci ne peut alors se faire que par la construction, la formulation d'un pro blème et c'est au cours de ce processus que s'élaborera le savoir. les problèmes ne "Et quoi qu'on en dise dans la vie scientifique, les problèmes se posent pas ne se posent pas d'eux mêmes. C'est précisément ce sens du d'eux-mêmes problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y apas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. Rien ne va de sot Rien n'est donné. Tout est construit." (Bachelard, 1938). Cette construction se fait contre le savoir existant, contre l'expé rience première, en renversant les obstacles qu'elle a pu faire 153 apparaître. La construction d'un savoir scientifique doit donc commencer par une "catharsis intellectuelle et affec tive". Bachelard développe sa théorie par l'étude de la pensée scientifique dans le monde occidental, et notamment par des études historiques dans les domaines de la physique et de la chimie. Se pose alors le problème de savoir dans quelles mesures l'histoire des sciences peut être utilisée dans l'en seignement scientifique aujourd'hui? En effet, de nombreux obstacles épistémologiques rencontrés dans l'histoire de la pensée scientifique apparaissent également comme étant des obstacles à la construction du savoir chez les apprenants (Raichvarg, 1987; Kerlan, 1993). Si l'histoire des sciences semble d'un apport fructueux pour le didacticien et l'ensei gnant (Rosmorduc, 1987, 1993; Gaudillière, 1994), elle ne semble l'être que sous certaines conditions (Martinand, 1993). Elle peut servir à détecter des obstacles persistants qui nécessitent des réorganisations conceptuelles impor tantes lors de leur franchissement. Mais en aucun cas, les méthodes qui serviront à surmonter ces obstacles ne pour ront être identiques en raison des contextes matériels et culturels différents (Giordan, 1989b, Martinand 1993). Elle peut également aider à la construction des contenus (par exemple, le concept d'élément chimique enseigné sans modèle moléculaire et qui à travers les considérations de Mendéléïev a pu être envisagé comme étant ce qui se conserve lors de la réaction chimique) {Martinand, 1993). Mais il apparaît que dans la conception actuelle de l'ensei gnement où les résultats scientifiques demeurent plus importants que leurs constructions, cette dernière ne semble pas avoir sa place. En effet, il apparaîtrait nécessaire de réor ganiser les buts même de l'éducation scientifique. "Le problème fondamental doit sans doute être formulé ainsi : Quelles sont les conditions d'articulations entre une approche du sens historique et une initiation aux connaissances opéra toires?" (Martinand, 1993). Il en ressort alors que la "méthode de la redécouverte", méthode pédagogique qui cherche à recréer les conditions historiques d'une découverte scientifique (Brunold, 1948), la redécouverte ne peut dans ces conditions que conduire à une pratique est dogmatique dogmatique déjà existante (sous une autre forme), dans l'en seignement scientifique (Gohau, 1987). Elle implique de plus, une vision linéaire de l'histoire des sciences et oublie les tâtonnements, les erreurs et les impasses pour ne consi dérer que les résultats. Ces derniers étant eux-mêmes reconstruits postérieurement par le chercheur, dans un souci de présentation claire et rationnelle (Gohau, 1987; Raichvarg, 1987; Serres, 1989). En conclusion, il apparaît donc que le problème est le véri table moteur de l'activité scientifique. Il permet la production de savoirs, de connaissances, de théories scientifiques. C'est le plus souvent, par une démarche expérimentale de type 154 hypothético-déductlf que ces savoirs seront testés, falsifiés, permettant ainsi la production de connaissances explica tives nouvelles encore plus performantes. La construction des savoirs scientifiques passe par une réelle remise en question des observations premières, initiales, et c'est par la problématisation, la construction et la formulation même des problèmes que s'élaborera la connaissance scientifique. Ces données d'ordre épistémologique constituent à la fois, des outils mais aussi des contraintes pour un enseignement qui se veut réellement scientifique. C'est en les reconnais sant, en les considérant qu'un apprentissage par construction et résolution de problèmes pourra être réelle ment efficace. 2. L'APPROCHE PSYCHOCOGNITIVISTE DE L'APPRENTISSAGE PAR PROBLÈMES SCIENTIFIQUES À la lecture des orientations méthodologiques fournies par les instructions officielles, il apparaît que ces dernières s'in sèrent plus ou moins dans le cadre d'une théorie d'apprentissage. En 1987, c'est celui des méthodes actives, prolongeant ainsi l'important mouvement des "écoles nou velles" des années 1970. Elles trouvent une origine dans "learning l'école pragmatique nord-américaine (James, Peirce, Dewey), by doing" "Learning by doing" (Dewey, 1907). Ces méthodes actives prônent une activité d'investigation des élèves en situation d'autonomie conduisant ainsi à l'apprentissage d'un savoir (Decroly, Freinet). Acceptable à l'école élémentaire, dans le cadre d'apprentissages fondamentaux, elles deviennent diffi cilement applicable, au lycée, dans le cadre d'un enseignement scientifique. Ceci étant à rapporter à la nature intrinsèque du savoir scientifique. À la fin des années soixante, un important courant pédago gique se met en place dans l'enseignement des sciences : la pédagogie par objectifs (De Landsheere G., De Landsheere V., 1976; D'Hainaut, 1977), en liaison avec l'apprentissage hié rarchique de capacités (4) (Gagné, 1970). Ce courant a depuis été abandonné pour deux raisons essentielles : le nombre des objectifs considérés rendant impossible une orientation objective d'une pratique de classe, de plus, dési gner un objectif ne veut pas dire l'atteindre. Les derniers programmes, s'inscrivant dans une pédagogie du problème [problem-based learning (Pochet, 1995)), confèrent délibéré ment à l'enseignement des sciences de la vie et de la terre un cadre socio-constructiviste {"...l'élève construit activement son savoir..., mise en commun et confrontation des résul- (4) "... développement d'un enseignement par problèmes scientifiques et des capacités des élèves..." Ministère de l'éducation nationale (1989). Sciences naturelles, classe de seconde, première et termina le. Paris : CNDP. (Collection : horaires, objectifs, programmes, instructions). (Première édition, 1987).

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la réflexion sur l'enseignement et l'apprentissage par problèmes scientifiques. Il distingue les données épistémologiques (démarche expérimentale et
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