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Duns Scot,la Rigueur de la charité PDF

165 Pages·47.501 MB·French
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Duns Scot la rigueur de la charité OLIVIER BOULNOIS Duns Scot la rigueur de la charité Initiations au Moyen Age LES ÉDITIONS DU CERF PARIS 1998 Cet ouvrage fait partie de la série « Eredita medievale », dirigée à l’institut pour l’histoire de la théologie médiévale par MM. Inos Biffi et Costante Marabelli. Le comité international est composé de MM. Stephen F. Brown (États-Unis), Alain de Libera (France), Jean Jolivet (France), James Mc Evoy (Irlande), Andréas Speer (Allemagne) et Jacques Verger (France). Tous droits réservés. La loi du 11 mars 1957 interdit les copies DANGER ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur et de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon sanc­ PHOTOCOPILLAGE „ TUE LE LIVRE tionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. © Jaca Book, 1998 (Via Gioberti, 7 — 1-20123 Milano) © Les Éditions du Cerf, 1998, pour l’édition française (29, boulevard Latour-Maubourg — 75340 Paris Cedex 07) ISBN 2-204-05720-7 ISSN 1275-3637 ÉTAT DE LA QUESTION Vie et œuvres de Duns Scot. Sur la vie de Duns Scot, on ne sait presque rien. D’après la date de son ordination sacer­ dotale (17 mars 1291), et en raison de l’âge requis, on estime qu’il est né en 1265 ou 1266. Le surnom de Scotus renvoie à sa région d’ori­ gine, l’Écosse, et celui de Duns, à son lieu de naissance, une petite ville proche de la frontière anglaise. Reçu dans l’ordre franciscain en 1280 (plus de cinquante ans après la mort de saint François), il étudie dans les collèges de son ordre, complétant sa formation à Oxford où il a comme maître, vers 1291-1293, Guillaume de Ware. À titre de comparaison, il faut rappeler que Thomas d’Aquin et Bonaventure sont morts depuis vingt ans (1274), que les grands docteurs de l’université de Paris sont Henri de Gand et Godefroid de Fontaines, et que le grand théo­ logien franciscain est alors Pierre de Jean Olieu (Olivi)1. Contrairement à ce qui a été parfois avancé, y compris par les éditeurs de Scot, il ne semble pas nécessaire de soutenir qu’il soit venu 1. Figure centrale des Figures franciscaines de Fr.- X. PüTALLAZ, Éd. du Cerf, 1996. 8 DUNS SCOT, LA RIGUEUR DE LA CHARITÉ compléter sa formation à Paris1. Sa connaissance de la logique parisienne s’explique suffisamment par la circulation des manuscrits et par l’ensei­ gnement de Simon de Faversham. Il a plutôt étudié dans un milieu anglais. Une autre hypo­ thèse peut sans doute être écartée : celle selon laquelle il aurait enseigné à Cambridge entre 1297 et 13002. Nous savons, grâce à un passage de son commentaire3, que Scot a commenté les Sentences de Pierre Lombard à Oxford vers 1300-1301. Sur la recommandation du provincial d’Angleterre, il aurait commencé, à la rentrée universitaire de 1300 ou 1302, d’enseigner à l’université de Paris. Bachelier sous la tutelle de Gonzalve d’Espagne, il aurait participé à la dis­ pute opposant Maître Eckhart et son maître4. Il a en tout cas repris un nouveau Commentaire des Sentences, connu sous le nom de Reportata parisiensia. Mais celui-ci est écourté en juin 1303; alors que le roi Philippe le Bel appelle à un concile contre le pape Boniface VIII, Scot refuse de signer une pétition dans ce sens ; contraint de 1. Voir W. Courtenay, 1995; S. Dumont, 1995; T. Noone, 1995; A. B. Wolter, 1975, 1995. 2. Les « Q. Cane ou Cant » mentionnées dans un manuscrit jugé important par les éditeurs seraient les seuls indices en ce sens, or elles s’expliquent parfaitement par des renvois aux Quaestiones Cancellarii {Questions du Chancelier Henri de Harclay, chancelier d’Ôxford) et non à d’hypothétiques Questions de Cambridge (Quaestiones Cantabrigienses). Voir O. Boulnois, 1988, p. 7, 135, 275. 3. Le Prologue de 1’Ordinatio, cité ici, p. 74, n. 4 (allu­ sion à la bataille de Hims, 1299). 4. E. zum Brunn, Z. Kaluza, A. de Libera..., Maître Eckhart à Paris, une critique médiévale de l’ontothéologie, Paris, 1984. ÉTAT DE LA QUESTION 9 s’exiler, il retourne sans doute à Oxford, où il continue à enseigner pendant un an. Le pape Benoît XI ayant rendu à l’université de Paris la collation des grades, Scot revint pro­ bablement enseigner vers la fin de l’année 1304. Nous savons qu’il y était présent par une lettre du 18 novembre 1304 envoyée par Gonzalve d’Espagne, devenu ministre général de l’ordre, au provincial de France. Cette lettre indique qu’il était tenu en haute estime : « Je recom­ mande à votre charité notre très cher frère [...] Jean Scot, dont la digne vie, l’excellente science, le très subtil génie et d’autres remarquables qua­ lités me sont bien connus, en partie en raison d’une longue vie commune avec lui, en partie en raison de sa très grande réputation. » La sub­ tilité figure déjà parmi ses attributs principaux! Il y adjoint le titre de docteur l’année suivante, et, dans l’année universitaire 1306-1307, il enseigne à Paris comme maître régent (directeur des études dans le studium du couvent francis­ cain). Vers la fin de 1307, le « docteur subtil » est envoyé à Cologne, où il enseigne comme lec­ tor principalis, et meurt le 8 novembre 1308. Objet d’une vénération particulière dans l’ordre franciscain (en raison notamment de sa défense de l’immaculée Conception), puis au diocèse de Noie, il a été béatifié en 1993. Scot a évolué dans un milieu intellectuel complexe. Alors que les trois premiers quarts du XIIIe siècle étaient une période de découverte et d’assimilation de la physique, de la noétique et de la théologie naturelle d’Aristote, la fin du XIIIe et le début du XIVe siècle sont une période où l’on peut saisir l’aristotélisme comme un tout, en voir les tenants et les aboutissants, et donc le traverser pour aller au-delà, ou pour le reléguer 10 DUNS SCOT, LA RIGUEUR DE LA CHARITÉ dans sa particularité. A partir des années 1270 commencent à circuler les traductions latines d’importantes œuvres issues du néo-platonisme grec (Proclus, Simplicius). Renforcée par le recours au néo-platonisme des Pères (Augustin) et des Arabes (Avicenne), une critique systéma­ tique de l’aristotélisme s’ébauche. Confirmée et institutionnalisée par les condamnations de 1277, qui servent de signe de ralliement, elle prend un aspect multiforme et varié. Les Sommes, recueil encyclopédique d’une science achevée, sont sup­ plantées par les Commentaires des Sentences, qui ne retiennent plus du manuel de Pierre Lombard que l’ordre des questions à creuser sans relâche, tandis que se multiplient les Quodlibets, exercices théologiques de dispute libre. Les outils logiques s’aiguisent, compliquant au même rythme les armes de la discussion. La lune de miel entre théologie et philosophie prend fin. Du point de vue de la théologie, qui se veut supérieure à tout autre discours, cela implique une conscience de plus en plus vive de son statut autonome et de ses méthodes propres, un rejet de toutes les théories qui la subordon­ nent à d’autres modes de connaissance (une cri­ tique de toute subalternation ; voir S. J. Livesey). Un argument théologique à valeur heuristique révèle un nouveau champ du possible : est pos­ sible, non ce qui est en puissance dans la nature (comme chez Aristote), mais ce que Dieu peut dans sa puissance absolue. La théologie de la toute-puissance détient donc la clé du savoir. L’argument de la toute-puissance cantonne la cosmologie à un domaine particulier, révocable en doute, dans l’océan de ce qui est possible pour Dieu (O. Boulnois, 1994a). La contingence et la mutabilité deviennent ainsi la marque la ÉTAT DE LA QUESTION 11 plus nette de la finitude du créé — contre la nécessité et l’éternité du cosmos aristotélicien. Émergeant de ce bouillonnement, l’œuvre de Scot est immense. Cette étendue s’explique d’abord par le fait qu’il existe trois versions de son chef-d’œuvre théologique, le Commentaire des Sentences de Pierre Lombard1 : une première ver­ sion rédigée (ou peut-être abrégée) de l’ensei­ gnement d’Oxford, la Lectura', une reportatio (prise de notes par les auditeurs) de son ensei­ gnement de Paris, les Reportata parisiensia, une dernière version, interrompue en plein remanie­ ment, qui tient compte de développements pari­ siens, Y Ordinatio. À cela, il faut ajouter des œuvres de logique, commentaires par questions d’Aristote et de Porphyre, et des questions sur le De anima d’Aristote (d’authenticité discutée). Viennent enfin des œuvres mêlant étroitement métaphysique et théologie. Le Tractatus de Primo Principio est une synthèse et une reprise de la démonstration de l’existence et de la nature de Dieu dans 1’ Ordinatio I, distinction 2. Les Quaestiones super libros Metaphysicorum, malgré leur titre, n’hésitent pas à aborder des questions théologiques. L’ouvrage, interrompu au livre IX, a été complété dans les éditions par une com­ pilation d’origine extérieure. Mentionnons aussi des Collationes (conférences sur des sujets divers), des Quodlibets remarquablement ordonnés, et les Theoremata (théorèmes établissant les principales thèses de la théologie). Les Collationes (confé­ rences) correspondent à ce qu’on attend d’un maître régent dans le studium franciscain de 1. Sur le genre littéraire du Commentaire des Sentences, voir O. Boulnois (éd.), 1994, p. 13-16.

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