l i a N°2016-03 mars v a r t e Dix ans de transitions d professionnelles : t un éclairage sur le marché n du travail français e m Jean Flamand u c o D Les documents de travail de France Stratégie présentent les travaux de recherche réalisés par ses experts, seuls ou en collaboration avec des experts extérieurs. L’objet de leur diffusion est de susciter le débat et d’appeler commentaires et critiques. Les documents de cette série sont publiés sous la responsabilité éditoriale du commissaire général. Les opinions et recommandations qui y figurent engagent leurs www.strategie.gouv.fr auteurs et n’ont pas vocation à refléter la position du Gouvernement. Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français Table des matières Introduction ................................................................................................................. 3 1. Transitions professionnelles : évolution des années 1970 à nos jours .................. 5 1.1. Une hausse des transitions sur longue période avec des passages plus fréquents par le chômage (1975-2002) ............................................... 5 1.2. Pas de hausse globale des transitions mais une plus forte instabilité de l’emploi (2003-2014) .............................................................................. 7 1.3. Une évolution à rapprocher de la variation du PIB et de l’emploi ................ 9 1.4. Des transitions entre statuts qui restent faibles ......................................... 16 2. Une instabilité de l’emploi qui révèle la dualisation du marché du travail ...........19 2.1. Stagiaires, contrats aidés et salariés en contrat à durée limitée, « variables d’ajustement » du marché du travail ....................................... 19 2.2. Les jeunes et les moins qualifiés basculent plus souvent vers le chômage . 23 2.3. Une instabilité de l’emploi à relier aux modes de gestion de l’emploi dans les entreprises .................................................................................. 28 3. Un marché du travail plus instable ? ...................................................................35 3.1. Des durées de contrats de plus en plus courtes ....................................... 35 3.2. Des transitions vers l’emploi stable qui diminuent ..................................... 39 3.3. La « déstabilisation des stables » ? .......................................................... 46 Conclusion .................................................................................................................50 ANNEXES Annexe 1 Comment repérer les transitions sur le marché du travail avec l’enquête Emploi ? ....51 Annexe 2 Procédure d’estimation : démarche et résultats .........................................................55 Bibliographie ..............................................................................................................64 Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 1 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français Résumé La constitution d’un panel d’actifs sur la période 2003-2014 à partir de l’enquête Emploi permet de fournir une vision dynamique de l’évolution du marché du travail à la lumière des transitions professionnelles, et de pointer l’impact spécifique de la crise de 2008 sur le fonctionnement de ce marché. Sur la dernière décennie, les transitions professionnelles des actifs sont relativement stables, autour de 16 % en moyenne chaque année, et évoluent en lien avec le cycle économique et de l’emploi. Pour autant, depuis la crise de 2008, la structure des transitions professionnelles s’est modifiée : les allers et/ou retours entre emploi et chômage sont plus nombreux relativement aux transitions d’emploi à emploi (changements d’employeur). Ils représentent près de six transitions sur dix, illustrant ainsi l’instabilité du marché du travail. La rupture du lien d’emploi, mesurée à partir de la probabilité de connaître une transition de l’emploi vers le chômage, se concentre sur certaines catégories de travailleurs : les jeunes, les moins qualifiés et de façon moindre les seniors. Ce sont ces mêmes travailleurs qui présentent la probabilité la plus forte de changer d’entreprise d’une année sur l’autre. Le risque de basculement vers le chômage dépend fortement du type de contrat de travail, ce qui atteste de la dualité du marché du travail : il est dix fois plus important pour les salariés en intérim et six fois plus important pour les salariés en CDD que pour les salariés en CDI. Pour autant, au sein même de ce dernier segment, le risque est hétérogène : il apparaît ainsi plus élevé pour les familles monoparentales et les immigrés non européens. En tenant compte de facteurs objectifs, la probabilité de perdre son emploi renvoie surtout aux modes de gestion de la main-d’œuvre au sein des entreprises ou à certains métiers, plutôt qu’aux seules caractéristiques individuelles observables (sexe, âge, diplôme, catégorie socio- professionnelle notamment). De ce point de vue, la montée des contrats à durée limitée (CDD et intérim) et le raccourcissement de leur durée moyenne, y compris des CDI, suggèrent que ces transitions sont davantage subies que voulues. Parallèlement, les transitions vers l’emploi stable (CDI) connaissent une baisse tendancielle depuis la crise de 2008, surtout pour les chômeurs, ce qui tend à renforcer la segmentation du marché du travail. Mots clés : emploi, activité, transition professionnelle, instabilité, segmentation Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 2 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français 1 Jean Flamand Introduction Alors que le gouvernement annonce l’instauration d’un Compte personnel d’activité (CPA) qui vise à sécuriser les parcours professionnels de tous les actifs au 1er janvier 20172, il paraît nécessaire de porter un regard rétrospectif sur les transitions professionnelles et d’évaluer l’influence spécifique de la crise de 2008 sur l’évolution du marché du travail. D’une part, l’analyse des transitions professionnelles, c’est-à-dire des passages par l’emploi, le chômage ou l’inactivité une année donnée, est une illustration des changements de situation sur le marché du travail. D’autre part, appréhender l’évolution du marché du travail en termes de flux permet de suivre le passage des individus d’un état à un autre au cours de leur vie active et de mieux cibler les catégories de travailleurs qui nécessitent des mesures spécifiques en matière d’accompagnement et de sécurisation professionnelle. De nombreux rapports ont traité de la mobilité sur le marché du travail3, mais l’évolution de la dynamique de ce marché pose toujours question. Si la plupart des études s’accordent sur l’augmentation globale du nombre de transitions depuis quarante ans, l’analyse diverge encore, certains estimant que cette hausse illustre la flexibilisation du marché du travail, avec un ajustement accru de l’emploi aux besoins des entreprises grâce à la multiplication des formes particulières d’emploi4. D’autres considérant au contraire que ces transitions, globalement stables, sont en réalité concentrées sur un noyau de travailleurs précaires, ce qui illustre la forte 1 France Stratégie, chargé d’études. L’auteur remercie Hélène Garner, Frédéric Lainé, Marc Ferracci, Cécile Jolly et Nicolas Le Ru pour leurs remarques et suggestions dans la réalisation de ce travail, ainsi que Thomas Amossé pour avoir accepté de discuter ce travail lors d’un séminaire à France Stratégie. 2 L’article 38 de la loi relative au dialogue social et à l’emploi prévoit la création de ce compte personnel qui « rassemblera les principaux droits sociaux personnels et collectifs de son titulaire pour sécuriser son parcours professionnel ». Outil d’accompagnement global des actifs, le CPA vise à construire de nouvelles sécurités professionnelles par la portabilité des droits sociaux. Voir France Stratégie (2015), Le compte personnel d’activité, de l’utopie au concret, rapport, octobre. 3 Cahuc P. et Kramarz F. (2005), De la précarité à la mobilité : vers une Sécurité sociale professionnelle, La Documentation française ; Conseil d’Orientation pour l’Emploi, (2009), L’évolution des trajectoires et des mobilités professionnelles des salariés, rapport du COE, septembre ; Lemoine M. et Wasmer E. (dir.) (2010), Les mobilités des salariés, rapport du CAE, n° 90, La Documentation française. 4 International Labour Office (ILO) (2015), « World employment and social outlook: The changing nature of jobs », Report, May ; Galtier B. et Gautié J. (2003), « Flexibility, stability and the interaction between employment protection and labour market policies in France », in Auer P et Cazes S. (dir.), Employment Stability in an Age of Flexibility, International Labour Office, Genève. Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 3 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français segmentation du marché du travail français et son manque de fluidité macro-économique5. Ce débat autour de la flexibilité du marché du travail fait écho aux notions d’instabilité et d’insécurité de l’emploi. Ces deux termes renvoient à la manière dont les évolutions du fonctionnement du marché du travail vont affecter les parcours professionnels des actifs. S’appuyant sur la définition établie par le Centre d’études des revenus et de la cohésion sociale (CERC), nous considérons ici que « la stabilité de la relation d’emploi (ou stabilité de l’emploi) désigne la continuité du lien d’emploi entre le salarié et une entreprise. La rupture du lien d’emploi peut être le fait du salarié (démission) […] de l’entreprise (fin de contrat, licenciement) [ou encore d’un accord entre les deux parties, via la rupture conventionnelle]. Si cette rupture est “rapidement” suivie d’une nouvelle embauche, la situation est différente de ce que l’individu connaît s’il reste durablement au chômage. On parlera alors d’insécurité de l’emploi »6. Un emploi instable ne deviendra source d’insécurité que si, à la suite de la rupture du lien d’emploi, la personne ne retrouve pas rapidement un autre travail7. De ce point de vue, la crise que nous traversons peut apporter des éléments nouveaux pour comprendre ces phénomènes qui tendent à se complexifier. Que nous dit l’observation des transitions professionnelles sur l’évolution du marché du travail depuis une décennie ? L’augmentation des changements de situation observée depuis plusieurs années s’accompagne-t-elle d’une plus grande instabilité de l’emploi ? Ce phéno- mène s’est-il accentué et porte-il systématiquement sur les mêmes individus ou métiers ? Afin de fournir des éléments actualisés qui permettent d’établir un diagnostic partagé, nous mettons d’abord en regard l’évolution des taux annuels des transitions professionnelles de la fin des années 1970 jusqu’au début des années 2000 avec la dernière décennie (2003- 2014). Ces indicateurs permettent une description objective des changements d’états (emploi, chômage ou inactivité) sur le marché du travail. Cette partie descriptive permettra de montrer en quoi la crise amorcée en 2008 a accentué l’instabilité de l’emploi (hausse du risque de perdre son emploi) et rendu plus difficile le retour à l’emploi. Ensuite, par un focus sur un indicateur statistique simple – le taux de transition annuel de l’emploi vers le chômage –, nous mettrons en évidence la dualité du marché du travail structuré autour de l’opposition « contrat stable » versus contrat à durée limitée (CDL). Le segment de main-d’œuvre à durée limitée, particulièrement visible lorsqu’on prend pour indicateur le taux de rotation de la main-d’œuvre et le développement des formes particulières d’emploi, porte spécifiquement sur certaines catégories de travailleurs (jeunes et peu qualifiés). Davantage que l’âge ou le niveau de qualification, cette plus grande instabilité de l’emploi renvoie surtout à la gestion de l’emploi dans les entreprises et à certains métiers dès lors que l’on tient compte des effets de structure. Dans une moindre mesure, on assiste dans le même temps à une déstabilisation des actifs « stables », particulièrement depuis la crise de 2008. Le taux de rupture à un an des CDI représente près d’un tiers des CDI et le taux de transition entre deux CDI chez des employeurs différents est resté assez faible depuis 2008. 5 Blanchard O. et Tirole J. (2003), Protection de l’emploi et procédures de licenciement, rapport du CAE, n° 44, La Documentation française ; Martin J.P. et Scarpetta S. (2011), « Setting it right: Employment protection, labour reallocation and productivity », IZA Policy Papers, n° 27, Institute for the Study of Labor. 6 Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (2005), La sécurité de l’emploi face aux défis des transformations économiques, rapport, n° 5, février, p. 8. 7 L’Insee défini un chômeur de longue durée comme « un actif au chômage depuis plus d’un an ». Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 4 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français 1. Transitions professionnelles : évolution des années 1970 à nos jours 1.1. Une hausse des transitions sur longue période avec des passages plus fréquents par le chômage (1975-2002) L’analyse de l’évolution des changements de situation sur le marché du travail – ou taux de transition – permet de décrire le fonctionnement du marché du travail, de mesurer sa fluidité, mais également d’apprécier la qualité des emplois occupés (voir encadré 1). Sur près de trente ans (1974-2002), l’évolution de ces taux de transitions annuels8 suit en France une tendance à la hausse, quelle que soit la nature du changement d’état considéré, à l’exception des transitions de l’emploi à l’emploi (changements d’employeur). Ainsi, sur l’ensemble des transitions, la part des actifs ayant changé de situation était de 16,3 % en 2002, hors passage par l’inactivité, contre 12,0 % en 1975, soit une hausse de 35,8 % (voir graphique 1). Entre ces deux dates, le nombre d’actifs ayant connu une transition sur le marché du travail a crû d’environ 1,7 million, passant de 2,6 à 4,3 millions9. Sur la période considérée, l’augmentation globale du nombre des transitions résulte principalement de l’accroissement des transitions avec passage par le chômage (emploi- chômage, chômage-emploi, chômage-emploi-chômage) : elles représentaient une transition sur cinq en 1975, contre une sur deux en 2000. Les transitions d’emploi à emploi (changements d’employeur) sont les plus fréquentes même si elles sont restées relativement stables sur la période (taux de transition de 9 % en 1974, 8,5 % en 2002). Cependant, les changements d’employeur ont une grande sensibilité au cycle conjoncturel. L’évolution des transitions est corrélée au cycle économique : elles ont tendance à s’accélérer en période de croissance et à baisser en période de ralentissement économique, voire de récession. Toutefois, elles n’évoluent pas nécessairement dans le même sens selon la nature du cycle économique : les transitions d’emploi à emploi évoluent de manière pro- cyclique. En effet, l’augmentation des opportunités d’emplois induite par la croissance économique engendre une hausse des transitions volontaires d’entreprise à entreprise. À l’inverse, en période de ralentissement ou de récession économique, le marché du travail « se fige » : il en découle moins d’opportunités d’emploi pour les travailleurs et moins de possibilités de circulation des connaissances entre entreprises et segments d’activité. Les transitions emploi-chômage semblent quant à elles suivre une tendance contra-cyclique. Ainsi, la diminution de l’ordre d’un point de pourcentage des transitions entre 1974 et 1985 (de 12,0 % à environ 11,0 %) témoigne de l’évolution parallèle de ces dernières avec le cycle économique. En moyenne sur cette période, le PIB en volume évolue de + 2,2 %, avec une récession de - 1,0 % en 1975, alors que la croissance économique moyenne des vingt 8 Le taux de transition est défini comme la fraction des actifs (en emploi et au chômage) l’année n-1 et n qui ont changé de statut d’activité entre ces deux dates. Ce calcul s’appuie sur le calendrier rétrospectif d’activité fourni par l’enquête Emploi de l’Insee. Les concepts d’emploi, de chômage sont déclaratifs. 9 Nous appliquons le taux de transition global des actifs aux effectifs de la population active des deux années considérées. Voir la série longue de la population active publiée par l’Insee : www.insee.fr/fr/themes/series-longues.asp?indicateur=nombre-actifs-ensemble. Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 5 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français années précédentes s’établissait à + 5,4 %10. Ce reflux global des transitions sur la période considérée est imputable à la forte baisse des transitions de type emploi-emploi (avec changement d’entreprise) qui passent de 9,0 % à 5,0 %. La période d’amélioration conjoncturelle de 1985 à 1990, avec une évolution du PIB moyen de + 3,4 %, voit le taux de transition annuel repartir à la hausse, à un peu plus de 15,0 %, et le taux de transition d’emploi à emploi se rapprocher de son niveau de 1974. Sur le plan juridique, cette période est associée à une flexibilisation du marché du travail, marquée par la légalisation de l’intérim en 1972 et par l’instauration d’une nouvelle catégorie juridique, le Contrat à durée déterminée (CDD), à partir de 1979. La période qui suit la récession de 1993 (- 0,6 %), est marquée par une tendance à l’augmentation des transitions, notamment celles qui impliquent un changement d’employeur (emploi-emploi). Graphique 1. Taux de transition annuels des actifs sur le marché du travail de 1974 à 2002 (en %) Champ : France métropolitaine, actifs (hors militaires du contingent) à la date de l’enquête et un an auparavant. Lecture : 16,5 % des actifs en mars 2001 ont quitté ou retrouvé un emploi au cours des douze mois précédents (ce pourcentage ne prend pas en compte les personnes inactives en mars 2000). Source : Insee, enquêtes Emploi 1975-2001, Amossé T. in Germe J-F. (2003), Les mobilités profession- nelles : de l’instabilité dans l’emploi à la gestion des trajectoires, coll. « Qualifications & prospective », Commissariat général du plan, La Documentation française, février, p. 25. 10 Voir la série longue de l’évolution du PIB en France publiée par l’Insee : www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF08112. Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 6 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français Encadré 1 – Les transitions professionnelles comme indicateur européen de qualité de l’emploi : comparaison internationale La mise en œuvre de la stratégie « Europe 2020 » prévoit quatre lignes directrices dans le domaine de l’emploi dont l’une vise à « accroître la participation au marché du travail, diminuer le chômage structurel et promouvoir des emplois de qualité »*. L’objectif de « qualité de l’emploi » affiché dans la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE) comprend une dimension dynamique : les transitions entre le non-emploi et l’emploi font en effet partie des indicateurs de qualité de l’emploi définis à Laeken en 2001**. Comparé à d’autres pays européens sur la même période (2004-2008), le marché du travail français se situe dans la moyenne, et fait même partie de ceux où la probabilité de rester en emploi entre deux années est assez importante. Cette stabilité dans l’emploi de date à date peut toutefois s’expliquer par la multiplication de contrats courts, notamment en France, en Grèce ou aux Pays-Bas, pays où plus d’une personne sur deux en emploi à durée déterminée en 2007 l’étaient toujours en 2009***. La probabilité de passer du chômage à l’emploi est très élevée dans les pays nordiques (Danemark et Suède) où la dynamique des embauches et des licenciements est plus rapide****. Symétriquement, la probabilité de rester au chômage d’une année sur l’autre est d’environ 40 % dans ces deux pays contre 60 % dans les pays de la zone euro sur la période 2004-2008 selon l’Enquête sur les forces de travail (LFS). Pour la France, ce taux et de 52 %. Les différences structurelles et institutionnelles en termes de gestion de la main-d’œuvre et d’outils de flexibilisation de l’emploi expliquent en partie ce constat. En effet, d’après cette même enquête, les pays européens qui ont vu leur taux de transition sur le marché du travail s’accroître entre 1998 et 2008 sont ceux qui ont mis en œuvre des politiques d’emploi encourageant le développement des contrats à durée limitée ou du temps partiel. * Ministère du Travail et de l’Emploi (2011), « Stratégie Europe 2020 : pour la croissance et l’emploi » ** Erhel C. et Guergoat-Larivière M. (2013), « La mobilité de la main-d’œuvre en Europe », Revue économique, vol. 64, n° 2, p. 309-343. *** Erhel C., Guergoat-Larivière M., Leschke J. et Watt A. (2013), « Tendance de la qualité de l’emploi pendant la crise : une approche européenne comparative », Document de travail, n° 161, Centre d’études de l’emploi, mars. **** Ward-Warmedinger M. et Macchiarelli C. (2013), «Transitions in labour market status in the European Union», LEQS Paper, n° 69, November. 1.2. Pas de hausse globale des transitions mais une plus forte instabilité de l’emploi (2003-2014) Un taux de transition assez stable mais qui masque les effets de la crise Depuis le début de la décennie 2000, le taux de transition global des actifs (hors fonctionnaires) est resté stable en moyenne annuelle, oscillant entre 15,4 % et 16,7 % Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 7 - Dix ans de transitions professionnelles : un éclairage sur le marché du travail français (voir annexe 1 et graphique 2)11. En volume, cela représente en moyenne chaque année environ 3,5 millions de changements d’état sur la période 2003-2014. Ce chiffre est globalement stable lorsqu’on distingue les périodes 2003-2008 et 2008-2014. Comme sur le graphique 1 (1975-2002), les transitions des actifs semblent sensibles à la conjoncture sur la dernière décennie. Les transitions emploi-chômage connaissent un pic au cours de la crise entre 2008 et 2009. Leur évolution pendant la grande récession se rapproche de celle observée durant la crise de 1993, date qui correspond à leur niveau le plus haut sur la période 1975-2001. Dans le même temps, les transitions d’emploi à emploi, c’est-à-dire les actifs qui déclarent une ancienneté de moins d’un an chez leur employeur, comme les retours en emploi (chômage-emploi) décroissent au cours de la crise. Avec le rebond de 2010, les transitions d’emploi à emploi repartent à la hausse, contrairement aux transitions chômage-emploi. Les transitions sans sorties durable du chômage (chômage- emploi-chômage) concernent en moyenne 1,2 % des actifs. Excepté au plus fort de la crise, le taux de retour à l’emploi des actifs est à un niveau supérieur au taux de transition emploi-chômage sur la dernière décennie : il s’élève en moyenne à 4,2 % contre 3,3 % pour les transitions emploi-chômage. Graphique 2. Taux de transition annuels des actifs sur le marché du travail de 2003 à 2014 (en %) Champ : France métropolitaine, population des ménages, personnes actives (hors fonctionnaires) de 15 ans ou plus (âge au dernier jour de la semaine de référence). Lecture : en moyenne annuelle, parmi les personnes actives en 2008, 7,0 % étaient chez un autre employeur en 2009 (emploi-emploi). Source : France Stratégie, d’après les enquêtes Emploi 2003-2014 (Insee), données pondérées du panel. 11 En 2009, en utilisant le calendrier rétrospectif d’activité, on recense un taux de transition de 18,6 %, c’est-à- dire que près d’un actif sur cinq a changé de situation sur le marché du travail. Voir Amossé T. et Ben Halima M-A. (2010), « Mobilité et stabilité sur le marché du travail : une dualisation en trompe-l’œil », Connaissance de l’emploi, n° 75, décembre. Document de travail n° 2016-03, France Stratégie, mars 2016 www.strategie.gouv.fr - 8 -
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