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Démocratie antique et démocratie moderne PDF

128 Pages·2003·0.64 MB·French
by  Finley
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Moses I. Finley Démocratie antique et démocratie moderne Traduit de l’anglais par Monique Alexandre précédé de Tradition de la démocratie grecque par Pierre Vidal-Naquet Édition numérique réalisée en juin 2012 à partir de l’édition Payot, 2003. À mes amis et étudiants de l’université Rutgers, 1948-1952 Tradition de la démocratie grecque par Pierre VIDAL-NAQUET Ce petit livre est le cinquième ouvrage de M. I. Finley, professeur d’histoire ancienne à l’université de Cambridge, à être traduit en français. Il n’est donc guère utile de présenter son auteur, si ce n’est pour signaler que, chassé d’Amérique au moment de la crise maccarthyste, devenu citoyen britannique, les conférences que l’on va lire ont marqué pour Finley, dans l’université qui fut la sienne, une sorte de « retour » triomphal. Le sujet choisi et traité : Démocratie antique et démocratie moderne, ne relève sans doute pas du hasard. En me demandant de préfacer son livre, mon ami M. I. Finley m’a suggéré de le « franciser ». Tout un aspect capital de cet ouvrage est une polémique contre certains représentants de la science politique anglo-saxonne. Seymour Martin Lipset, W. H. Morris Jones, ont pris dans la discussion ouverte sur la fonction de l’« apathie » dans la démocratie moderne une position radicale. L’apathie ne gêne pas, elle favorise le fonctionnement de la démocratie. Les « activistes » de la politique sont, pour cette école, des marginaux ou des déclassés, des totalitaires en puissance. Alors que Tocqueville avait vu, au siècle dernier, dans l’activité populaire, le fondement même de la démocratie américaine, certains modernes, qui se disent et probablement se sentent démocrates, pensent exactement le contraire. Les termes même qu’ils emploient évoquent aux yeux de M. I. Finley certains textes de Platon et d’Aristote, penseurs qui n’étaient pas des démocrates, et cette rencontre a donné à ce livre son point de départ et une bonne part de sa substance. Il n’est effectivement pas difficile de trouver dans la science politique française l’équivalent des textes de Lipset ou de Morris Jones qui ouvrent ce petit volume. Limitons-nous à un seul exemple, celui que nous fournira le sociologue Julien Freund, qui doit être, ou se croire, platonicien, puisqu’il est l’auteur d’un ouvrage intitulé L’Essence du Politique[1] et qui a publié, en 1971, un recueil d’essais sur la démocratie très largement marqué par le souvenir proche du mouvement de mai 1968, c’est-à-dire par la plus récente des périodes activistes de l’histoire de France[2]. Grâces en soient rendues à l’importance qu’avait encore récemment la culture classique dans notre enseignement secondaire et supérieur, la référence à Platon n’est pas chez Julien Freund implicite ou inconsciente mais parfaitement explicite : « Si nous analysons l’essai de démocratie directe inaugurée par les étudiants lors des événements[3] du printemps 1968, nous ne pouvons pas ne pas songer à ce que Platon écrivait à ce propos dans le livre VIII de la République[4]. » Le texte visé est probablement celui-ci : « La même maladie… qui, née dans l’oligarchie, a causé sa ruine, naissant ici aussi de la liberté, s’y développe avec plus de force et de virulence et réduit à l’esclavage l’état démocratique ; car il est certain que tout excès amène généralement une violente réaction, soit dans les saisons, soit dans les plantes, soit dans les corps, et dans les gouvernements plus que partout ailleurs[5]. » « Cette complaisance, écrit encore J. Freund, des démocrates à la violence est aussi vieille que l’histoire… Elle affaiblissait les Athéniens devant la menace de Philippe[6]. » Ici l’historien de l’Antiquité s’étonne, car la démocratie athénienne n’était plus, au IVe siècle, ni violente, ni activiste. C’est du manque de conscience civique de ses concitoyens, de leur « passivité » que se plaint constamment Démosthène. Mais précisément, pour Julien Freund, il convient de distinguer le politique, qui est une essence, et la politique qui est une activité envahissante et, à la limite, destructrice du politique. Qu’en est-il de la démocratie dont le concept proprement politique est l’égalité[7] ? « Même en démocratie, le danger consiste à faire de la politique pour elle-même, ce qui veut dire considérer toutes les choses sous l’angle exclusif de la démocratie… Chercher à tout démocratiser n’est qu’une des manières de tout politiser. » Laissons donc la démocratie à son seul secteur qui est le politique. Ni l’université, ni, je suppose, l’entreprise ne relèvent de la démocratie. « La démocratie est par essence et par définition un régime politique et non point un régime scolaire ; en conséquence la pédagogie est soumise aux présupposés et aux lois de l’éducation et non à celles de la politique ou de l’économie…[8]. » Platon vivait dans une démocratie esclavagiste où seuls les hommes pouvaient être citoyens, les femmes étant, comme les esclaves, bien que pour d’autres raisons, écartées de la vie politique. Ajoutons qu’Athènes n’a connu de son temps ni révolte servile sérieuse, ni révolte féminine. La logique de la démocratie ne lui en inspirait pas moins de très sérieuses et très remarquables inquiétudes : « Le dernier excès où atteint l’abus de la liberté dans un pareil gouvernement, c’est quand les hommes et les femmes qu’on achète ne sont pas moins libres que ceux qui les ont achetés. J’allais oublier de dire jusqu’où vont l’égalité et la liberté dans les rapports des hommes et des femmes[9]. » Platon n’était pas démocrate, au contraire de Julien Freund, mais le danger que représente un débordement de la démocratie hors du politique est perçu de façon semblable. Il est remarquable que ceux des marxistes qui parlent d’une « démocratie formelle », qu’il est loisible de supprimer pour installer la « démocratie réelle » au niveau socio-économique, font, en réalité, exactement le même raisonnement. Comme l’écrit, l’écrit justement, Claude Lefort : « On est en droit de se demander, à considérer l’histoire récente, si là où une démocratie bourgeoise n’a jamais réussi à s’implanter, il y a quelque possibilité de créer des formes démocratiques nouvelles, ou s’il n’y a pas comme un accroc irréparable dans le tissu social. Peut-être devrait-on observer que cette démocratie, si formelle soit-elle, a un effet d’entraînement nécessaire dont une société ne peut se passer sans danger[10]. » Le raisonnement qui sous-tend l’analyse de Cl. Lefort est radicalement opposé à celui de J. Freund. Tout certes n’est pas politique, mais il y a à tous les niveaux une présence de la politique, c’est-à-dire de l’organisation du pouvoir et de la décision. Il serait facile de multiplier ainsi les citations et les contre-citations, et c’est ce que feront sûrement les lecteurs de la traduction, due à Monique Alexandre (qu’il convient de remercier d’avoir mis à nouveau sa compétence d’helléniste au service de l’œuvre de Finley), de Democracy, Ancient and Modem. Oserai-je dire pourtant que là n’est pas ce que ce petit ouvrage apporte, à mon sens, de plus excitant, de plus nouveau sous un vêtement ancien. Car il y a dans ce livre un paradoxe que résume déjà son titre. Y a-t-il une comparaison possible et sérieuse entre la démocratie grecque et la nôtre ? Charles Maurras, qui se croyait volontiers athénien, ricanait à la pensée de cette démocratie où la majorité de la population était composée d’esclaves. Or, précisément, M. I. Finley est au premier rang de ceux qui, à la question fondamentale : la civilisation grecque reposait-elle sur l’esclavage, ont répondu par l’affirmative[11]. J’entends bien que dans la rhétorique quotidienne la référence à la démocratie antique est, ou plutôt était, constante. Je dis bien « était », car cette référence, à n’en pas douter, est en voie de disparition avec le recul des études classiques. Je me souviens d’avoir lu, dans ma jeunesse, au temps où le « Rassemblement du Peuple français » du général de Gaulle paraissait menacer la IVe République, un article où étaient rappelées les vertus de cette institution athénienne typique : l’ostracisme. On a beaucoup évoqué l’ostracisme, en bien et en mal, depuis qu’en 1791, l’Académie des inscriptions et belles-lettres a mis au concours l’étude des avantages et des inconvénients de l’ostracisme et de l’institution analogue que connaissait Syracuse, le « pétalisme »[12]. Mais, je le répète, ce n’est plus l’Antiquité gréco-romaine qui joue, ou du moins qui joue seule, ce rôle de réserve à comparaisons. Elle doit affronter la concurrence de plus en plus forte des sociétés dites « primitives », voire des sociétés animales[13]. Il y a quelques années, j’assistai à l’élection, à la tête d’un important Il y a quelques années, j’assistai à l’élection, à la tête d’un important établissement universitaire, d’un « jeune président », remplaçant un « vieux président », atteint par la limite d’âge. L’élu remercia en disant que l’ensemble de ses collègues – et électeurs – lui était apparu comme une « assemblée de rois ». C’était là rappeler le mot de Cinéas, dans son rapport au roi Pyrrhos sur le Sénat romain[14]. Un des membres de l’assemblée avait une autre comparaison à sa disposition. L’élection lui était apparue comme devant être rapprochée de ce qui se passe chez les babouins lorsque le vieux mâle, chef de la tribu, est concurrencé, puis remplacé, par plus jeune que lui[15]. Rien au monde ne peut être plus étranger à ces fleurs de rhétorique plus ou moins savante que l’esprit qui anime l’œuvre de M. I. Finley. Réservé quant à l’usage qui peut être fait de l’anthropologie des sociétés sans écriture à propos de la Grèce ancienne, dès lors que celle-ci devient une société lettrée[16], et à plus forte raison à propos des sociétés modernes, cet historien a peut-être plus que tout autre travaillé à éliminer de l’histoire ancienne les modernismes honteux ou avoués qui se dissimulent sous le masque de l’érudition. Non, l’Antiquité n’a pas connu le capitalisme. L’atelier que possédait le père de Démosthène n’a rien à voir avec une entreprise moderne[17]. Une république

Description:
Traduit de l’anglais par Monique Alexandre En quoi la démocratie athénienne nous concerne-t-elle aujourd'hui ? Telle est la question à laquelle répond ce livre remarquablement clair, qui traite dans un premier chapitre de l'apathie et de l'activisme en Grèce et dans nos sociétés , dans un d
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