CENTRE INTERNATIONAL POUR LE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS RELATIFS AUX INVESTISSEMENTS ANTOINE ABOU LAHOUD ET LEILA BOUNAFEH-ABOU LAHOUD (Demandeurs) Contre LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (Défenderesse) Affaire CIRDI ARB/10/4 (Procédure en annulation] _____________________________________________________________ DÉCISION SUR LA SUSPENSION DE L’EXÉCUTION DE LA SENTENCE ARBITRALE _____________________________________________________________ Membres du Comité ad hoc M. le professeur Azzedine Kettani (Président) M. le professeur Kaj Hobér M. le professeur Rolf Knieper Secrétaire du Comité ad hoc Mme Aurélia Antonietti Date d’envoi aux parties : 30 septembre 2014 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) TABLE DES MATIÈRES I. PROCÉDURE ....................................................................................................... 3 II. POSITION DES PARTIES .................................................................................... 4 A. Position de la Défenderesse .......................................................................... 4 B. Position des Demandeurs .............................................................................. 7 III. ANALYSE ET DÉCISION DU COMITÉ ............................................................... 13 A. Champ d’application de l’article 52(5) de la Convention CIRDI et de l’article 54(4) du Règlement d’arbitrage ................................................................... 13 B. Analyse des circonstances présentées par les parties ................................. 16 C. La mesure que le Comité considère adaptée aux circonstances.................. 18 D. Décision ....................................................................................................... 19 2 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) 1. La présente décision est rendue sur la demande de suspension de l’exécution de la sentence arbitrale rendue le 7 février 2014 dans l’affaire CIRDI No. ARB/10/4 opposant Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud à la République démocratique du Congo. Après avoir rappelé l’historique de la procédure (I) et la position des parties (II), le Comité présentera son analyse et sa décision (III). I. PROCÉDURE 2. Le Tribunal arbitral constitué dans l’affaire CIRDI No. ARB/10/4 opposant Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud (« les Demandeurs » ou « les époux Lahoud ») à la République démocratique du Congo (la « Défenderesse » ou la « RDC ») (conjointement « les Parties ») a rendu le 7 février 2014 sa Sentence (« la Sentence »). 3. Le 9 juin 2014, la Défenderesse a fait parvenir au Secrétaire général du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (« CIRDI ») une « requête en annulation des sentences arbitrales » (« la Demande ») relative à la Sentence, accompagnée des Annexes 1 à 11. Les motifs allégués dans la Demande en vue de l’annulation sont : un excès de pouvoir manifeste, et un défaut de motifs aux termes des articles 52(1)(b) et 52(1)(e) de la Convention pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre Etats et ressortissants d’autres Etats (« la Convention CIRDI »). La RDC requiert également qu’il soit sursis à l’exécution de la Sentence sur la base de l’article 52 de la Convention CIRDI (« la Demande de suspension »). 4. Cette Demande a été enregistrée par le Secrétaire général du CIRDI le 19 juin 2014, enregistrement qui a fait l’objet d’une notification aux Parties le même jour. 5. Par la même correspondance, les Parties ont été notifiées, en application de l’article 52(5) de la Convention CIRDI et de l’article 54(2) du Règlement d’arbitrage, de la décision du Secrétaire général de suspendre à titre provisoire l’exécution de la Sentence. 6. Par lettre du CIRDI en date du 18 juillet 2014, les Parties ont été informées que le Comité ad hoc était constitué et composé de M. le professeur Azzedine Kettani, de nationalité marocaine, de M. le professeur Kaj Hobér, de nationalité suédoise et de M. le professeur Rolf Knieper, de nationalité allemande. 7. Le 1er août 2014, les Demandeurs soumettaient une Demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence, accompagnée des pièces D-1 à D-33. 3 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) 8. Par lettre du CIRDI en date du 5 août 2014, les Parties ont été informées que la suspension provisoire de l’exécution de la Sentence était maintenue jusqu’à ce que le Comité ait rendu sa décision. 9. Conformément au calendrier arrêté par le Comité, le 23 août 2014 la Défenderesse a soumis sa Réponse à la Demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence, accompagnée des Annexes 1 à 4. 10. Le 5 septembre 2014, les Demandeurs ont soumis leur Réplique. 11. Le 8 septembre 2014, le Comité a tenu, par conférence téléphonique, sa première session avec les Parties. Les Parties ont annoncé ne pas avoir d’observations orales à faire sur la question de la suspension de l’exécution de la Sentence. 12. Le 12 septembre 2014, le Comité a rendu son Ordonnance de procédure no. 1. II. POSITION DES PARTIES 13. Le Comité résume ci-dessous la position des Parties sur la suspension de l’exécution de la Sentence1. A. Position de la Défenderesse 14. La RDC, justifie la Demande de suspension de l’exécution de la Sentence en soutenant que : les Défendeurs en annulation qui n’offrent aucun crédit de solvabilité risquent de se procurer malencontreusement et illégitimement les sommes leur allouées malencontreusement par la sentence attaquée au détriment de la RDC et qui ne saura plus les recouvrer lorsque cette sentence attaquée sera annulée. Ainsi, pour se prémunir d’une telle éventualité, il y a lieu que le Comité ad hoc ordonne la surséance à l’exécution de la sentence rendue jusqu’à l’issue de la présente procédure d’annulation.2 15. Dans sa Réponse en date du 23 août 2014, la RDC estime que contrairement à ce que les Demandeurs soutiennent, la Convention CIRDI ne requiert nullement de la partie qui demande le maintien de la suspension provisoire de l’exécution d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles à l’appui de sa demande. La décision 1 Ce résumé n’a pas vocation à être une description détaillée et exhaustive de tous les arguments des Parties. Son objectif est de fournir le contexte général dans lequel s’inscrit la décision. 2 Demande en annulation de la Défenderesse, 9 juin 2014, paras. 92-93. 4 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) de maintenir ou de lever la suspension de l’exécution relève, selon elle, de l’appréciation discrétionnaire du Comité3. 16. La Défenderesse soutient également qu’il n’existe pas de risque pour les Demandeurs que la RDC refuserait d’exécuter volontairement la Sentence en cas de rejet de la Demande en annulation. Selon elle, les éventuelles conséquences sur sa crédibilité et son attractivité qui résulteraient d’un refus d’exécuter la Sentence constituent des incitations suffisantes à une exécution volontaire de la Sentence. 17. A cet égard, la RDC soutient que la transposition en droit national de la Convention de New York de 1958 témoigne de « sa prédisposition à la reconnaissance et à l’exécution des sentences arbitrales étrangères ».Elle ajoute avoir effectué certains versements au titre des condamnations dont elle a fait l’objet dans les affaires que les Demandeurs citent comme exemples de sa propension à ne pas honorer ses obligations pécuniaires issues de sentences arbitrales4. La RDC ajoute également qu’elle dispose de moyens financiers suffisants pour honorer, si besoin était, la condamnation dont elle a fait l’objet, et que, même à supposer qu’elle refuserait d’exécuter la Sentence, les Demandeurs pourraient obtenir les sommes dues par voie d’exécution forcée sur les biens dont elle dispose sur son territoire comme à l’étranger5. 18. La RDC ajoute que la levée de la suspension de l’exécution de la Sentence aurait des conséquences catastrophiques sur sa capacité à honorer ses engagements ou ses obligations internationaux dans le cadre du maintien de la paix sur le territoire de l’Etat6. Selon elle, consigner le montant dû aux termes de la Sentence ne s’accorde pas avec les priorités budgétaires et de trésorerie de l’Etat congolais. En s’appuyant sur des résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Défenderesse met en avant sa situation difficile sur le plan de sa sécurité intérieure et les contraintes budgétaires et financières qui en résultent. Ces contraintes, selon elle, ne permettent pas l’immobilisation de la somme à laquelle elle a été condamnée. 19. La RDC se réfère également à la Décision du comité ad hoc dans l’affaire Patrick Mitchell et considère qu’ « il y a un risque évident de conséquences malencontreuses de ce paiement sur les efforts de restructuration de la RDC7». 3 Réponse à la demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence, 23 août 2014, paras. 13-16. 4 Id., paras. 58-62. 5 Id., paras. 17-21. 6 Id., paras. 22-35. 7 Patrick Mitchell c. République démocratique du Congo (Aff. CIRDI ARB/99/7), Décision sur la suspension de l’exécution de la sentence, 30 novembre 2004, para. 28. 5 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) 20. La Défenderesse soutient également que lever la suspension de l’exécution de la Sentence lui ferait courir le risque de ne jamais recouvrer les sommes versées aux Demandeurs dans l’hypothèse où la Sentence serait, in fine, annulée. Selon elle, le risque est certain en raison du fait que les Demandeurs sont deux individus (et non une grande société commerciale ou une multinationale) d’un certain âge, sans adresse permanente et connue (exceptée celle utilisée pour les besoins de cette affaire, qu’ils sont susceptibles de changer à tout moment) et aux moyens financiers limités. Elle explique, toujours en s’appuyant sur l’affaire Patrick Mitchell, que l’engagement des Demandeurs de placer le paiement versé au titre de la Sentence sur un compte séquestre sous la supervision du Comité témoigne d’une bonne volonté mais n’est pas suffisant pour exclure tout danger éventuel de non- recouvrement8. 21. La Défenderesse poursuit en rejetant l’argument des Demandeurs selon lequel l’insuffisance de sa mise en œuvre de la Convention CIRDI démontre son intention de ne pas respecter la force obligatoire de la Sentence et d’échapper aux obligations pécuniaires qui en sont issues. Selon elle, le fait que la RDC ait signé et ratifié la Convention CIRDI démontre son engagement à exécuter les sentences arbitrales rendues sous les auspices du Centre9. 22. La RDC explique, toujours en faisant référence à l’affaire Patrick Mitchell, que la constitution d’une garantie bancaire, demandée de manière alternative par les Demandeurs dans l’hypothèse où le Tribunal décidait de prolonger la suspension, ne peut conditionner « nécessairement la décision de suspendre l’exécution que si le Comité est convaincu qu’il existe des circonstances qui rendront véritablement plus difficile l’exécution de la sentence dans le cas où celle-ci serait maintenue ». A l’instar de ce que le comité ad hoc avait déterminé dans cette affaire Patrick Mitchell, la RDC soutient que de telles circonstances n’existent pas dans la mesure où elle a établi qu’il n’y avait pas de risques qu’elle tente d’échapper à ses obligations pécuniaires issues de la Sentence10. 23. La Défenderesse demande donc au Comité de: 1°. Déclarer recevable, mais non fondée la Demande de levée de la suspension de l’exécution de la sentence ainsi que toutes demandes subséquentes y afférentes et y formulées; 8 Réponse à la demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence, 23 août 2014, paras. 36-45. 9 Id., 63-72. 10 Id., 73-80. 6 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) 2°. Déclarer, en revanche, recevable et fondée la demande de maintien de la suspension d’exécution formulée par la Demanderesse. Par conséquent, d’ordonner la prolongation de la suspension d’exécution de la sentence rendue le 07 février 2014 dans le dossier sous ARB/10/4 jusqu’au prononcé du Comité ad hoc sur la demande d’annulation de la Sentence. B. Position des Demandeurs 24. Dans leur Demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence du 1er août 2014, les Demandeurs exposent que (i) les époux Lahoud, qui ont un certain âge (71 et 67 ans) et des moyens financiers limités, n’ont ni le temps ni les moyens d’attendre le paiement des sommes dues au titre de la Sentence, (ii) la procédure arbitrale a duré quatre ans et a été entièrement financée par les Demandeurs, la Défenderesse ayant refusé de payer sa part des avances sur frais requise par le Centre, (iii) la RDC a adopté une attitude dilatoire tout au long de la procédure arbitrale et (iv) les arguments limités avancés par la RDC au soutien de sa demande de suspension de l’exécution de la Sentence, montrent qu’elle compte s’opposer à toute tentative d’exécution de la Sentence par les Demandeurs tout en s’abstenant de fournir les éléments au soutien de sa demande de suspension. 25. Les Demandeurs estiment que : […] aux termes de la Convention CIRDI et du Règlement d’arbitrage CIRDI, la prolongation de la suspension de l’exécution d’une sentence est considérée comme une mesure exceptionnelle, ne devant intervenir que dans des circonstances exceptionnelles et subordonnée à la garantie, par le demandeur à l’annulation, de ce qu’il se conformera aux termes de la sentence si son action devait échouer. […] la suspension de l’exécution de la sentence ne peut être prolongée jusqu’à ce que le Comité ad hoc se soit prononcé sur le recours en annulation que si ledit Comité « estime que les circonstances l’exigent » (article 52.5 de la Convention CIRDI). En d’autres termes, une fois le Comité ad hoc constitué, la position de principe est que la suspension de l’exécution de la sentence doit être levée, à moins que l’une des parties ne demande sa prolongation ; dans ce cas, si le Comité ad hoc considère que les circonstances de l’espèce justifient une prolongation de la suspension, celle-ci sera prolongée. Il ressort 7 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) de ce qui précède que la suspension de l’exécution de la sentence est l’exception et non la règle11. 26. Les Demandeurs soutiennent qu’il appartient donc à la Défenderesse de démontrer – ce qu’elle n’a pas fait – qu’il existe en l’espèce des circonstances exceptionnelles justifiant cette prolongation. Selon eux, les circonstances prises en compte par les Tribunaux CIRDI sont (i) l’historique de l’Etat demandeur à l’annulation en matière d’exécution volontaire des sentences, (ii) la probabilité que l’exécution de la sentence ait des conséquences catastrophiques et irréversibles sur la capacité de l’Etat de gérer ses affaires et (iii) le risque de non-recouvrement par la Défenderesse des sommes versées au titre de la Sentence en cas d’annulation12. 27. Les époux Lahoud expliquent qu’au contraire « il existe des doutes sérieux si ce ne sont des certitudes quant à l’absence de volonté de la RDC de se conformer à la Sentence si son recours en annulation devait être rejeté »13. Ils s’appuient notamment sur le comportement de la RDC concernant la sentence d’accord partie rendue dans l’affaire CIRDI Miminco LLC, Dr. Ilunga Jean Mukendi et M. John Dormer Tyson c. RDC (Aff. CIRDI ARB/03/14), qu’elle a refusé d’exécuter volontairement et à l’exécution forcée de laquelle elle continue, à ce jour, de s’opposer14. 28. Les Demandeurs estiment que devant les efforts déployés par la RDC pour échapper à ses obligations issues d’une sentence consacrant un accord transactionnel, « il est évident qu’elle ignorera ses obligations aux termes de la Sentence, lesquelles lui ont été imposées par le Tribunal arbitral et ne reculera devant aucune manœuvre pour empêcher l’exécution de la Sentence15». 29. Selon les Demandeurs, la RDC n’est d’ailleurs pas plus respectueuse de ses obligations pécuniaires issues de sentences arbitrales commerciales, ce qui ne fait que confirmer le doute sérieux quant à son intention d’honorer sa condamnation si le recours en annulation devait être rejeté16. 30. Les Demandeurs soutiennent également que la RDC n’a ni procédé à la « désignation d’une autorité nationale compétente pour les questions tenant à la reconnaissance et l’exécution des sentences, comme exigé par l’article 54 de la 11 Demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence, 1er août 2014, paras. 20-22. 12 Id., paras. 26-33. 13 Id., paras. 37-38. 14 Id., paras. 41-46. 15 Id., para. 47. 16 Id., paras. 48-52. 8 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) Convention CIRDI », ni « adopté de loi concernant la promulgation et la ratification de la Convention, comme mentionné à l’article 69 de la Convention » et que, par conséquent, il n’y a « aucune raison que la RDC bénéficie des protections mentionnées dans la Convention CIRDI, et plus particulièrement de la possibilité d’obtenir une suspension de l’exécution de la sentence rendue à son encontre, alors qu’elle ne respecte de son côté aucune des dispositions de cette même Convention, notamment le caractère obligatoire des Sentences rendues à son encontre17». 31. Les époux Lahoud considèrent par ailleurs, que la levée de la suspension ne pourrait avoir de conséquences catastrophiques et irréversibles sur la capacité de la RDC à gérer ses affaires dans la mesure où le montant de la condamnation est dérisoire par rapport au Produit Intérieur Brut (« PIB ») de la RDC18. 32. Enfin, les Demandeurs considèrent que même si leurs moyens financiers sont limités, ce qui justifie la levée de la suspension, « ils ont tout de même suffisamment de ressources et biens immobiliers pour pouvoir procéder, si nécessaire, au remboursement des montants obtenus en exécution de la Sentence ». Le risque de non-recouvrement par la Défenderesse est donc inexistant et le maintien de la suspension injustifié. Ils proposent en tout état de cause, si le Comité l’estime nécessaire, de « placer tout montant obtenu en exécution de la Sentence sur un compte séquestre sous la supervision du Comité, et qui devra être payé aux Demandeurs ou remboursé à la RDC selon l’issue du recours en annulation. », ce qui annihilerait tout risque de non-recouvrement19. 33. Alternativement, si le Tribunal devait ordonner la prolongation de la suspension, les Demandeurs demandent qu’une telle décision soit conditionnée à la « constitution, dans les 30 jours de la décision du Comité ad hoc, d’une garantie bancaire inconditionnelle et irrévocable en faveur des Demandeurs d’un montant correspondant au montant global de la Sentence (principal et intérêts), laquelle devra être émise par une banque de première catégorie située hors du territoire de la RDC, sous la supervision du Secrétaire général du CIRDI, et pourra être appelée dès la décision du Comité rejetant la demande d’annulation20». 34. S’appuyant sur un certain nombre de décisions rendues dans des affaires CIRDI, les Demandeurs estiment que la constitution d’une garantie bancaire est une pratique usuelle des tribunaux arbitraux destinée à « compenser les délais inévitables qui résultent d’un recours en annulation finalement rejeté et de dissuader les 17 Id., para. 53. 18 Id., para. 54. 19 Id., para. 56. 20 Id., para. 57. 9 Antoine Abou Lahoud et Leila Bounafeh-Abou Lahoud c. République démocratique du Congo (Affaire CIRDI No. ARB/10/04 – Procédure en annulation) manœuvres dilatoires d’une partie mécontente mais également afin d’éviter que la partie ayant supporté la suspension ne se trouve, à l’issue du recours en annulation, confrontée à une partie réticente à se conformer à ses obligations aux termes de la Sentence maintenue21. » Ils soutiennent par conséquent qu’au vu des circonstances qu’ils décrivent, la constitution d’une telle garantie par la RDC est nécessaire, sauf pour le Tribunal à « entériner le comportement dilatoire de cette dernière et le non- respect de ses obligations et à faire supporter exclusivement aux Demandeurs les conséquences de la prolongation de la suspension22». 35. Enfin, les Demandeurs demandent de manière alternative que le montant de la Sentence soit placé sur un compte séquestre et que la somme ainsi placée leur soit versée automatiquement en cas de rejet de la demande d’annulation23. 36. Dans leur Réplique en date du 5 septembre 2014, les Demandeurs réfutent l’argument de la Défenderesse selon lequel la suspension de l’exécution d’une sentence ne revêt pas de caractère exceptionnel. Ils réitèrent leur position, en se fondant notamment sur le libellé de l’article 54(2) du Règlement d’arbitrage du CIRDI, qui dispose selon eux que l’exécution de la sentence est la règle, et la suspension l’exception24. 37. Il est indiscutable d’après les Demandeurs, notamment au vu des nombreuses décisions qu’ils citent à l’appui de leur position, que la suspension est une mesure de nature exceptionnelle et que les circonstances que le Comité examine pour trancher la question doivent donc être exceptionnelles pour justifier la suspension25. 38. Les Demandeurs rappellent les trois circonstances qui doivent être prises en considération dans l’examen d’une demande de suspension : (i) la probabilité que l’Etat en question n’exécute pas volontairement la sentence si le recours en annulation est rejeté, (ii) les conséquences catastrophiques et irréversibles que l’exécution de la sentence pourrait avoir sur la capacité pour la partie débitrice de gérer ses affaires et (iii) le risque de non-recouvrement par l’Etat des sommes versées si la sentence était exécutée et ensuite annulée. Ils s’attachent ensuite à démontrer que les arguments de la Défenderesse concernant ces trois circonstances sont dénués de pertinence. 21 Id., paras. 59-70. 22 Id., paras. 71-73. 23 Id., para. 75. 24 Réplique sur la demande de levée de la suspension de l’exécution de la Sentence, 5 septembre 2014, paras. 7-10. 25 Id., paras. 11-14. 10
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