Master Modélisation et Simulation (M2) Cours C7-1 3e année ENSTA Notes de cours sur les équations de Maxwell Patrick Ciarlet Laboratoire POEMS ENSTA ParisTech 32, boulevard Victor 75739 Paris Cedex 15 version 4.0 (2 septembre 2013) c Patrick Ciarlet 2013 (cid:13) Table des matières 1 Champs électromagnétiques et équations de Maxwell............. 5 1.1 Equations de Maxwell sous forme intégrale ........................ 5 1.2 Reformulation équivalente des équations de Maxwell ................ 7 1.3 Relations constitutives .......................................... 11 1.4 Formulation des équations de Maxwell à l’aide de potentiels ......... 14 1.4.1 Jauge de Lorentz ......................................... 16 1.4.2 Jauge de Coulomb ........................................ 16 1.5 Milieux conducteurs et isolants................................... 17 2 Mesure des champs .............................................. 19 2.1 Solvabilité des équations de Maxwell.............................. 19 2.1.1 A l’origine ............................................... 19 2.1.2 Classification rapide des équations de Maxwell................ 21 2.1.3 Plus mathématiquement................................... 22 2.1.4 Unicité des champs électromagnétiques ...................... 24 2.1.5 Résolution des problèmes du second ordre ................... 26 2.1.6 Passage du second ordre au premier ordre en temps ........... 27 2.2 Considérations énergétiques ..................................... 28 2.2.1 Un peu de physique....................................... 29 2.2.2 Encore un peu de calculs.................................... 31 3 Equations stationnaires .......................................... 35 3.1 Equations de Maxwell harmoniques en temps ...................... 35 3.2 Equations harmoniques dans R3.................................. 39 3.2.1 Ondes planes électromagnétiques ........................... 39 3.2.2 Propriétés des ondes planes électromagnétiques ............... 40 3.2.3 Décomposition en ondes planes électromagnétiques............ 41 3.2.4 Ondes planes électromagnétiques dans un conducteur et épaisseur de peau......................................... 44 4 (cid:13)cPatrick Ciarlet 2013 3.3 Phénomènes de résonance vs. phénomènes harmoniques en temps en domaine borné................................................. 45 4 Modèles approchés ............................................... 51 4.1 Modèles statiques .............................................. 51 4.1.1 Electrostatique ........................................... 52 4.1.2 Magnétostatique.......................................... 52 4.1.3 Reformulations des problèmes statiques...................... 53 4.2 Une hiérarchie de modèles approchés.............................. 54 4.3 Modèles quasistatiques.......................................... 57 4.4 Modèle de Darwin.............................................. 58 5 Conditions aux limites ........................................... 61 5.1 Conditions d’interface et conditions aux limites .................... 61 5.2 Domaine non borné et conditions aux limites ...................... 63 5.2.1 Conditions aux limites absorbantes.......................... 65 5.2.2 Précision d’une condition aux limites absorbantes ............. 67 5.2.3 Couches dissipatives ...................................... 68 5.3 Conservation de l’énergie........................................ 70 5.3.1 Condition aux limites de conducteur parfait.................. 70 5.3.2 Condition aux limites de Silver-Müller....................... 71 5.3.3 Condition aux limites d’impédance.......................... 72 A Compléments mathematiques .................................... 75 A.1 Quelques opérateurs différentiels usuels ........................... 75 A.2 Equations aux dérivées partielles ................................. 77 A.3 Définitions et résultats mathématiques ............................ 79 A.3.1 Espaces de Hilbert........................................ 79 A.3.2 Résultats fondamentaux ................................... 81 A.3.3 Problèmes de type Helmholtz .............................. 84 A.3.4 Problèmes aux valeurs propres ............................. 85 A.3.5 Problèmes hyperboliques du second ordre .................... 86 Références........................................................... 91 Index ................................................................ 95 1 Champs électromagnétiques et équations de Maxwell Nous présentons les champs électromagnétiques, en tant que solution des équa- tions de Maxwell. Les diverses composantes des champs électriques et magnétiques sont reliées à des termes sources parl’intermédiaire d’un ensemble d’équations écrites sous forme intégrale, ou sous la forme d’équations aux dérivées partielles du premier ordre.Puis,nousétudionslesrelationsconstitutives,quifournissentdesrelationssup- plémentaires entre champs électromagnétiques. Nous proposons également une autre formulation, appelée formulation potentielle, avec un nombre d’inconnues réduit, qui peuventêtreinterprétées commedesprimitivesdeschampsélectromagnétiques,enun certain sens. Pour finir, nous concluons par une brève étude des milieux conducteur ou isolant. 1.1 Equations de Maxwell sous forme intégrale La propagation des champs électromagnétiques dans les milieux continus peut être formulée à l’aide de quatre fonctionnelles, dépendant des variables spatiales et temporelle. Dans la suite, on note respectivement (x,t) ces variables spatiales et temporelle, parcourant R3 R, avec x = (x ,x ,x ). Les quatre fonctionnelles à 1 2 3 × valeurs dans R3, dites vectorielles, décrivant les champs sont : 1. le champ électrique E, 2. l’induction magnétique B, 3. le champ magnétique H, 4. le déplacement électrique D. Ces fonctionnelles vectorielles sont reliées entre elles par les équations de Maxwell (intégrales) écrites ci-dessous. Ces quatre équations sont respectivement nommées loi d’Ampère, loi de Faraday, loi de Gauss, et absence de monopoles magnétiques libres. En système d’unité SI, elles s’écrivent “classiquement” : 6 (cid:13)cPatrick Ciarlet 2013 d D dS H dl = J dS, (1.1) dt · − · − · (cid:18)ZS (cid:19) Z∂S ZS d B dS + E dl = 0, (1.2) dt · · (cid:18)ZS′ (cid:19) Z∂S′ D dS = ρdV, (1.3) · Z∂V ZV B dS = 0. (1.4) · Z∂V′ Ci-dessus, S, S′ sont deux surfaces quelconques de R3, et V, V′ sont deux volumes quelconquesdeR3.OnrappellequesiV (resp.S,C)estunvolume(resp.unesurface, une courbe) de R3, alors ∂V (resp. ∂S, ∂C) est sa frontière, munie de la topologie induite. Par ailleurs, comme par construction toute frontière ∂V d’un volume V est fermée, on a ∂(∂V) = , et on a la même propriété ∂(∂S) = pour toute surface ∅ ∅ S. On peut écrire les éléments d’intégration dS et dl sous la forme dS = ndS ou dl = τ dl, où n et τ sont respectivement un vecteur unitaire, normal à la surface, et un vecteur unitaire tangent à la courbe. Qui plus est, l’orientation des vecteurs est prescrite par l’orientation de l’élément de surface ou de l’élément de courbe. En particulier, lorsque S est une surface fermée entourant un volume, n est dirigé vers l’extérieur du volume. De même, lorsque C est une courbe fermée délimitant une surface, le vecteur tangent τ est orienté dans la direction donnée par la “règle de la main droite”. Figure 1.1. Volume, surface et courbe. Dans les équations, il y a deux termes source, notés ρ et J. La fonctionnelle ρ est dite scalaire, c’est-à-dire à valeurs dans R; elle est appelée densité de charge électro- statique. Elle est non-nulle en présence de charges électriques. La fonctionnelle J, à valeurs vectorielles, est appelée densité de courant. Elle est non-nulle dès lors que des charges se déplacent ou, en d’autres termes, en présence d’un courant électrique. Si Equations deMaxwell 7 on dérive l’Eq. (1.3) par rapport au temps t et que l’on choisit S = ∂V dans l’Eq. (1.1), on remarque que les sources vérifient une équation de conservation de la charge (intégrale) : d ρdV + J dS = 0. (1.5) dt · (cid:18)ZV (cid:19) Z∂V Comme précédemment, V est un volume quelconque de R3. Enfin, on note que ces équations peuvent être utilisées pour réaliser l’étude de phé- nomènes microscopique ou macroscopique. 1.2 Reformulation équivalente des équations de Maxwell A partir des équations de Maxwell exprimées sous forme intégrale, (1.1-1.4), il est possible d’en déduire une forme différentielle, à l’aide des formules de Stokes et d’Ostrogradsky rotF dS = F dl et divF dV = F dS, · · · ZS Z∂S ZV Z∂V valables pour toute surface S et tout volume V de R3. Par exemple, si on choisit une surface S stationnaire et un volume V de R3, on déduit de (1.1) et de (1.3) que ∂D rotH +J dS = 0 et (divD ρ) dV = 0. ∂t − · − ZS(cid:18) (cid:19) ZV Ceci étant vraipour toute surface (stationnaire) et tout volume, les intégrandes entre parenthèses sont donc nuls presque partout. On procède de même pour les autres 1 équations, pour aboutir aux équations de Maxwell (différentielles) (système SI) : ∂D rotH = J, (1.6) ∂t − − ∂B +rotE =0, (1.7) ∂t divD =ρ, (1.8) divB =0. (1.9) Quant à l’équation de conservation de la charge (différentielle), elle s’écrit ∂ρ +divJ = 0. (1.10) ∂t 1. Il est intéressant de noter que l’on raisonne sur des volumes pour les Eqs. (1.3-1.4), et sur dessurfaces pourles Eqs. (1.1-1.2). Quant aux conclusions, ici les Eqs.(1.6-1.9), elles sont valables (presquepartout)dansR3.Ilestalorspratique/tentantdeconsidéreruneapproche“toutvolumique” à partirde là... 8 (cid:13)cPatrick Ciarlet 2013 En l’état, ces cinq équations sous forme différentielle ne sont pas équivalentes à leurs contreparties intégrales. De fait, deux caractérisations des champs sont absentes pour l’instant, caractérisations que nous détaillons ci-après. La première omission est basée sur l’observation suivante : pour pouvoir affirmer la nullité des intégrandes, il faut (et il suffit) qu’ils soient réguliers. En particulier, le comportement des champs peut être modifié, à la traversée d’une interface (surfa- cique) entre deux milieux où ils sont réguliers. SoitdoncΣ unetelleinterface,situéeentredeuxmilieuxM+ etM−,etn unchamp Σ de vecteurs normaux à cette surface, unitaires et d’orientation2 constante. En appli- quant les lois d’absence de monopoles magnétiques libres et de Gauss sur de “petits volumes” traversant l’interface, on peut montrer que, si on appelle σ la densité de Σ charge surfacique, on a les relations : [D n ] = σ , [B n ] = 0. (1.11) Σ Σ Σ Σ Σ · · Ci-dessus, [f] est égal au saut au travers de l’interface d’une fonction f régulière Σ 2 de part et d’autre de celle-ci. Notons que le saut est fonction de l’orientation de la surface, elle-même définie par le choix de la direction de n . Σ L’idée était donc de partir de (1.3-1.4) sur des volumes ad hoc pour obtenir les re- lations de saut sur les composantes normales des champs D et B. Remarquons que l’on peut raisonner de façon mathématiquement plus intuitive... Pour cela, on re- prend la formule d’Ostrogradski, avec F = uv. Rappelons que l’on a div(uv) = udivv+gradu v pour u et v suffisamment régulières. On trouve alors · (udivv+gradu v) dV = uv ndS. (1.12) · · ZV Z∂V Or, la trace de u sur ∂V – u – est contrôlée par u et gradu dans V (voir par |∂V exemple [31]). Par voie de conséquence, la trace normale de v – v n – est contrô- |∂V · lée par v et divv dans V (voir encore [31]). Ainsi, le saut de la composante normale de D dépend de la régularité de la densité de charge, cf. (1.3), alors que celui de la composante normale de B est toujours nul, cf. (1.4). Partant des Eqs. (1.1-1.2), le raisonnement est similaire, en considérant cette fois des surfaces perpendiculaires à l’interface, que l’on fait tourner pour décrire toutes les directions tangentielles à Σ. Notons (τ ,τ′ ) un couple quelconque de champs de Σ Σ 2. Defaçon générale, pourf régulière depart et d’autredel’interface Σ,lesaut def au travers del’interface Σ est égal à [f]Σ :=fhaut−fbas, avecpar convention unvecteurunitaire normal nΣ dirigé du bas versle haut. Equations deMaxwell 9 vecteurs tangents àΣ,telque(τ ,τ′ ,n )formeunebaseorthonormale directe. On Σ Σ Σ arriveàdesrésultatssurlescomposantestangentiellesdeschamps,décritsci-dessous: [E τ ] = 0, [H τ ] = j τ′ , (1.13) · Σ Σ · Σ Σ Σ · Σ avec j la densité de courant surfacique sur Σ (j étant par définition un champ de Σ Σ vecteurs tangentiels à Σ). Soit encore, en balayant toutes les directions tangentielles, on arrive aux conditions équivalentes [E n ] = 0, [H n ] = j . (1.14) × Σ Σ × Σ Σ − Σ L’idée était cette fois de partir de (1.1-1.2) sur des surfaces ad hoc pour obtenir les 3 relations de saut sur les composantes tangentielles des champs E et H. Reprenons maintenant la formule de Stokes, toujours avec F = uv ; on a rot(uv) = urotv+ u v pour u et v suffisamment régulières. On trouve cette fois ∇ · (urotv+ u v) dS = (uv) τ dl = (v τ)udl. (1.16) ∇ · · · ZS Z∂S Z∂S Ainsi, la trace tangentielle de v – v τ – est contrôlée par v et rotv dans S, et |∂S · le saut de la composante tangentielle de E est donc nul, cf. (1.2), alors que celui de la composante tangentielle de H dépend de la régularité de la densité de courant, cf. (1.1). Pourfinirsurcesconditionsd’interface,sinousnotonsdiv l’opérateursurfacique Σ dedivergence,l’équationintégraledeconservationdelacharge(1.5)fournitl’équation ∂σ Σ +div j +[J n ] = 0. (1.17) ∂t Σ Σ · Σ Σ La seconde caractérisation manquante des champs est de nature topologique. Notons Ω le domaine d’intérêt. Deux cas typiques peuvent se présenter : 4 (α) Ω est l’extérieur d’un fil (résistif ) “épais” ; (β) Ω est l’extérieur de conducteurs4. 5 Dans les deux cas, on dit que le domaine Ω est topologiquement non-trivial . On a alors les propriétés suivantes (voir par exemple [52], pp. 18-19 et pp. 23-24) : 3. Pour la contrepartie “volumique”, reprenons maintenant la formule d’Ostrogradski, avec F = u×v ; on a div(u×v)=rotu·v−u·rotv pour u et v suffisamment régulières. On trouve (rotu·v−u·rotv) dV = (u×v)·ndS = (v×n)·udS. (1.15) Z Z Z V ∂V ∂V La trace tangentielle de v – v × n – est contrôlée par v et rotv dans V. Par ailleurs, on |∂V remarque que, dans l’intégrale sur ∂V, seule la composante tangentielle de u intervient, puisque v×n est toujours orthogonal à n. On rappelle que la composante tangentielle de u est égale à uT =u−(u·n)n=n×(u×n). 4. Voir§1.5. 5. Au contraire, dans un domaine topologiquement trivial, tout champ à rotationnel nul s’écrit comme un gradient, et tout champ à divergence nulles’écrit comme un rotationnel. 10 (cid:13)cPatrick Ciarlet 2013 Figure 1.2. Systèmesnon-triviaux topologiquement. (α) rotu = 0 dans Ω = f continu dans Ω tel que u = gradf dans Ω ; 6 ⇒ ∃ (β) divu =0 dans Ω = v continu dans Ω tel que u = rotv dans Ω. 6 ⇒ ∃ Bref, dans le cas (α), si les champs sont à rotationnel nul, il n’est pas garanti qu’ils dérivent d’unpotentiel scalaire. Dans lecas(β),sileschamps sont àdivergence nulle, il n’est pas garanti qu’ils dérivent d’un potentiel vecteur. Pour recouvrer l’existence de potentiels, il convient d’ajouter un nombre fini de relations, dérivées de la théorie de l’homologie. Nous postulons par la suite que ces relations, ajoutées aux équations sous forme différentielle (1.6-1.9) et aux relations d’interface (1.11) et (1.14) constituent une reformulation qui est équivalente aux équations de Maxwell (intégrales) (1.1-1.4). Pour achever ce paragraphe, disons quelques mots sur l’interprétation mathé- matique formelle des équations de Maxwell, au sens des distributions [23]. Un bon exemple est obtenu à partir des choix possibles de densité de charge ρ évoqués plus haut, choix qui ont des conséquences sur la façon dont on peut reformuler l’action de celle-ci, en tant que distribution. Soit donc ρ= ρ +ρ +ρ +ρ considéré vol surf lin ponc comme appartenant à ′(R3), et soit ϕ (R3). Alors, si on note ϕ (resp. ϕ , |Σ |Γ D ∈ D resp. ϕ(Q)) la restriction de ϕ à la surface Σ (resp. à la courbe Γ, resp. au point Q, c’est-à-dire la valeur au point Q), on obtient l’action suivante de ρ sur ϕ : ρ ,ϕ + σ ϕ dS + σ ϕ dl+σ ϕ(Q). vol Σ |Σ Γ |Γ Q h i ZΣ ZΓ A partir de là, la question se pose quant à l’existence de ce type de configurations, à savoir les charges volumique, surfacique, linéique ou ponctuelle, du point de vue de la physique... On trouvera un exemple élémentaire concernant les charges ponctuelles au paragraphe §2.1. Au contraire, il existe des configurations “classiques” en physique – telle le dipôle électrique – pour lesquelles il faudrait écrire une contrepartie ma- thématique au sens des distributions, le passage de la physique aux mathématiques exigeant le cas échéant un peu de travail... Enfin, pour un résultat identique à (1.11) et (1.14), mais exprimé cette fois au sens
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