problèmes économiques Problèmes économiquesinvite les spécialistesà faire le point HORS-SÉRIE 0 1 O R É M U N 6 1 0 2 E R B M E T P E S comprendre P N 17500 LB LA FINANCE A B A 5900 - LI CF DT - N 19 U D - T A M C : 100 O R A M M : 9,40 € - O D p"" a@ E - RDa@k@b@ 0? 1 9,U: F: VU 0H - U^ 1Z 5 - H= 197LT dF 0K M I H ’’: société revue référence La de économie débat public c a e r s 4 h i 39 • Faut-il réduire la place de l’automobile ançais f r a n ç a i s • Ldeasn ds elar nsioècrieést éte ?n d ances du numérique s fr • La politique de la ville, hier un incubateur des politiques territoriales a C QUELLES RÉFORMES POUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL ? mbre-octobre 2016 Bimestriel Septe 10,10 € a" E10 - RD?k@n@j@e@ 05068F: 10, - 394 - KPKG=]VUVUV: docuLamentation M HI Française ’: En vente en kiosque,en librairie, sur www.ladocumentationfrancaise.fr et par correspondance : DILA, 26 rue Desaix, 75727 Paris cedex 15 DONNER DU SENS À LA FINANCE Direction de l’information Personne ne peut véritablement affirmer que la finance ne le concerne pas. Du détenteur légale et administrative d’un livret A au consommateur achetant des combustibles qui profite du lissage des 26, rue Desaix prix grâce aux contrats à terme, du salarié qui place ses économies dans une assurance- 75015 Paris vie en vue de la retraite au producteur de myrtilles qui cherche à se couvrir contre le Rédaction risque de grêle: des pans entiers de nos vies sont régis – et souvent facilités – par les de Problèmes économiques mécanismes de la finance. Par ailleurs, aucun État moderne ne peut depuis longtemps Patrice Merlot (Rédacteur en chef) se passer des marchés, qui sont devenus essentiels, comme pour les entreprises, au Markus Gabel maintien de son financement. Mais, comme toute activité humaine, la finance produit (Analyste-rédacteur, rédacteur en chef des hors-série) des excès et des abus qui sont à l’origine de la mauvaise presse dont elle « souffre »: Stéphanie Gaudron elle serait déconnectée de la réalité, provoquerait la spéculation, l’instabilité et les (Analyste-rédactrice) crises, serait responsable des pires dérives et, in fine, mettrait en danger l’économie. Secrétariat de rédaction En France, il existait en 2014 quelque 490 établissements de crédit. Le total de bilan Anne Biet-Coltelloni cumulé de l’ensemble de ces établissements se montait à environ 8465 milliards d’euros Promotion en décembre 2014, ce qui représente environ quatre fois le montant du produit intérieur Anne-Sophie Château brut (PIB) français. La majeure partie est représentée par le bilan de BNP Paribas – à lui 29, quai Voltaire seul équivalent au PIB français. Le secteur bancaire est un des premiers employeurs privés 75344 Paris cedex 07 français avec 2,3% du total de l’emploi salarié du secteur privé en France métropolitaine. Tél. : 01 40 15 70 00 Il emploie environ 370000 personnes, néanmoins loin derrière l’Allemagne – plus de [email protected] http://www.ladocumentation 600000 personnes –, ou encore le Royaume-Uni avec plus de 420 000 personnes. francaise.fr/revues-collections/ Le secteur de la finance représente en France près de 3% de la valeur ajoutée totale problemes-economiques/ et contribue à près de 5% de l’ensemble des prélèvements obligatoires. En zone euro, index.shtml les banques nationales détiennent en moyenne environ 25% de la dette de leur pays. Abonnez-vous à la newsletter La détention de cette dette s’est internationalisée. Alors que, en 1993, seul un tiers de Avertissement la dette publique française était détenu par des non-résidents, l’Agence France Trésor Les opinions exprimées évalue la part de ces derniers à environ 62 % à la fin décembre 2015. dans les articles reproduits n’engagent que les auteurs Si on peut ainsi sans hésitation affirmer que la finance est au service de l’économie, elle demeure source de controverses et d’interrogations dont certaines seront évoquées Crédit photo : Couverture : Getty Images dans ce numéro: la finance est-elle un facteur de creusement des inégalités? Quelle est © Direction de l’information légale la situation des banques centrales après tant d’années de gestion de crise financière? et administrative. Paris, 2015 Faut-il avoir peur de la finance chinoise? Pourquoi observe-t-on la fuite des talents vers Londres? Comment réguler demain la banque-finance ? Et quel sera l’avenir de la Conception graphique Célia Pétry monnaie? Nicolas Bessemoulin Enfin, n’oublions pas que la finance, malgré son apparente technicité et complexité, est En vente en kiosque et en librairie aussi affaire de bon sens utile et peut être très simple. Qui ne connaît pas les dictons (Adresses accessibles en ligne) «On n’a jamais rien sans rien » ou «Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier»? # Retrouvez-nous sur Par ailleurs, l’esprit littéraire et la finance ne s’excluent pas, au contraire ! En effet, Facebook et sur Twitter l’histoire de la littérature nous fournit une anecdote fort savoureuse. Johann Wolfgang @ ProbEcoPE von Goethe, qui avait toujours une relation un peu tendue avec ses éditeurs, craignant d’être floué, proposait en 1797 à l’éditeur Hans Friedrich Vieweg un contrat très subtil. Pour déterminer le montant de ses honoraires, Goethe suggérait de déposer chez un IMPACT-ÉCOLOGIQUE notaire une lettre mentionnant une somme que l’écrivain voulait au minimum obtenir. Si www.dila.premier-ministre.gouv.fr la proposition de l’éditeur était inférieure à cette somme, Goethe retirerait son offre et PIC D’OZONE 141 mg eqC2H4 aucun contrat ne serait ainsi conclu. Dans le cas contraire, l’écrivain s’engageait à ne pas IMPACT SUCRL LI’ MEAAUT 513,54 g g eeqq PCOO423- Pour un ouvrage ddafeefmsa iharonen dpoeorrua drir alev’ésad lneittsae ugperlu cqsau ére ll el’vœeé musv odrneet lsa’eén ptv oedqnéudpeao is–té 1t rc0èh0se0 zb tilheean nl.eortsa i–r e; .c G’éotaetith éeg sa’elenm seonrtt auint ea vbeocn unne Cet imprimé appliquel'affichage environnemental. Markus Gabel COMPRENDRE LA FINANCE La finance au service de l’économie ? P. 5 Un siècle de finance : de la première mondialisation à la globalisation des marchés (Éric Monnet) P. 12 Comprendre les marchés financiers en 2016 (Laurent Quignon) P. 20 Investisseurs, assureurs et banques face à la politique des taux d’intérêt zéro (Jean-Marc Figuet) P. 27 Finance d’entreprise et finance de marché : une influence par ricochet (Gunther Capelle-Blancard et Jérôme Glachant) P. 35 Glossaire : les mots de la finance 1 P. 36 Les principales places financières Un secteur controversé P. 37 Inégalités et finance : quelles relations de causalité ? (Rémi Bazillier et Jérôme Héricourt) P. 43 Les banques centrales à la peine (Jézabel Couppey-Soubeyran) P. 50 La finance chinoise : quelle ampleur, quels risques ? (Michel Aglietta) P. 57 Shadow banking, trading haute fréquence : l’innovation financière hors de contrôle ? (Dominique Namur) P. 64 Les liens finance-États : entre nécessité et abus (Clémentine Gallès) P. 71 Étudier à Paris, travailler à Londres : fuite des cerveaux et allocation des talents (Gunter Capelle-Blancard et Claire Célérier) P. 78 Glossaire : les mots de la finance 2 La finance de demain P. 80 FinTech : l’innovation financière au service de qui ? (Julien Maldonato) P. 87 Comment réguler demain la banque-finance ? (Laurent Clerc) P. 96 L’avenir de la monnaie (Jörg Guido Hülsmann) P. 104 Que devient la globalisation financière ? Avons-nous besoin d’un Bretton Woods 2.0 ? (Christophe Boucher) P. 111 Glossaire : les mots de la finance 3 P. 112 De la finance aux FinTech Comparer l’actuelle mondialisation à celle qu’avait connue les trois ou quatre décennies précédant la Première Guerre mondiale est devenu un lieu commun. De nombreux chercheurs ont en effet travaillé sur cette comparaison, montrant comment la mobilité internationale du capital avait atteint un maximum à la veille de la Grande Guerre, pour chuter ensuite puis remonter petit à petit avant de retrouver au cours des années 1990 le niveau déjà atteint en 1914. Malgré de frappantes similarités, la seconde mondialisation diffère toutefois profondément de la première, comme le démontre Éric Monnet : au tournant du XXIe siècle, la globalisation financière a atteint un niveau inconnu auparavant et pris des formes inédites. Problèmes économiques Un siècle de finance : de la première mondialisation à la globalisation des marchés (cid:127) ÉRIC MONNET documents de cette époque en se rendant, par exemple, sur le portail Gallica de la Biblio- Économiste chercheur à la Banque de France, enseignant associé thèque nationale de France (BnF). On peut à l’École d’économie de Paris1 ainsi feuilleter des publications économiques françaises de référence (comme le Bulletin De la première à la seconde de statistique et législation comparée, qui était publié par le ministère des Finances) mondialisation et y découvrir de nombreuses études sur les banques et bourses étrangères et sur les Tout lecteur familier des romans de la fin du économies et les finances des États-Unis, XIXe siècle, ou tout historien ayant eu l’occa- du Mexique, de la Russie, de l’Empire otto- sion de travailler avec des documents finan- man etc. reflétant les intérêts intellectuels et ciers ou des recueils de statistiques de cette financiers des investisseurs et fonctionnaires période, ne peut qu’être frappé par l’éten- français de l’époque. La lecture du magazine due des liens financiers au sein de l’Europe, anglais The Economist – déjà la référence des [1] Les points de vue exprimés dans ce texte et entre l’Europe et d’autres continents (en investisseurs internationaux au XIXe siècle – n’engagent que l’auteur particulier l’Amérique et l’Asie) avant la Pre- ou de divers quotidiens délivre une impres- et ne doivent pas être mière Guerre mondiale. Il est aujourd’hui sion similaire. Il suffit enfin de rappeler attribués à la Banque de France ou l’Eurosystème. aisé de consulter virtuellement certains l’engouement des Français avant 1914 pour 5 UN SIÈCLE DE FINANCE : DE LA PREMIÈRE MONDIALISATION À LA GLOBALISATION DES MARCHÉS étant l’exemple le plus évident) et de grandes ZOOM vagues de migrations, notamment vers les États-Unis. La Première Guerre mondiale mit QU’EST-CE QUE fin à ce processus, d’autant plus brusque- ment qu’elle prenait sa source en Europe, au L’INTÉGRATION FINANCIÈRE ? cœur des places financières mondiales. Ce sont donc des raisons politiques, des haines L’intégration financière (autrement alimentées de nationalisme et des velléités de dit le degré d’internationalisation des conquêtes martiales qui mirent fin à la pre- échanges financiers) est souvent mesurée mière phase de mondialisation financière. La par les économistes au moyen de trois décennie qui suivit le conflit, dans le domaine principaux indicateurs. Tout d’abord financier comme dans beaucoup d’autres, vit la corrélation entre les mouvements s’exprimer des tentatives de revenir à l’ordre d’épargne et d’investissement au sein d’avant-guerre, alors même que le dollar d’un pays. Si cette corrélation est élevée tendait à remplacer la livre sterling comme alors cela signifie que le pays est peu monnaie internationale. La crise de 1929, et intégré au reste du monde car il finance surtout la contagion des crises financières et principalement son investissement par de les dévaluations en chaîne à partir de 1931, l’épargne nationale. Une deuxième mesure apportèrent une nouvelle fois un coup d’arrêt consiste à rapporter au produit intérieur à la circulation des capitaux. La grande majo- brut (PIB) le stock d’actifs et de passifs rité des pays mirent en place des contrôles de étrangers d’un pays. Une valeur élevée capitaux afin d’éviter que ceux-ci ne viennent de ce ratio signifie que le pays est ouvert déstabiliser leur économie. L’isolationnisme financièrement car il emprunte (passif) ou et les nationalismes, à leur apogée au cours investit (actif) beaucoup à l’étranger. Enfin une troisième mesure – peu utilisée dans des années 1930, s’acclimatèrent fort bien de les travaux historiques en raison d’un ces mesures qui se prolongèrent pendant la manque de données – consiste à rapporter Seconde Guerre mondiale. Après 1945, l’in- au PIB les flux de capitaux étrangers. tégration financière internationale recom- Ces différentes mesures concordent pour mença à s’accroître de manière continue mais affirmer que la mondialisation financière à un rythme lent, de sorte que le niveau d’in- retrouva au cours des années 1990 son tégration financière ne retrouva son niveau niveau de 1914. de 1914 qu’au cours des années 1990. Éric Monnet Débats mouvementés après 1945 Pourquoi la mondialisation financière pro- les emprunts russes, signe de la facilité avec gressa-t-elle très lentement de 1945 aux laquelle les capitaux pouvaient circuler. Il années 1970 et son rythme s’accéléra-t-il for- y avait donc bien une première mondialisa- tement ensuite, particulièrement à partir du tion financière – que de très nombreux his- milieu des années 1980? Cela tient à deux toriens ont étudiée – dont les conséquences éléments. Le premier est que les contrôles ne touchaient pas seulement les bourses et de capitaux restèrent la norme dans les les bureaux des grandes banques d’inves- quatre décennies d’après-guerre même s’ils tissement, mais se faisaient sentir dans étaient moins contraignants qu’au début des l’ensemble de la société, intéressant les épar- années 1950. Les politiques d’après 1945 (por- gnants et les représentations collectives. Elle tées par les gouvernements nationaux et le se doublait d’une mondialisation commer- Fonds monétaire international [FMI]) combi- ciale, culturelle (les expositions universelles naient, en effet, l’objectif d’une restauration Problèmes économiques SEPTEMBRE 2016 6 des échanges commerciaux et financiers et le bon niveau de mondialisation financière ? la conviction que les contrôles de capitaux À vrai dire, elle nous permet surtout d’éviter étaient nécessaires pour éviter la spéculation les raisonnements trop simplistes. Il est en sur les monnaies, les crises de change et les effet indéniable que – au moins en Europe dévaluations compétitives qui avaient mar- de l’Ouest, en Amérique latine et en Asie du qué les années 1930. Deuxièmement, la régu- Sud-Est – la période qui va des années 1950 lation bancaire et financière était née entre aux années 1970 est celle où la croissance 1930 et 1950, et, très vite, s’y était ajoutée une du produit intérieur brut (PIB) fut la plus forte intervention de l’État dans le système importante alors que le degré de mondiali- financier. Les États (notamment au travers de sation financière était relativement faible banques, banques centrales et institutions de (bien que croissant). Et on trouve dans l’his- crédit publiques) prirent une place prédomi- toire, aussi bien au cours de la première que nante dans le financement des économies. Les de la seconde mondialisation, de nombreux mécanismes de marché (et notamment les taux exemples où les flux internationaux de capi- d’intérêt) jouaient un rôle relativement faible taux vinrent alimenter des investissements dans l’allocation des ressources financières. peu productifs et des entreprises douteuses Dans un tel système, l’investissement national et déstabiliser dangereusement la balance était volontairement financé principalement des paiements, comme en Asie du Sud-Est par l’épargne nationale, et l’intégration finan- à la fin des années 1990. La liberté totale cière internationale demeurait ainsi limitée. des flux de capitaux ne fut donc pas néces- saire à la croissance et ne fut pas non plus À partir des années 1970 et surtout au cours nécessairement vertueuse. Mais les argu- des années 1980, ces deux principes d’orga- ments en faveur de la mobilité des capitaux nisation des systèmes financiers se trouvent sont aussi probants. L’histoire des années conjointement profondément remis en ques- 1930 suggère que les périodes de fermeture, tion. Après la fin du système de Bretton où s’enchaînent les contrôles de capitaux Woods, entre 1971 et 1973, de plus en plus de et les dévaluations compétitives, peuvent pays adoptent des taux de change flexibles ; être dévastatrices pour la croissance et les les contrôles de capitaux sont jugés inutiles, échanges commerciaux. Quant aux crises inefficaces et ils sont considérés comme financières de la première mondialisation, des freins à l’investissement. Parallèlement, elles n’avaient pas freiné une expansion éco- les États se désengagent du financement de nomique globale. On peut également avan- l’économie, l’allocation des ressources se fait cer l’argument – et c’est sur cette base que de plus en plus par des mécanismes de mar- repose en partie la défense de la seconde chés et par des institutions privées. La voie mondialisation financière – que les fac- est ouverte pour un accroissement rapide teurs de la croissance des années 1950-1970 des flux internationaux de capitaux. La voie étaient arrivés à bout de souffle au début des s’ouvre également pour un retour des crises années 1980 et que la liberté retrouvée des financières qui avaient accompagné le déve- flux de capitaux a pu utilement prendre le loppement des marchés au cours de la pre- relais des systèmes financiers domestiques. mière mondialisation. Une question différente – moins normative – Quels sont les effets de la est de savoir si la mondialisation financière mondialisation financière ? accroît ou au contraire réduit les liens entre les cycles économiques des pays. Autrement À l’évocation de ce processus historique, on dit, les cycles économiques sont-ils plus peut être tenté de poser la question des bien- coordonnés lorsque l’intégration financière faits de la mondialisation financière? L’his- est forte? Les théories économiques sont toire nous permet-elle de déterminer quel est relativement agnostiques quant à la réponse 7 UN SIÈCLE DE FINANCE : DE LA PREMIÈRE MONDIALISATION À LA GLOBALISATION DES MARCHÉS à donner à cette question. Dans un modèle ter combien certains phénomènes – comme théorique simple, une plus forte ouverture les crises financières – ont eu des précédents financière réduit la coordination des cycles historiques. Cela explique pourquoi beaucoup économiques, car les investissements de d’historiens et d’économistes se sont livrés à chaque pays sont plus diversifiés (ce qui cette comparaison. Les différences entre les réduit la probabilité qu’un choc économique deux vagues de mondialisation sont toute- dans un pays se transmette à un autre). Mais fois profondes, et comprendre ces dernières dès qu’imperfections des marchés et infor- éclaire tout autant la situation actuelle. Nous mation imparfaite sont introduites dans un dressons ci-dessous une liste – sans doute modèle théorique, la contagion financière non exhaustive – de ces différences. entre pays devient possible et augmente ainsi la synchronisation des cycles économiques. Une forte accélération au début Les données statistiques permettant de des années 2000 mener des études rigoureuses sur les cycles économiques sont relativement limitées pour Les principaux travaux universitaires com- les périodes avant 1945 (c’est-à-dire avant parant les deux mondialisations datent du que les pays développent des systèmes de milieu et de la fin des années 1990. Ils fai- comptabilité nationale). Mais lorsque l’on saient le constat de la «courbe en U », avec regarde la période postérieure à la Seconde un retour, à la fin du XXe siècle, au niveau d’in- Guerre mondiale, on ne trouve pas d’argu- tégration financière de 1914. Mais l’intégra- ments pour affirmer que la coordination des tion financière au début des années 2000 s’est cycles économiques était moindre lorsque la prolongée de manière tellement rapide que mondialisation financière était plus faible. La certains auteurs ont rapidement parlé d’une synchronisation des cycles économiques fut «courbe en J», puisque les niveaux de 1914 très forte lors des chocs pétroliers internatio- et du milieu des années 1990 furent très rapi- naux de 1973 et 1979, ainsi qu’en 2007-2008 dement et très largement dépassés. La crise en raison de la crise financière mondiale. Si financière de 2007-2008 a stoppé cette pro- l’on exclut ces périodes, on constate que les gression, mais le degré d’intégration demeure cycles économiques n’étaient pas plus coor- largement supérieur à celui des années 1990. donnés au cours de la seconde mondiali- Le ratio du total des actifs étrangers sur le sation financière que pendant la période de PIB mondial était égal en 2015 à près du Bretton Woods où les contrôles de capitaux double de son niveau de 1999. Au contraire, étaient encore la norme. Ce résultat peut a les flux de capitaux (en proportion du PIB) priori paraître paradoxal puisque les crises sont revenus aux niveaux observés à la fin financières furent plus nombreuses depuis des années 1990. Ainsi, l’évolution de la mon- les années 1980. Mais, hormis la récente dialisation financière au cours des quinze crise financière, ces crises étaient surtout dernières années semble inédite. régionales (comme la crise européenne de 1992 et la crise asiatique de 1997-1998) et Le système monétaire cela n’avait pas entraîné une synchronisa- international tion systématique des cycles économiques mondiaux. La première phase de mondialisation finan- cière prit place dans un contexte où la livre De profondes différences sterling était la monnaie dominante et où les principales monnaies étaient liées à l’or par Comparer la première et la seconde mondia- des taux de change fixes. Cette mondialisation lisation financière est sans aucun doute une était donc indissociable du régime d’étalon- entreprise fructueuse, permettant de consta- or. La confiance dans l’or, la stabilité des prix Problèmes économiques SEPTEMBRE 2016 8
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