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AU-DELA DE LA PERSE ET DE L'ARMENIE PDF

206 Pages·25.4 MB·French
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MIROIR DU MOYEN AGE MIROIR DU MOYEN AGE AU-DELA DE LA PERSE ET DE L’ARMENIE L’Orient latin et la découverte de l’Asie intérieure Quelques textes inégalement connus aux origines de l’alliance entre Francs et Mongols (1145-1262) par Jean RICHARD Membre de l’institut Professeur émérite à l’Université de Dijon BREPOLS © 2005, Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher. D/2005/0095/9 ISBN 2-503-51712-9 INTRODUCTION L’apparition des Mongols, surgissant dans les premières décen­ nies du XIIIe siècle des profondeurs de l’Asie, a changé le destin de l’Europe orientale. Elle a en même temps ouvert aux Européens de l’Ouest les routes de l’Asie. Depuis la fin de l’époque romaine, des peuples venus des steppes s’étaient succé­ dé, pénétrant à plusieurs reprises, plus ou moins profondément, dans l’espace européen où plusieurs d’entre eux s’étaient implan­ tés. Les Occidentaux ne s’étaient guère préoccupés de s’informer des causes de ces migrations et de leur lieu d’origine. Les derniers venus, les Turcs Qiptchaq, que les Russes appelaient Polovtses et les Byzantins Comans, étaient apparus au XIe siècle ; ils avaient inquiété les frontières des pays slaves, fourni des mercenaires aux Byzantins et aux Allemands, et ils s’étaient ouverts au chris­ tianisme ; on n’avait pas pour autant cherché à les mieux connaître. Des Scandinaves s’étaient aventurés sur les chemins qui menaient aux terres gouvernées par les Samanides de Samarkand : ceci n’avait pas davantage attiré l’attention sur les espaces qu’ils avaient parcourus. La première campagne mongole, celle qui avait bousculé les Comans et leurs alliés russes en 1222, n’avait pas inquiété l’Occident. Les envahisseurs étaient venus du Caucase et avaient rencontré leurs adversaires non loin de la mer d’Azov ; et ils étaient repartis dans leur lointain pays. Le royaume de Hongrie en avait profité pour s’étendre sur les territoires de la confédération coma- ne, et les premiers missionnaires dominicains y avaient trouvé un terrain d’évangélisation. Ce sont toutefois ces missionnaires qui ont découvert, en recherchant la légendaire Grande Hongrie, pays d’origine des Magyars, les régions voisines de l’Oural, et l’un d’eux, Julien, a apporté les premières nouvelles concernant une nouvel­ le incursion des « Tartares ». Ceux-ci, ayant soumis les peuples des steppes, arrivaient précisément en 1237 chez les Grands-Hongrois. Ils allaient poursuivre leur avance en direction de l’Ouest. 6 INTRODUCTION Cette fois, sous la conduite d’un petit-fils de Gengis-khan, Batu, ils ont dévasté la Russie, la Pologne, la Hongrie ; ils sont arrivés jusqu’aux portes de Vienne et aux rives de l’Adriatique avant de se replier sur le pays qui gardera le nom de Qiptchaq et qui devient le siège d’une de leurs dynasties. L’Occident a éprouvé une vive inquiétude et même des moments de panique. Il s’est posé de multiples interrogations et divers témoins ont apporté des réponses plus ou moins satisfaisantes. Mais c’est l’envoi par le pape Innocent IV, en 1245, de religieux chargés de s’infor­ mer des intentions des Mongols et de leur proposer la foi chré­ tienne qui a donné au premier des grands voyageurs, le Franciscain Jean de Plancarpin, lequel partit de Kiev, l’occasion de pénétrer profondément dans l’espace eurasiatique : il assista même au cou­ ronnement du qaghan Güyük en pleine Mongolie. La curiosité inquiète qui se manifesta à son retour a valu à son Historia Mongalorum une grande diffusion, d’autant que le Dominicain Vincent de Beauvais y eut largement recours pour introduire dans son encyclopédie historique des données toutes nouvelles sur les Mongols. Quelques années plus tard, c’est un autre Franciscain, Guillaume de Rubrouck, que son zèle missionnaire a lancé sur les routes qui l’ont amené jusqu’au cœur du pays mongol. Bien que moins largement diffusé que la relation de Plancarpin, son récit de voya­ ge, celui d’un excellent observateur, connut un certain succès. Mais c’est seulement par son témoignage que nous connaissons un voyageur qui l’avait précédé et qui lui a communiqué des indi­ cations sur sa route : le chevalier Baudouin de Hainaut, lequel avait selon toute apparence été chargé de porter au qaghan les marques d’obéissance de l’empereur Baudouin II de Constan­ tinople, dont les troupes s’étaient heurtées aux Mongols en 1242 et qui avait vraisemblablement tenu à faire sa paix avec ceux-ci. On sait seulement qu’il avait lui aussi atteint la Mongolie, sans doute en passant par la Crimée. Les informations ainsi recueillies paraissent avoir suffi aux Occidentaux, d’autant que la menace mongole, encore sensible autour de 1260, s’est atténuée. Les pays gouvernés par la Horde d’Or se sont largement ouverts aux marchands venus d’Occident, déjà familiers avec les ports de la Mer Noire, et aussi aux mis­ sionnaires. C’est par là que les frères Polo ont entrepris le voya­ 7 INTRODUCTION ge qui devait les mener jusqu’en Chine, et ces relations se sont poursuivies pendant près d’un siècle. ★ Le tableau n’est pas le même quand on le considère à partir des colonies implantées en Orient par la Première Croisade. Celles- ci s’étaient constituées aux dépens de puissances musulmanes dont la principale était le sultanat seljuqide qui avait son centre en Perse et qui exerçait son hégémonie aussi bien sur le patrimoine des khalifes abbassides de Bagdad que sur les émirats arabes ou turcs de Syrie et de haute Mésopotamie ; le plus redoutable adversai­ re des Francs, l’atabeg de Mossoul, était le représentant du sul­ tan. De ce fait, l’horizon de ces derniers était limité aux domaines du sultan et essentiellement aux plus proches d’entre eux; ils ne pénétraient pratiquement à l’intérieur que par accident. La cap­ tivité a été le lot de beaucoup, et elle s’est traduite pour la majo­ rité des captifs par une réduction en esclavage qui a conduit, selon certains chroniqueurs de la croisade, un grand nombre d’entre eux « au-delà de la Perse et de l’Arménie », jusque dans le Kho- rassan, d’où quelques-uns auraient pu revenir grâce à la charité de chrétiens orientaux. Des ambassadeurs ont visité les souverains musulmans et des chevaliers ont été servir dans les armées musul­ manes comme dans celles des Géorgiens (de la même façon sans doute que ceux qui s’étaient mis au service des Byzantins) : ces aventures personnelles ne semblent pas avoir permis d’apprendre beaucoup de choses sur les pays lointains. Mais dans les terres gouvernées par les Musulmans comme dans les possessions des Croisés, les chrétiens indigènes représentent une part importante de la population, majoritaire en plusieurs régions. Et cet élément chrétien s’étend beaucoup plus loin : le christianisme, surtout sous la forme que les Latins appellent nes- torienne, s’est diffusé à travers toute l’Asie centrale, où il a même conquis les chefs de certaines tribus turco-mongoles qui ont été soumises par Gengis-khan. Les chrétiens orientaux entretiennent entre eux des relations qui passent à travers les frontières. Ainsi le patriarche des Syriens occidentaux (dits jacobites) réside-t-il parfois à Edesse, en pays franc, parfois à Mardin, en terre musul- 8 INTRODUCTION mane, en maintenant ses liens avec ses ouailles. Les Lieux Saints attirent les pèlerins de tous les rites, et ils trouvent à Jérusalem des coreligionnaires qui desservent les sanctuaires. La libération de ceux-ci a valu aux Francs des sympathies que l’on discerne au travers des élégies qui déplorent la prise de la Ville Sainte par Saladin, en 1187. Et nombreux sont les marchands chrétiens qui fréquentent les marchés de la côte en venant de Mésopotamie. Les informations filtrent donc, et les Francs sont à même de les recueillir sans prendre la peine de se rendre en pays musulman. Il en est de même du côté de l’Egypte. Alexandrie et Damiette reçoivent de nombreux marchands italiens, mais c’est seulement en conversant avec des pèlerins maghrébins revenant de la Mecque sur un navire chrétien que l’auteur d’un portulan a appris l’existence et le nom du détroit de Bab-el-Mandeb. Les mar­ chands chrétiens n’ont pas accès à la Mer Rouge. Ainsi est-ce sans nul doute par des chrétiens orientaux qu’un évêque latin de Syrie du Nord a appris la victoire remportée par le khan des Qara-Khitaï sur un sultan seljuqide ; ses informateurs le lui ont présenté comme un chrétien, de surcroît désireux de se porter au secours de Jérusalem, et c’est ainsi qu’Otton de Freising a connu le nom du Prêtre Jean, figure qui est entrée dans l’imaginaire des Occidentaux après sans doute celui des Francs d’Orient. Cette figure légendaire a donné lieu à la rédaction de la fameuse Lettre du Prêtre Jean à Manuel Comnène, mais les Francs n’ont pas cherché à entrer en rapport avec ce souverain si bien disposé à leur égard. Son royaume, il est vrai, se situait, selon l’ex­ pression du chroniqueur, « au-delà de la Perse et de l’Arménie », c’est-à-dire dans ce vaste ensemble que l’on désignait, faute de le connaître davantage, par un terme emprunté à la nomencla­ ture de l’Antiquité, « l’Inde », sur lequel les notions sont des plus vagues. A nouveau, au temps de la Cinquième Croisade, les Croisés apprennent qu’un souverain chrétien, que beaucoup ont identi­ fié au Prêtre Jean, vient de détruire l’empire du sultan qui régnait sur la Perse et d’autres pays plus lointains, et qu’il a l’intention de venir au secours de Jérusalem. Or, alors qu’ils avaient pris contact avec la reine de Géorgie pour l’inciter à se joindre à la croisade (mais il est vrai que son royaume n’était pas au-delà de la Perse et de l’Arménie...), ils n’ont fait aucune tentative pour 9 INTRODUCTION le joindre. On entend parler, autour de 1237, de sévices infligés par les Tartares aux Arméniens et aux Géorgiens, et les Musulmans eux-mêmes appellent à l’aide : même passivité. Il a fallu, pour que les choses changent, que le danger se rap­ proche des terres franques. C’est lorsque les Mongols menacent Antioche, en 1243, que l’on commence à s’émouvoir. Et c’est alors qu’apparaissent les ambassades, qui seront en même temps des voyages de découverte. C’est ici aussi Innocent IV qui prend l’initiative, dans la perspective de la préparation du concile de Lyon où la question tartare sera à l’ordre du jour : il envoie des ambassadeurs chargés de messages pour les prélats orientaux appe­ lés à reconnaître la primauté pontificale, mais également de lettres pour les chefs des armées mongoles, en vue de les inciter à renon­ cer, aux hostilités. Ce sont des Dominicains : André de Long­ jumeau va parcourir la Syrie et la haute Mésopotamie ; Ascelin de Crémone paraît avoir traversé la Turquie et la Géorgie, et tous deux ont porté leurs messages aux Mongols. Mais, à la différen­ ce de Plancarpin et de Rubrouck, ils n’ont pas poussé plus loin. Ascelin a été invité à se rendre en Mongolie ; il a refusé, appa­ remment pour s’en tenir à la lettre de ses instructions. Néammoins la narration de voyage qu’a écrite un compagnon d’Ascelin, Simon de Saint-Quentin, a accumulé les informations, d’abord sur la Turquie, mais surtout sur les Mongols et leurs mœurs. Son Historia Tartarorum a paru assez riche de données nouvelles, complétant celles de Plancarpin, pour que Vincent de Beauvais lui ait emprunté de nombreux chapitres : tout ce qui reste de son œuvre. André de Longjumeau, par contre, dans l’état actuel de nos connaissances, ne paraît pas avoir mis par écrit le récit de son voyage ni son témoignage sur les Mongols, et c’est l’interrogatoire que lui a fait subir le chroniqueur anglais Mathieu Paris qui nous a conservé celui-ci, tandis que les lettres qu’il rapportait au pape nous permettent de jalonner son itinéraire. Vers la même date, le roi de Petite-Arménie, qui avait accep­ té de faire acte de soumission aux Mongols, décide d’envoyer son frère, le connétable Smbat, à la cour du grand-khan. Or les hens de la dynastie héthoumienne avec les grandes familles franques étaient assez étroits pour que le connétable d’Arménie envoie de Samarkand à ses parents francs une lettre où il leur raconte son voyage et où il leur fait part de ce qu’il a appris. Saint Louis 10 INTRODUCTION réside à ce moment à Nicosie : copie de la lettre de Smbat est envoyée en France, et Vincent de Beauvais la juge assez instruc­ tive pour la transcrire, elle aussi, dans son Speculum. Qui réunit ainsi une masse appréciable d’informations sur un peuple et un empire qui se révèlent à ce moment. Et grâce auquel le Moyen Age connaîtra assez bien l’un et l’autre. En même temps, et toujours à la faveur de la présence du roi à Chypre, le gouverneur mongol de la Perse adresse à celui-ci une missive où il manifeste ses bonnes intentions à son égard. Ici l’intervention de son entourage chrétien est évidente. Mais la conséquence inattendue est que le roi de France se décide à envoyer un ambassadeur à Karakorum : ce sera André de Longjumeau, et le roi lui remet de précieux cadeaux destinés au souverain mongol. Mais, pas plus que précédemment, nous ne possédons de relation de son voyage ; nous savons seulement, par Joinville, que Saint Louis fut très déçu par la réponse faite à son envoyé et, par Rubrouck, que l’on avait très mal pris les avances d’un roi qui ne faisait pas acte formel de soumission. C’est encore de Terre Sainte, et pendant le séjour du roi, que Rubrouck partit pour l’empire mongol. Mais son voyage se place sur un plan essentiellement missionnaire ; il a pris la route de Constantinople et des pays septentrionaux, et son voyage n’in­ téresse pas directement l’Orient latin, même s’il s’est achevé à Acre. C’est toutefois lui qui, pendant son séjour à la cour mon­ gole, où il a fréquenté de près le clergé nestorien, a appris qu’une nouvelle offensive menaçait le Proche-Orient ; le qaghan Môngke, en effet, avait délégué ses pouvoirs à son frère Hülegü avec mis­ sion de resserrer le contrôle mongol sur les états qui avaient recon­ nu la souveraineté du grand-khan sans matérialiser pour autant leur obéissance, et d’étendre cette souveraineté sur ceux qui ne l’avaient pas reconnue. Ce qui était l’acte de naissance de ce que Marco Polo allait appeler « la seigneurie des Tartares du Levant ». Le nouvel Ilkhan - tel fut le titre que. prirent les membres de cette dynastie - était l’époux d’une chrétienne et il retrou­ va dans son nouveau gouvernement ces chrétiens qui avaient déjà constitué l’entourage de son prédécesseur, parmi lesquels sans doute certains de ces secrétaires qui avaient antérieurement servi les princes musulmans. Môngke avait stigmatisé la conduite de l’un d’entre eux, ce David qui était venu en ambassade auprès INTRODUCTION 11 de Saint Louis, en le traitant de « menteur », parce qu’il lui impu­ tait la responsabilité d’une démarche qui ne répondait pas à la doctrine de domination totale qui était celle de l’état mongol, en recherchant une entente avec les Francs. Mais il semble que Hülegü, qui fit montre d’une grande faveur envers les chrétiens, devait adopter une politique plus proche de celle qui s’était déjà manifestée en 1248, au moins après ses premières expériences. Quant aux Francs d’Orient, leur attitude à l’égard du nouveau pouvoir trahit leurs hésitations. Le prince d’Antioche, adoptant la politique du roi d’Arménie, se rallie à Hülegü et l’accompagne pendant sa campagne de Syrie de 1260, au grand scandale des barons d’Acre qui observent une neutralité favorable au sultan d’Egypte dont la victoire sur le corps d’occupation mongole a été facilitée par cette neutralité. Néanmoins ceux-ci se sont déci­ dés à prendre contact avec l’Ilkhan. Et c’est une nouvelle ambas­ sade, encore confiée à des Dominicains, sous la conduite de David d’Ashby, ambassade dont nous ne connaissons l’accomplissement que par ce qui nous reste du petit traité de David sur Les faits des Tartares et par un rapport adressé en 1274 au concile de Lyon... Que ce soit par David et ses confrères ou par d’autres person­ nages, parmi lesquels un Jean le Hongrois qui fut peut-être un de ces aventuriers qui vont se mettre au service des Mongols, ou encore sous l’influence de ses conseillers chrétiens, Hülegü fut amené à infléchir sa politique, et la lettre récemment découver­ te par M. Meyvaert a montré comment, sans se départir de la pré­ tention de la dynastie gengiskhanide à exercer une domination sur le monde entier, il entendait associer le roi de France aux campagnes qu’il avait l’intention de mener contre les Egyptiens, en promettant aux Francs de leur restituer Jérusalem - et en se référant au somptueux cadeau qu’André de Longjumeau avait jadis apporté à Karakorum. Cette offre de coopération militaire répondait ainsi aux aspirations qui, depuis un siècle, s’étaient plus ou moins consciemment exprimées de la part de chrétiens orien­ taux à propos du roi David et du Prêtre Jean : la mise au servi­ ce des défenseurs de la Terre Sainte des forces de souverains eux- mêmes chrétiens, ou bien disposés envers le christianisme, venant d’au-delà de la Perse et de l’Arménie.... Dès lors les ambassades vont se succéder pour tenter de réali­ ser ces objectifs. Les chrétiens orientaux y participeront - et parmi

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