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Arsene Lupin - Le triangle d'or PDF

386 Pages·1979·0.82 MB·French
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» s t i u Maurice Leblanc t a r g t LE TRIANGLE D'OR e s e r b (1918) i l s k o o b E « e p u o r g u d n o i t i d É Table des matières Première partie LA PLUIE D'ÉTINCELLES............................ 3 Chapitre 1 Maman Coralie.......................................................... 3 Chapitre 2 La main droite et la jambe gauche.........................20 Chapitre 3 La clef rouillée...........................................................37 Chapitre 4 Devant les flammes................................................. 52 Chapitre 5 Le mari et la femme................................................. 67 Chapitre 6 Sept heures dix-neuf................................................85 Chapitre 7 Midi vingt-trois.......................................................101 Chapitre 8 L'œuvre d'Essarès bey............................................119 Chapitre 9 Patrice et Coralie....................................................135 Chapitre 10 La cordelette rouge...............................................150 Chapitre 11 Vers le gouffre........................................................168 Deuxième partie LA VICTOIRE D'ARSÈNE LUPIN............181 Chapitre 1 L'épouvante.............................................................181 Chapitre 2 Les clous du cercueil...............................................199 Chapitre 3 Un étrange individu ...............................................215 Chapitre 4 La « Belle-Hélène »................................................ 237 Chapitre 5 Le quatrième acte..................................................262 Chapitre 6 Siméon livre bataille .............................................285 Chapitre 7 Le docteur Géradec.................................................311 Chapitre 8 La dernière victime de Siméon............................. 333 Chapitre 9 Que la lumière soit ! ..............................................350 Œuvres de Maurice Leblanc................................................. 383 À propos de cette édition électronique................................ 385 Première partie LA PLUIE D'ÉTINCELLES Chapitre 1 Maman Coralie Un peu avant que sonnât la demie de six heures, comme les ombres du soir devenaient plus épaisses, deux soldats atteignirent le petit carrefour, planté d'arbres, que forme, en face du musée Galliera, la rencontre de la rue de Chaillot et de la rue Pierre-Charron. L'un portait la capote bleu horizon du fantassin ; l'autre, un Sénégalais, ces vêtement de laine beige, à large culotte et à veston cintré, dont on a habillé, depuis la guerre, les zouaves et les troupes d'Afrique. L'un n'avait plus qu'une jambe, la gauche ; l'autre, plus qu'un bras, le droit. Ils firent le tour de l'esplanade, au centre de laquelle se dresse un joli groupe de Silènes, et s'arrêtèrent. Le fantassin jeta sa cigarette. Le Sénégalais la ramassa, en tira vivement quelques bouffées, la pressa, pour l'éteindre, entre le pouce et l'index et la mit dans sa poche. Tout cela sans un mot. Presque en même temps, de la rue Galliera, débouchèrent deux autres soldats, dont il eût été impossible de dire à quelle arme ils appartenaient, leur tenue militaire se composant des effets civils les plus disparates. Cependant, l'un arborait la chéchia du zouave ; l'autre, le képi de l'artilleur. Le premier marchait avec des béquilles, le second avec des cannes. - 3 - Ceux-là se tinrent auprès du kiosque qui s'élève au bord du trottoir. Par les rues Pierre-Charron, Brignoles et de Chaillot, il en vint encore, isolément, trois : un chasseur à pied manchot, un sapeur qui boitait, un marsouin dont une hanche était comme tordue. Ils allèrent droit, chacun vers un arbre, auquel chacun s'appuya. Entre eux, nulle parole ne fut échangée. Aucun de ces sept mutilés ne semblait connaître ses compagnons et ne semblait s'occuper ni même s'apercevoir de leur présence. Debout derrière leurs arbres, ou derrière le kiosque, ou derrière le groupe de Silènes, ils ne bougeaient pas. Et les rares passants qui traversaient, en cette soirée du 3 avril 1915, ce carrefour peu fréquenté, que des réverbères encapuchonnés éclairaient à peine, ne s'attardaient pas à noter leurs silhouettes immobiles. La demie de six heures sonna. À ce moment, la porte d'une des maisons qui ont vue sur la place s'ouvrit. Un homme sortit de cette maison, referma la porte, franchit la rue de Chaillot et contourna l'esplanade. C'était un officier, vêtu de kaki. Sous son bonnet de police rouge, orné de trois soutaches d'or, un large bandeau de linge enveloppait sa tête, cachant son front et sa nuque. L'homme était grand et très mince. Sa jambe droite se terminait par un pilon de bois muni d'une rondelle de caoutchouc. Il s'appuyait sur une canne. Ayant quitté la place, il descendit 'sur la chaussée de la rue Pierre-Charron. Là, il se retourna et regarda posément, de plusieurs endroits. - 4 - Ce minutieux examen le ramena jusqu'à l'un des arbres de l'esplanade. Du bout de sa canne, il toucha doucement un ventre qui dépassait. Le ventre se rentra. L'officier repartit. Cette fois, il s'éloigna définitivement par la rue Pierre- Charron vers le centre de Paris. Il gagna ainsi l'avenue des Champs-Élysées, qu'il remonta sur le trottoir de gauche. Deux cents pas plus loin, il y avait un vaste hôtel, transformé, ainsi que l'annonçait une banderole, en ambulance. L'officier se posta à quelque distance, de façon à n'être point vu de ceux qui en sortaient, et il attendit. Les trois quarts, puis sept heures sonnèrent. Il s'écoula encore quelques minutes. Cinq personnes s'en allèrent de l'hôtel. Il y en eut encore deux autres. Enfin, une dame apparut au seuil du vestibule, une infirmière vêtue d'un grand manteau bleu que marquait la croix rouge. – La voici, murmura l'officier. Elle prit le chemin qu'il avait pris lui-même et gagna la rue Pierre-Charron, qu'elle suivit sur le trottoir de droite, se dirigeant ainsi vers le carrefour de la rue de Chaillot. Elle avançait légèrement, le pas souple et cadencé. Le vent que heurtait sa course rapide gonflait le long voile bleu qui flottait autour de ses épaules. Malgré l'ampleur du manteau, on devinait le rythme de ses hanches et la jeunesse de son allure. L'officier restait en arrière et marchait d'un air distrait, faisant des moulinets avec sa canne, ainsi qu'un promeneur qui flâne. - 5 - En cet instant, il n'y avait point d'autres personnes visibles, en cette partie de la rue, qu'elle et lui. Mais, comme elle venait de traverser l'avenue Marceau, et bien avant que lui-même y parvînt, une automobile qui stationnait le long de l'avenue s'ébranla et se mit à rouler dans le même sens que la jeune femme, tout en gardant un intervalle qui ne se modifiait pas. C'était un taxi-auto. Et l'officier remarqua deux choses : d'abord, qu'il y avait deux hommes à l'intérieur, et, ensuite, qu'un de ces hommes, dont il put distinguer un moment la figure barrée d'une forte moustache et surmontée d'un feutre gris, se tenait presque constamment penché en dehors de la portière, et s'entretenait avec le chauffeur. L'infirmière, cependant, marchait sans se retourner. L'officier avait changé de trottoir et hâtait le pas, d'autant plus qu'il lui semblait que l'automobile accélérait sa vitesse, à mesure que la jeune femme approchait du carrefour. De l'endroit où il se trouvait, l'officier embrassait d'un coup d'œil presque toute la petite place, et, quelle que fût l'acuité de son regard, il ne discernait rien dans l'ombre qui pût déceler la présence des sept mutilés. En outre, aucun passant. Aucune voiture. À l'horizon seulement, parmi les ténèbres des larges avenues qui se croisaient, deux tramways, leurs stores descendus, troublaient le silence. La jeune femme, non plus, en admettant qu'elle fît attention aux spectacles de la rue, ne paraissait rien voir qui fût de nature à l'inquiéter. Elle ne donnait point le moindre signe d'hésitation. Et le manège de l'automobile qui la suivait ne devait pas l'avoir frappée davantage, car elle ne se retourna pas une seule fois. - 6 - L'auto, pourtant, gagnait du terrain. Aux abords de la place, dix à quinze mètres au plus la séparaient de l'infirmière, et lorsque celle-ci, toujours absorbée, parvint aux premiers arbres, l'auto se rapprocha d'elle encore, et, quittant le milieu de la chaussée, se mit à longer le trottoir, tandis que, du côté opposé à ce trottoir, à gauche par conséquent, celui des deux hommes qui se tenait en dehors avait ouvert la portière et descendait sur le marchepied. L'officier traversa de nouveau, vivement, sans crainte d'être vu, tellement ces gens, au point où les choses en étaient, paraissaient insoucieux de tout ce qui n'était pas leur manœuvre. Il porta un sifflet à sa bouche. Il n'y avait point de doute que l'événement prévu ne fût près de se produire. De fait, l'auto stoppa brusquement. Par les deux portières, les deux hommes surgirent et bondirent sur le trottoir de la place, quelques mètres avant le kiosque. Il y eut, en même temps, un cri de frayeur poussé par la jeune femme, et un coup de sifflet strident jeté par l'officier. Et, en même temps aussi, les deux hommes atteignaient et saisissaient leur proie, qu'ils entraînaient aussitôt vers la voiture, et les sept soldats blessés, semblant jaillir du tronc même des arbres qui les dissimulaient, couraient sus aux deux agresseurs. La bataille dura peu. Ou plutôt, il n'y eut pas de bataille. Dès le début, le chauffeur du taxi, constatant qu'on ripostait à l'attaque, démarrait et filait au plus vite. Quant aux deux hommes, voyant leur entreprise manquée, se trouvant en face d'une levée de cannes et de béquilles menaçantes, et sous le canon d'un revolver que l'officier braquait sur eux, ils lâchèrent la jeune femme, firent quelques zigzags pour qu'on ne pût pas les viser, et se perdirent dans l'ombre de la rue Brignoles. - 7 - – Galope, Ya-Bon, commanda l'officier au Sénégalais manchot, et rapporte-m'en un par la peau du cou. Il soutenait de son bras la jeune femme toute tremblante et qui paraissait près de s'évanouir. Il lui dit avec beaucoup de sollicitude : – Ne craignez rien, maman Coralie, c'est moi, le capitaine Belval… Patrice Belval… Elle balbutia : – Ah c'est vous, capitaine… – Oui, et ce sont tous vos amis réunis pour vous défendre, tous vos anciens blessés de l'ambulance que j'ai retrouvés à l'annexe des convalescents. – Merci… merci… Et elle ajouta, d'une voix qui frémissait : – Les autres ? Ces deux hommes ? – Envolés. Ya-Bon les poursuit. – Mais que me voulaient-ils ? Et par quel miracle étiez-vous là ? – On en causera plus tard, maman Coralie. Parlons de vous d'abord. Où faut-il vous conduire ? Tenez, vous devriez venir jusqu'ici… le temps de vous remettre et de prendre un peu de repos. - 8 - Avec l'aide d'un des soldats, il la poussait doucement vers la maison d'où lui-même était sorti trois quarts d'heure auparavant. La jeune femme s'abandonnait à sa volonté. Ils entrèrent tous au rez-de-chaussée et passèrent dans un salon dont il alluma les lampes électriques et où brûlait un bon feu de bois. – Asseyez-vous, dit-il. Elle se laissa tomber sur un des sièges, et le capitaine donna des ordres. – Toi, Poulard, va chercher un verre dans la salle à manger. Et toi, Ribrac, une carafe d'eau fraîche à la cuisine… Chatelain, tu trouveras un carafon de rhum dans le placard de l'office… Non, non, elle n'aime pas le rhum… Alors… – Alors, dit-elle en souriant, un verre d'eau seulement. Un peu de couleur revenait à ses joues, naturellement pâles d'ailleurs. Le sang affluait à ses lèvres, et le sourire qui animait son visage était confiant. Ce visage, tout de charme et de douceur, avait une forme pure, des traits d'une finesse excessive, un teint mat et l'expression ingénue d'un enfant qui s'étonne et qui regarde les choses avec des yeux toujours grands ouverts. Et tout cela, qui était gracieux et délicat, donnait cependant à certains moments une impression d'énergie due sans doute au sombre éclat des yeux et aux deux bandeaux noirs et réguliers qui descendaient de la coiffe blanche sous laquelle le front était emprisonné. – Ah ! s'écria gaiement le capitaine, quand elle eut bu le verre d'eau, il me semble que ça va mieux, maman Coralie ? - 9 - – Bien mieux ! – À la bonne heure ! Mais quelle sacrée minute nous avons passée là ! et quelle aventure ! Il va falloir s'expliquer là-dessus et faire la pleine lumière, n'est-ce pas ? En attendant, les gars, présentez vos hommages à maman Coralie. Hein, mes gaillards, qui est-ce qui aurait dit, quand elle vous dorlotait et qu'elle tapait sur l'oreiller pour que votre caboche s'y enfonce, qui est-ce qui aurait dit qu'on la soignerait à son tour, et que les enfants dorloteraient leur maman ? Ils s'empressaient tous autour d'elle, les manchots et les boiteux, les mutilés et les infirmes, tous contents de la voir. Et elle leur serrait la main affectueusement. – Eh bien, Ribrac, et cette jambe ? – Je n'en souffre plus, maman Coralie. – Et vous, Vatinel, votre épaule ? – Plus trace de rien, maman Coralie… – Et vous, Poulard ? Et vous, Jorisse ?… Son émotion grandissait à les retrouver, eux qu'elle appelait ses enfants. Et Patrice Belval s'exclama : – Ah ! maman Coralie, voilà que vous pleurez ! Maman, maman, c'est ainsi que vous nous avez pris le cœur à tous. Quand on se tenait à quatre pour ne pas crier, sur le lit de torture, on voyait de grosses larmes qui coulaient de vos yeux. Maman Coralie pleurait sur ses enfants. Alors on serrait les dents plus fort. - 10 -

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