UNIVERSITE DE LIEGE Facult´e des Sciences ANALYSE MATHEMATIQUE Notes du cours des premiers Bacheliers en sciences math´ematiques ou en sciences physiques Jean SCHMETS Ann´ee acad´emique 2004–2005 ii Introduction Ce livre contient la premi`ere partie du cours d’analyse math´ematique que j’enseigne en premi`ere candidature en sciences math´ematiques ou en sciences physiques. La deuxi`eme partie concerne le calcul int´egral et fait l’objet d’un volume s´epar´e. Comme tout cours d’initiation `a l’analyse, il d´eveloppe essentiellement une de- scription de l’espace euclidien Rn de dimension n ainsi qu’une´etude de la continuit´e, de la d´erivabilit´e et de la primitivabilit´e des fonctions, et se termine avec la con- sid´erationdes´equationsdiff´erentielleslin´eaires`acoefficientsconstantsetdequelques ´equations diff´erentielles ordinaires. En r´edigeant ces notes, j’ai d´esir´e rencontrer le souhait ´emis par les ´etudiants de disposerd’untexteprochedelamati`ereenseign´ee. Jen’aipucependantm’empˆecher d’y inclure quelques compl´ements th´eoriques (parfois pr´esent´es sous la forme d’exe- rcices). Ces notes sont compl´et´ees par un Cahier d’Exercices. C’est la raison pour laquelle elles ne contiennent pas beaucoup d’exemples et exercices, malgr´e l’impor- tance que je leur accorde. Les textes plac´es entre les symboles “∗ →” et “← ∗” font appel `a de la mati`ere ult´erieure et sont `a r´eserver pour une deuxi`eme lecture. J. Schmets iv 0. Introduction Quelques rep`eres chronologiques de math´ematiciens cit´es 1600 1650 1700 1750 1800 1850 1900 q q q q q q q Pascal Blaise (1623–1662) Newton Isaac (1642–1727) Leibniz Gottfried Wilhelm (1646–1716) Rolle Michel (1652–1719) Bernoulli Jacques (1654–1705) Hospital Guillaume de L’ (1661–1704) De Moivre Abraham (1667–1754) Taylor Brook (1685–1731) Maclaurin Colin (1698–1746) Euler Leonhard (1707–1783) Clairaut Hermann (1713–1765) Lagrange Joseph (1736–1813) Laplace Pierre de (1749–1827) Legendre Adrien-Marie (1752–1833) Gauss Carl-Friedrich (1777–1855) Bolzano Bernhard (1781–1848) Cauchy Augustin (1789–1857) v 1800 1850 1900 1950 2000 q q q q q Abel Niels (1802–1829) Jacobi Carl (1804–1851) Morgan Augustus De (1806–1871) Hesse Otto (1811–1874) Weierstrass Karl (1815–1897) Heine Eduard (1821–1881) Riemann Bernhard (1826–1866) Hermite Charles (1822–1901) Levy Maurice (1838–1910) Schroeder Ernst (1841–1902) Schwarz Herman (1843–1921) Cantor Georg (1845–1918) Lorentz Hendrick (1853–1928) Picard Emile (1856–1941) Cesaro E. (1859–1906) Jensen Johann (1859–1925) Ho˝lder Ludwig (1859–1937) Minkowski Hermann (1864–1909) Steinitz Ernst (1871–1928) Borel Emile (1871–1956) Bernstein Felix (1878–1956) Halmos Paul (1914–) vi 0. Introduction Chapitre 1 Th´eorie na¨ıve des ensembles 1.1 Introduction Les processus fondamentaux des math´ematiques sont a) introduire des objets dits math´ematiques, b) d´emontrer que certaines relations entre ces objets sont vraies; on dit que ce sont des th´eor`emes. Les objets math´ematiques sont les nombres, les fonctions, les fonctions con- tinues, les fonctions d´erivables, les fonctions int´egrables, ... Les relations sont les assertions (qui peuvent donc ˆetre vraies ou fausses) qu’on peut formuler sur ces objets. Les vraies ou th´eor`emes sont celles qu’on d´emontre, c’est-`a-dire qu’on peut d´eduire logiquement d’un certain nombre d’axiomes. Les axiomes sont la formula- tion math´ematique des propri´et´es “´evidentes” desˆetres auxquels on d´esire appliquer les math´ematiques. Il ne faut pas voir dans ce qui pr´ec`ede des d´efinitions correctes du point de vue logique mais seulement une introduction imag´ee qui se pr´ecisera au fur et `a mesure des ´etudes. En fait, la logique math´ematique et la th´eorie formelle des ensembles constituent des domaines fort abstraits et demandent de longs d´eveloppements. Il n’est donc pas possible de les voir, en premi`ere candidature, comme introduction `a un cours d’analyse math´ematique. Cependant la logique math´ematique et les propri´et´es de la th´eorie des ensembles sont fondamentales en math´ematiques et tout au long de ce cours, nous allons les utiliser. La m´ethode utilis´ee consiste, si cela est possible, `a introduire les notions de mani`ere d´efinitive et d’en ´etudier les propri´et´es de mani`ere rigoureuse. En cas d’impossibilit´e, le fait est mentionn´e clairement, le vocabulaire correct est intro- duit et les r`egles d’utilisation sont pr´ecis´ees, r´eservant la justification `a une ´etude ult´erieure. 2 1. Th´eorie na¨ıve des ensembles 1.2 Quelques locutions et symboles Encequiconcernelalogiquemath´ematique, nousallonsnouslimiter`aintroduire un vocabulaire correct et les r`egles d’utilisation de ce vocabulaire. Soient des relations R, S. a) La “n´egation de R” est d´esign´ee g´en´eralement par l’assemblage “R/”, c’est-`a- dire “R superpos´e de /”. On recourt aussi souvent `a des notations diff´erentes telle que “non R”, “¬R”. Une relation est fausse si sa n´egation est vraie; elle est vraie si sa n´egation est fausse. b) “R ou S” est une relation qui est vraie si l’une au moins des relations R, S est vraie. Par exemple, si R est la relation “5 est strictement inf´erieur `a 6” et si S est la relation “5 est ´egal `a 6”, la relation “R ou S” est la relation “5 est inf´erieur ou ´egal `a 6” et est donc vraie. Enlogiqueetenmath´ematique, lemotou esttoujoursprisausensnondisjonctif. Il faut donc recourir `a une p´eriphrase pour traduire le ou disjonctif de la langue fran¸caise. Ces m´ethodes fondamentales de construction de relations permettent d’en intro- duire d’autres qui jouent un rˆole tout aussi important. a) “R et S” est une relation qui est vraie si les deux relations R, S sont vraies. En fait, “R et S” est d´efini comme ´etant la relation “R et S” = “¬(¬R ou ¬S)”. Par exemple, si R est la relation “r est un multiple de 2” et si S est la relation “r est un multiple de 3”, la relation “R et S” est vraie si “r est un multiple de 6”. Cela ´etant, on a “¬(R et S)” = “¬R ou ¬S” et “¬(R ou S)” = “¬R et ¬S”. b) “R ⇒ S” qui se lit “R implique S” est la relation “R ⇒ S” = “S ou ¬R”. Elle exprime que si R est vrai, alors S est vrai. c) “R ⇔ S” qui se lit “R si et seulement si S” est la relation “R ⇔ S” = “R ⇒ S et S ⇒ R”. 1.3. Ensembles 3 1.3 Ensembles 1.3.1 D´efinition En ce qui concerne les ensembles, nous allons recourir `a la “th´eorie na¨ıve des ensembles”. Le point de vue na¨ıf consiste `a introduire la notion d’ensemble de mani`ere vague, puis d’en donner les propri´et´es sans d´emonstration. Cette mani`ere vague peut d´efinir un ensemble comme ´etant une notion fondamentale qui jouit de propri´et´es particuli`eres ou comme ´etant la collection des ˆetres math´ematiques qui v´erifient une propri´et´e. (Remarquons de suite que cette deuxi`eme mani`ere de proc´eder n’est en aucune sorte une d´efinition: elle d´efinirait la notion “ensemble” par une autre “collection” qui n’a pas ´et´e d´efinie auparavant.) Cependant cette notion d’ensemble n’est pas que formelle; elle proc`ede en fait d’une base intuitive. Pour s’en assurer, il suffit de consid´erer l’ensemble des nombres r´eels, l’ensemble des nombres complexes, ... Un ensemble est d´etermin´e par ses ´el´ements qui sont donn´es indiff´eremment a) d’une mani`ere explicite, c’est-`a-dire par un symbole individuel tel que 1, 2, 3, ... b) par un symbole g´en´erique affect´e d’indices variant dans des ensembles: on trouve par exemple x , x , ... j j,k c) par un symbole g´en´erique seulement s’il n’est pas n´ecessaire de les distinguer. Un ensemble est donn´e indiff´eremment a) de mani`ere explicite en donnant la liste compl`ete de ses ´el´ements plac´es entre ac- colades et s´epar´es par un symbole appropri´e (tr`es souvent une virgule): par exemple {1,2,3}. Biensuˆr,cettemani`ereexplicitenepeutˆetreutilis´eequepourlesensembles “finis”; aussi on accepte´egalement de sugg´erer la liste des´el´ements de l’ensemble en recourant aux trois points de suspension. Ainsi, {a,b,...,z} repr´esente l’ensemble des lettres de l’alphabet et {1,2,3,...} repr´esente l’ensemble des nombres entiers sup´erieurs ou ´egaux `a 1. (Les trois points de suspension doivent ´evidemment avoir une signification claire.) Un singleton est un ensemble contenant un et un seul ´el´ement. Si a est cet ´el´ement, le singleton peut donc ˆetre not´e {a}. b) en pla¸cant entre accolades le symbole g´en´erique suivi d’un symbole appropri´e (tr`es souvent “:”) puis la propri´et´e qui caract´erise ses ´el´ements. On obtient de la sorte une formule du genre {x : P} qui se lit “ensemble des x tels que P”; c) par un symbole (g´en´eralement une lettre majuscule) s’il n’est pas n´ecessaire d’en d´etailler les ´el´ements. En particulier, certains symboles r´ef`erent `a des ensembles pr´ecis; on trouve notamment: N = ensemble des nombres entiers sup´erieurs ou ´egaux `a 0, N = ensemble des nombres entiers sup´erieurs ou ´egaux `a 1, 0 4 1. Th´eorie na¨ıve des ensembles Z = ensemble des nombres entiers positifs, nul ou n´egatifs, R = ensemble des nombres r´eels, Q = ensemble des nombres r´eels rationnels, C = ensemble des nombres complexes. 1.3.2 Relations entre ´el´ements et parties d’un ensemble Soit A un ensemble. a) Appartenance. Nous ´ecrivons a ∈ A pour signaler que a est un ´el´ement de A. La formule a ∈ A se lit “a est un ´el´ement de A” ou “a appartient `a A”. On trouve aussi l’´ecriture A 3 a qui se lit “A contient a”. Si a n’est pas´el´ement de A, nous´ecrivons a 6∈ A, ce qui se lit “a n’est pas ´el´ement de A” ou “a n’appartient pas `a A”. On trouve aussi A 63 a qui se lit “A ne contient pas a”. b) Inclusion. Si B est un ensemble, nous ´ecrivons B ⊂ A pour signaler que tout ´el´ement de B appartient `a A. La formule B ⊂ A se lit “B est inclus dans A” ou “B est un sous-ensemble de A” ou “B est une partie de A”. On trouve aussi la notation A ⊃ B qui se lit “A contient B”. Sinon nous ´ecrivons B 6⊂ A, ce qui se lit “B n’est pas inclus dans A”. c) Egalit´e. Si a et b sont deux ´el´ements de A, nous ´ecrivons a = b pour signaler qu’il s’agit du mˆeme ´el´ement. La formule a = b se lit “a est ´egal `a b”. De mˆeme, si A et B sont des ensembles, nous ´ecrivons A = B si tout ´el´ement de A est ´el´ement de B et inversement. Cette notation A = B se lit “A est ´egal `a B”. Elle a donc lieu si et seulement si on a A ⊂ B et B ⊂ A. Si a, b d´esignent deux ´el´ements distincts de A, nous ´ecrivons a 6= b, ce qui se lit “a diff`ere de b”. Si les ensembles A, B ne sont pas ´egaux, nous ´ecrivons A 6= B, ce qui se lit “A diff`ere de B” ou “A n’est pas ´egal `a B”. d)Ensemble vide. ToutensembleAcontienttrivialementdeuxparties,`asavoir A lui-mˆeme et l’ensemble vide, not´e ∅, ensemble conventionnel qui ne contient pas d’´el´ement. e)Ensemble des parties. Etantdonn´eunensembleA, ℘(A)d´esignel’ensemble des parties de A. 1.3.3 Ensembles associ´es `a des ensembles A des parties A et B de l’ensemble X, on associe les parties suivantes de X. a)Union. L’union A∪B de A et B estl’ensembledes´el´ementsquiappartiennent `a A ou `a B, c’est-`a-dire `a l’un au moins des ensembles A, B. La notation A∪B se lit “A union B”.
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