ALGÈBRE COMMUTATIVE Coursàl’UniversitédeRennes1(2006–2007) Antoine Chambert-Loir AntoineChambert-Loir IRMAR,UniversitédeRennes1,CampusdeBeaulieu,35042RennesCedex. E-mail:[email protected] Url:http://perso.univ-rennes1.fr/antoine.chambert-loir Versiondu9octobre2006 LaversionlaplusàjourestdisponiblesurleWebàl’adressehttp://perso.univ-rennes.fr/ antoine.chambert-loir/2006-07/g1/ Mais je ne m’arrête point à expliquer ceci plus en détail, à cause que je vous ôterais le plaisir de l’apprendre par vous-même, et l’utilité de cultivervotreespritenvousexerçant... RenéDescartes(1596-1659) TABLE DES MATIÈRES 1. Anneaux,idéaux,algèbres................................................. 1 §1.1. Premièresdéfinitions................................................. 1 §1.2. Élémentssimplifiables,inversibles;anneauxàdivision.................. 6 §1.3. Idéaux............................................................... 12 §1.4. Algèbres;polynômes................................................. 17 §1.5. Anneauxquotients.................................................... 23 §1.6. Anneauxdefractions(cascommutatif)................................. 29 §1.7. Idéauxmaximaux..................................................... 39 §1.8. Anneauxprincipaux,anneauxeuclidiens............................... 45 §1.9. Anneauxfactoriels.................................................... 47 §1.10. Factorialitédesanneauxdepolynômes............................... 53 2. Modules.................................................................. 59 §2.1. Premierspas......................................................... 59 §2.2. Opérationssurlesmodules............................................ 64 §2.3. Quotientsdemodules................................................. 69 §2.4. Générateurs,bases;moduleslibres,modulesdetypefini................ 72 §2.5. Espacesvectoriels.................................................... 77 §2.6. Localisationdesmodules(casd’unanneaucommutatif)................ 82 §2.7. Longueur............................................................ 85 §2.8. Opérationsélémentairessurlesmatrices............................... 91 §2.9. Modulesdetypefinisurunanneauprincipal........................... 98 §2.10. Application:Groupesabéliensdetypefini............................103 §2.11. Application:Endomorphismesd’unespacevectorieldedimensionfinie 105 §2.12. Modulesetanneauxnoethériens.....................................109 Appendice...................................................................117 §A.1. LethéorèmedeCantor-Bernstein......................................117 §A.2. LelemmedeZorn....................................................117 §A.3. Lelangagedescatégories.............................................119 Index........................................................................121 CHAPITRE 1 ANNEAUX, IDÉAUX, ALGÈBRES Cechapitreintroduitlesnotionsd’anneauxetd’idéaux.Cesdeuxnotionsforma- lisentlesméthodesdecalculbienconnuesaveclesnombresentiersoulesmatrices: on dispose d’une addition, d’une multiplication, de deux symboles 0 et 1 et des règlesdecalculusuelles. §1.1. Premièresdéfinitions DÉFINITION 1.1.1. — OnappelleanneauungroupeabélienAnotéadditivementmuni d’uneloidemultiplication A×A→A,(a,b)7→ab vérifiantlespropriétéssuivantes: – ilexisteunélément1∈Atelquepourtouta∈A,1a=a1=a (élémentneutrepour lamultiplication); – pourtousa,b etc dans A,(ab)c=a(bc)(associative); – pourtousa,b etc dans A,a(b+c)=ab+ac et(b+c)a=ba+ca (distributivitéde lamultiplicationsurl’addition). Onditquel’anneau Aestcommutatifsideplus – pourtousa etb dans A,ab=ba (commutativité). > Comme exemples évidents d’anneaux commutatifs, citons Z, Z/nZ pour n 1, les corpsQ,R,C,l’anneauK[X]despolynômesàuneindéterminéeàcoefficientsdansun corps (voire un anneau commutatif) K. Si A est un anneau, l’ensemble des fonctions d’un ensemble S dans un anneau A muni des lois évidentes ((f +g)(s) = f(s)+g(s) et(f g)(s)= f(s)g(s))estunanneau.L’ensembledesfonctionscontinuesd’unespace topologique dans R est un anneau, de même l’ensemble des fonctions de classe Ck d’unouvertdeRn dansRouC(k∈N∪{∞}). Voicidesexemplesnoncommutatifsbienconnus: Exemples1.1.2. — a)Soit AunanneauetsoitM (A)l’ensembledesmatrices n×n à n coefficientsdans Amunidesrèglesdecalculhabituelles:lasommededeuxmatrices 2 CHAPITRE1.ANNEAUX,IDÉAUX,ALGÈBRES est obtenue en ajoutantterme àterme, le produit desmatrices P =(p ) etQ =(q ) i,j i,j estlamatriceR=(r )dontleterme(i,j)estdonnépar i,j n X r = p q . i,j i,k k,j k=1 > Sin 2,ousi An’estpascommutatif,l’anneauM (A)n’estpascommutatif. n b)SiK estuncorps(pourl’instantcommutatif),l’ensembleEnd (V)desendomor- K > phismesd’unK-espacevectorielV estunanneau,noncommutatifdèsquedimV 2. Enfait,End (V)estaussiunK-espacevectorieletsamultiplicationestK-linéaire.On K ditquec’estuneK-algèbre. c) SoitG un groupe abélien. Si ϕ et ψ sont deux endomorphismes deG, l’applica- tiong 7→ϕ(g)+ψ(g)estencoreunendomorphismedeG qu’onnoteϕ+ψ;celamunit End(G) d’une structure de groupe commutatif, d’élément neutre l’application g 7→0. La composition des endomorphismes (ϕ,ψ)7→ϕ◦ψ est une loi associative et distri- butiveparrapportàl’addition;l’applicationidentiquedeG enestunélémentneutre. Cesloismunisentainsil’ensembleEnd(G)desendomorphismesdugroupeabélienG d’unstructured’anneau. Voiciunexempleunpeumoinsconnu. Exemple1.1.3. — Soit A un anneau et soit G un groupe. Le groupe abélien A(G) des fonctionsdeG dans Adesupportfiniestmunid’unproduitdeconvolutiondéfinipar laformule (ϕ∗ψ)(g)= X ϕ(h)ψ(h−1g). h∈G Le produit de convolution est bien défini : la somme est finie, et la convolée de deux fonctions de support fini est encore de support fini. En outre, le produit de convolu- tionestassociatif,l’élémentneutreestlafonction(«deDirac»)quivaut1enl’élément neutredeG et0ailleurs.Celamunit A(G) d’unestructured’anneau.Surtoutlorsque A estunanneaucommutatif,onl’appellel’algèbredugroupeG (àcoefficientsdans A). Lesaxiomesdesanneauxpermettentuncalculanalogueàceluidontonal’habitude danslesentiersoulesmatrices.Sia estunélémentd’unanneau Aetsin estunentier positifounul,ondéfinitan parrécurrenceenposanta0=1et,sin>1,an =a(an−1). On prendra garde que anbn et (ab)n sont en général distincts, à moins que a et b ne commutent,c’est-à-direquel’onaitab=ba. PROPOSITION 1.1.4(Formuledubinôme). — Soit A un anneau, soit a et b des élé- mentsde Atelsqueab=ba.Alors,pourtoutentiern>0, ˆ ! (a+b)n= Xn n akbn−k. k k=0 §1.1.PREMIÈRESDÉFINITIONS 3 Démonstration. — La démonstration, standard, procède par récurrence sur n. Pour n=0,lesdeuxmembresvalent1.Supposonslaformulevraiepourn,alors ˆ ! (a+b)n+1=(a+b)(a+b)n=(a+b)Xn n akbn−k k k=0 ˆ ! ˆ ! = Xn n ak+1bn−k+ Xn n bakbn−k k k k=0 k=0 ˆ ! ˆ ! = Xn n ak+1bn−k+ Xn n akbn+1−k k k k=0 k=0 ˆ ! ˆ ! =nX+1 n akbn+1−k+ Xn n akbn+1−k k−1 k k=1 k=0 ˆˆ ! ˆ !! =nX+1 n + n akbn+1−k k−1 k k=0 ˆ ! =nX+1 n+1 akbn+1−k k k=0 puisque¡n¢+¡ n ¢=¡n+1¢pourtoutcoupled’entiers(n,k).Celaconclutladémonstra- k k−1 k tionparrécurrencesurn. Un sous-anneau B d’un anneau A est un sous-groupe de A pour l’addition qui contient 1 et est stable par la multiplication, de sorte que muni des lois induites par lesloisde A,B estunanneaudontlesélémentsneutressontencore0et1. L’intersection d’une famille de sous-anneaux d’un anneau A est un sous-anneau de A. Soit AunanneauetS unepartiede A.L’intersectiondetouslessous-anneauxde A quicontiennentSestunsous-anneaudeAqu’onappellelesous-anneaudeAengendré par S. Si S est de la forme B∪T où B est un sous-anneau de A, on note aussi B[T] le sous-anneau de A engendré par S. Si les éléments de T commutent deux à deux, le sous-anneauengendréparT dans Aestcommutatif. Soit Aunanneau.L’ensembleZ desélémentsa∈Atelsqueax=xa pourtoutx∈A estunsous-anneaucommutatif de A,appelécentrede A. DÉFINITION 1.1.5. — Soit A et B deux anneaux. Un homomorphisme d’anneaux f : A→B estuneapplicationvérifiantlespropriétéssuivantes – ona f(0)=0et f(1)=1; – pourtousa etb dans A,ona f(a+b)= f(a)+f(b)et f(ab)= f(a)f(b). Le mot morphisme est un synonyme pour homomorphisme. Un endomorphisme d’unanneau Aestunhomomorphismede Adans A.Si Aestunanneau,l’application 4 CHAPITRE1.ANNEAUX,IDÉAUX,ALGÈBRES identiqueid : A→Aestunhomomorphismed’anneaux.Lacompositiondedeuxho- A momorphismesd’anneauxestencoreunhomomorphismed’anneaux.Celapermetde définirlacatégoriedesanneaux. Conformément aux définitions de théorie des catégories, on dit qu’un homomor- phismed’anneaux f : A→Bestunisomorphismes’ilexisteunhomomorphismed’an- neaux g: B → A tel que f ◦g = id et g ◦ f = id . Le morphisme g est alors appelé B A ∼ homomorphisme réciproque de f. On note f : A−→B pour signifier que l’homomor- phisme f : A→Bestunisomorphisme;siAetBsontisomorphes,c’est-à-dires’ilexiste ∼ unisomorphisme A−→B,onécrit A’B.Si Aestunanneau,unautomorphisme de A estunisomorphismede Asur A.L’ensembledesautomorphismesd’unanneauestun groupepourlacomposition. PROPOSITION 1.1.6. — Un homomorphisme d’anneaux est un isomorphisme si et seulementsiilestbijectif. Démonstration. — Si f : A → B est un isomorphisme, son homomorphisme réci- proque est en particulier une bijection réciproque de f, donc f est bijectif. Récipro- quement,supposonsque f estbijectifetnotonsg sabijectionréciproque.Ilnousfaut alorsprouverqueg estunhomomorphismed’anneauxdeB dans A. Comme f(0)=0,g(0)=0.Sia etb∈B, f(g(a+b))=a+b= f(g(a))+f(g(b))= f(g(a)+g(b)) et f(g(ab))=ab= f(g(a))f(g(b))= f(g(a)g(b)). Comme f estbijectif,g(a+b)=g(a)+g(b)etg(ab)=g(a)g(b). Exemples1.1.7. — a) Soit A un anneau et soit a un élément de A qui est inversible, c’est-à-dire qu’il existe un élément b ∈ A tel que ab = ba = 1. Alors, l’application x7→axbestunautomorphismedeA,appeléautomorphismeintérieur.Toutautomor- phismedeM (C)estunautomorphismeintérieur(exercice8). n b)SoitA=C[X ,...,X ]l’anneaudespolynômesennvariablesàcoefficientsdansC. 1 n Soit Q ,...,Q des éléments de A. L’application de A dans lui-même qui à un poly- 1 n nôme P associe le polynôme P(Q ,...,Q ) dans laquel on substitue le polynôme Q 1 n i à l’indéterminée X est un endomorphisme d’anneaux. Soit σ une permutation i de {1,...,n} et choisissonsQi =Xσ(i); notons Φσ l’endomorphisme de A ainsi défini. OnaΦστ(Xi)=Xσ(τ(i))=Φσ(Xτ(i))=Φσ(Φτ(Xi));onendéduitqueΦστ(P)=Φσ◦Φτ(P) pourtoutpolynômeP ∈A.Parsuite,l’applicationσ7→Φσ estunhomomorphismede groupesdugroupesymétriqueS dansAut(C[X ,...,X ]). n 1 n Si f :A→Bestunhomomorphismed’anneaux,l’image f(A)deApar f estunsous- anneaudeB.L’imageréciproque f−1(C)d’unsous-anneauC deB estunsous-anneau de A.
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