Les relations entre l’État et les collectivités locales Rapport du groupe de travail Présidé par Alain LAMBERT Décembre 2007 SOMMAIRE Introduction I. La clarification des compétences 1. Etat des lieux 2. Deux pistes de clarification a) clarifier les compétences sur des politiques d’ores et déjà bien identifiées par le législateur b) confier aux départements et aux régions des compétences spéciales à la place de la clause générale de compétence 3. La mutualisation des services communaux et intercommunaux est devenue une nécessité 4. La clarification des missions et de l’organisation de l’Etat territorial a) l’identification de ses services autour d’un seul responsable b) la déconcentration des responsabilités c) ses fonctions d’arbitrage-contrôle et ses fonctions d’impulsion et d’intervention II. L’allègement des contraintes normatives 1. Etat des lieux a) les normes techniques b) l’activité législative et réglementaire de l’Etat c) des contraintes non évaluées et coûteuses 2. Propositions et recommandations a) la consultation des collectivités locales sur la production règlementaire de l’Etat b) l’association des collectivités locales aux processus de décisions communautaires c) l’examen du « stock » normatif d) le cas particulier du code des marchés publics e) l’association des collectivités locales aux processus de normalisations professionnelles f) la régulation des règlements techniques des fédérations sportives 3. Les modalités de décision et d’application des mesures concernant la fonction publique III. La clarification des relations financières 1. Etat des lieux a) l’identification des éléments les plus significatifs de la progression des dépenses locales b) les principaux motifs de cette évolution : des responsabilités partagées c) la structure actuelle des relations financières Etat-collectivités locales ne favorise pas la maîtrise de la dépense locale d) les défauts de la fiscalité locale 2. Propositions et recommandations a) de la nécessité d’une approche globale de la dépense publique b) les pistes pour une maîtrise par les collectivités locales de leurs dépenses c) l’accompagnement d’une moindre évolution des concours de l’Etat d) la piste de la responsabilisation fiscale Conclusion 2 Introduction La révision générale des politiques publiques ne pouvait ignorer les collectivités locales dont les dépenses publiques représentent la moitié de celles de l’Etat soit 20 % des dépenses publiques totales et plus des deux tiers de l’investissement civil national. Le Premier ministre a fixé au groupe de travail trois thèmes d’examen : la clarification des compétences, l’allègement des contraintes normatives et les relations financières. Il ne s’agit donc pas d’un passage en revue générale de l’action des collectivités locales, ni d’un bilan de la décentralisation et de son « acte 2 ». Les rapports abondent sur tous les sujets, qu’ils émanent du Parlement, des corps d’inspection ou de personnalités qualifiées et il en a été pris connaissance. Le lien entre les trois questions est serré : l’enchevêtrement des compétences et la contractualisation polymorphe qui s’en suit ont sans nul doute un coût élevé et entravent l’efficacité des politiques publiques. Il en va de même de la complexité des normes, même si leur nombre excessif ne tient pas seulement à la mauvaise organisation des compétences. Or, des économies sur les dépenses sont indispensables puisque l’effort financier de l’Etat en direction des collectivités et la pression fiscale locale ne sont plus soutenables. Evidemment, l’existence de « quatre niveaux » d’administration locale, auxquels s’ajoute l’administration territoriale de l’Etat, n’est pas étrangère à la situation. Pour autant, le groupe a écarté et s’est épargné un débat sur les solutions institutionnelles qui lui ont semblé pour l’instant hors de portée. Il a préféré rechercher les marges de manœuvre permettant à l’Etat et aux collectivités locales d’engager un effort de rationalisation. Dans le délai imparti, le groupe de travail, associant les trois grandes associations d’élus, des personnalités qualifiées et les principaux directeurs d’administrations centrales concernées, a pu se réunir cinq fois. Le Président a auditionné tous ceux qui le souhaitaient et les rapporteurs ont rencontré tous les responsables des groupes d’audit des politiques publiques concernant de près ou de loin les collectivités locales. Le Gouvernement ayant clairement annoncé une pause dans les transferts de compétences, le présent rapport ne prépare donc pas un « acte 3 » de la décentralisation. Il vise à réunir un consensus sur le diagnostic et les pistes de solution, sans contrainte d’horizon temporel. Il s’attache aux principes qui pourraient soutenir les réformes nécessaires, dont le programme et le rythme relèvent de la Conférence des exécutifs récemment installée par le Premier ministre. 3 I. La clarificationdes compétences 1. L’état deslieux La quasi-totalité des politiques publiques fait l’objet d’intervention et de financement à la fois des collectivités locales et de l’Etat, voire d’autres acteurs publics (administrations de sécurité sociale, établissements publics, agences…). Sous réserve de correspondances précises de périmètres, les partages de financement sur quelques politiques agrégées illustrent ce phénomène : répartition du financement public par grandes dépense dépense dépense autres financeurs politiques (2007) collectivités budgétaire fiscale publics (ASSO, locales Etat UE, ODAC) Action sociale / insertion 45% 17% 7% 32% Handicap et dépendance 20% 18% 9% 53% Formation professionnelle * 52% 27% 8% 13% Ville, logement et développement urbain 49% 18% 20% 12% Transports 53% 37% 10% aides aux entreprises 13% 13% 64% 10% Famille 7% 0,3% 25% 67% environnement 97% 3% Sécurité civile 85% 15% Sécurité intérieure 22% 78% enseignement scolaire 30% 70% Culture, jeunesse et sport 90% 10% * hors financement des employeurs Au-delà de cette approche budgétaire et agrégée, différents types d’enchevêtrements de compétences et de financements entre chaque niveau d’administration sont présentés en fiches annexes sous forme de schémas. Selon le cadre juridique applicable et la capacité collective à définir précisément les compétences de chacun, les compétences peuvent être conjointes (co-détenues par plusieurs titulaires), partagées (fractionnées entre plusieurs titulaires), parallèles (reconnues à plusieurs titulaires) ou concurrentes (revendiquées par plusieurs titulaires). La coopération est devenue une nécessité, la codécision souvent la règle avec, en corollaire, un usage massif du contrat et des cofinancements, au point qu’on a pu parler de « dictature du partenariat ». Les conséquences néfastes sont relevées par tous les rapports, ceux des corps d’inspection comme ceux du Parlement : - une « comitologie », nationale, régionale et départementale foisonnante, - des pertes de temps considérables, avant la décision comme dans la mise en œuvre, qui ralentissent l’action publique, - une inflation de la dépense publique liée autant aux doublons de structure (lesquels n’ont encore jamais été systématiquement inventoriés et chiffrés) qu’à la contractualisation qui n’est pas, contrairement à une idée répandue, un régulateur de la dépense, - une confusion des responsabilités qui handicape la relation du citoyen-contribuable- usager du service public avec ses élus, locaux et nationaux. 4 Les racines du mal sont de plusieurs ordres : - En droit, au-delà des lois de décentralisation, la clause générale de compétence des collectivités locales leur permet de régler les « affaires de leur compétence » sans qu’une définition précise et limitative en existe. Les collectivités peuvent donc intervenir, sous le contrôle du juge, dans tout domaine, sur la base de l’intérêt public local et dès lors que la compétence n’est pas dévolue par les textes à une autre personne publique. - Toujours en droit, l’Etat reste compétent pour tout : ni la Constitution, ni la loi ne listent ses compétences, sauf a contrario de celles qu’il a confiées par la loi aux collectivités locales. - Dans les faits, les collectivités locales exploitent largement la clause générale pour des interventions extra légales et sur les compétences dont la loi a confié la responsabilité à d’autres niveaux. De son côté, l’Etat conserve souvent beaucoup plus qu’un simple rôle normatif ou de contrôle et maintient des structures ou des dispositifs d’intervention dans les champs décentralisés et conçoit ou annonce des mesures qui seront appliquées par les collectivités. En témoigne le maintien de services « doublons » de ceux des collectivités après l’ « acte 1 » comme après l’ « acte 2 ». Et il sollicite en outre les collectivités sur ses propres compétences pour des cofinancements qui retardent la décision publique. - Les lois de décentralisation ont fixé un cadre uniforme quels que soient les territoires concernés, très faiblement peuplés (là où quatre ou cinq « niveaux » d’administrations sont un luxe inefficace) ou fortement structurés par une agglomération (dont l’Epci ne dispose pas de tous les leviers d’action). - Il est en pratique très difficile de tracer des contours stricts autour de chaque compétence (quelle étanchéité entre insertion et formation professionnelle, comment séparer formation professionnelle, emploi et développement économique ?). Un « jardin à la française » par application de la théorie des blocs de compétences est hors de portée dès lors que les départements et les régions conservent la clause générale de compétence et dès lors que l’Etat doit conserver, quand c’est légitime, une responsabilité majeure. Pour faciliter la réflexion, il est proposé trois principes simples de méthode : - ne pas raisonner à partir de chaque niveau d’administration locale mais à partir des politiques publiques, en cherchant à adapter la réponse à la bonne échelle ainsi qu’aux capacités de mutualisation des coûts administratifs et des ressources humaines ; - pour chaque politique publique, raisonner par fonction plutôt que par matière. S’agit-il de confier une capacité de prescription ou une capacité d’opérateur ? - pour chaque politique publique, l’Etat doit définir son rôle et les audits en cours ont précisément pour objet de le repositionner. Autoriser et interdire, fixer un cadre, c’est bien l’affaire de l’Etat. Ordonner, dans le champ des politiques décentralisées, appelle une clarification majeure . . 5 2. Deux pistesdeclarification a) Une première option consiste à clarifier les compétences sur des politiques d’ores et déjà bien identifiées par le législateur en matière : - de solidarité et action sociale (fiches n°1 et 2 en annexe) - de formation professionnelle (fiche n°3) - d’action économique et de développement des entreprises - d’éducation (fiche n°4) - d’aménagement des territoires Dans les deux premiers domaines, les départements, pour l’action sociale et l’insertion, et les régions, pour la formation professionnelle, sont désormais les niveaux de compétences historiques et toute remise en cause de cette situation engendrerait des coûts de réorganisation significatifs. Les pistes de réflexions visent donc plutôt à unifier et conforter les compétences : suppression des dispositifs Etat redondants (FIPJ), transfert des financements additionnels (réseau d’accueil), transferts de compétences résiduelles au profit du détenteur de la compétence principale (CHRS, ESAT, VAE, insertion des non-rmistes…), application du principe « décideur-payeur » (AAH). Sur ces ajustements qui ne rencontrent pas tous son accord, l’Association des Départements de France se dit prête à la négociation. Pour l’action économique et le développement des entreprises, le compromis trouvé en 2004 n’est pas satisfaisant, non pas tant que l’Etat ait souhaité garder quelques modestes outils d’intervention, mais parce que le développement économique est aussi bien d’intérêt local que national. C’est le caractère insuffisamment prescriptif du schéma régional qui semble être en cause. Une affirmation de celui-ci dans le cadre d’une réflexion sur la clause générale est à envisager. En ce qui concerne l’éducation, sont possibles des clarifications ponctuelles sur les bourses et aides sociales, l’accompagnement éducatif, l’action sociale et la médecine scolaire, l’encadrement fonctionnel et hiérarchique des Tos. Mais la difficulté majeure provient du partage de compétence sur la carte des implantations scolaires qui induit une déresponsabilisation des décideurs. Sans envisager une recentralisation complète ou une décentralisation totale, la question d’un regroupement de la responsabilité des collèges et lycées peut se poser, en la confiant soit aux départements, soit aux régions, pour simplifier le co-pilotage avec l’Etat. Dans cette hypothèse, une majorité s’est dégagée pour l’attribution des lycées aux départements. Quant à l’aménagement du territoire et la politique de la ville, deux questions principales sont à résoudre : - entre les collectivités elles-mêmes : les outils de planification (SRADT – SCOT – PLU et PLH-PDU) doivent être vraiment compatibles, c’est-à-dire prescriptifs et le préfet exercer le contrôle de légalité si nécessaire. - entre l’Etat et les collectivités, peut-on tracer une ligne claire entre ce qui relève de l’aménagement local du territoire et les grands projets d’intérêt national ? L’Etat peut maintenir des outils d’intervention pour conserver une capacité d’impulsion (politique de la ville) quand les collectivités sont passives ou rivales. Mais il doit être plus sélectif, réduire les zonages privilégiés, être plus exigeant sur la pertinence et la soutenabilité des projets d’équipements, en zones urbaine, périurbaine et rurale. 6 Dans le cas de la politique de la ville, au-delà de la coordination des investissements (ANRU), l’Etat devrait concentrer d’abord ses efforts sur ses propres services publics dans les quartiers en difficulté, avec ses meilleurs policiers et ses meilleurs enseignants, plutôt que de subventionner lui-même le secteur associatif dont l’échelle est celle de la commune. Et il pourrait revenir aux grandes villes et à leur intercommunalité d’exercer les compétences du département en matière d’action sociale. b) Une deuxième option viserait à confier aux départements et aux régions des compétences spéciales à la place de la clause générale de compétence. Plus ambitieuse mais garantissant une vraie clarification des compétences, cette option suppose que : -les départements et régions interviennent sur un domaine limitatif de compétences ; -dans ces domaines, leur compétence soit exclusive ou, par exception, clairement partagée avec une seule autre personne publique ; -leurs compétences soient prescriptives, et donc opposables aux autres niveaux, y compris aux interventions éventuelles de l’Etat. C’est un moyen de donner corps au principe désormais constitutionnel de « chef de file ». Par exemple, on sait que les départements et les communes (et leurs EPCI) doivent exercer ensemble tout ou partie de certaines compétences d’action sociale et de solidarité. Le système d’appel à compétences, imaginé dans la loi du 13 août 2004, est plutôt un échec et n’a pas mis fin aux doublons que constituent les CCAS, les CIAS et les services territoriaux des départements. Si le schéma sanitaire et social du département était prescriptif, la coordination deviendrait une obligation. Certains domaines resteraient ouverts à tous les niveaux, si les compétences spéciales le justifient, par exemple pour les équipements sportifs et culturels. Ainsi, sur le modèle de la délégation communale aux intercommunalités qui distingue les compétences obligatoires et facultatives, le législateur confierait aux départements et aux régions des compétences obligatoires exercées de façon exclusive ou limitativement partagées. Ensuite, la liste des compétences facultatives ouvrirait un choix, exercé par délibérations exprès, en début de mandat. Dans le cas des compétences encore partagées, certaines propositions récentes peuvent être expérimentées, même si leur mise en œuvre est complexe : - l’application d’un principe de limitation à deux personnes publiques comme intervenant direct (Rapport de Michel Piron) : le niveau communal n’est subventionné que par le département ou la région, jamais les deux ; - l’obligation pour le maître d’ouvrage de financer au moins 50 % du projet (Rapport de Pierre Richard), selon le principe « qui décide, paie ». Sur cette option, l’Association des Départements de France exprime des réserves et son attachement à la clause de compétence générale, tout en se montrant favorable au caractère prescriptif des schémas départementaux. L’Association des Régions de France est favorable à la notion de compétences spéciales et prescriptives qu’elle souhaite voir appliquer notamment à l’action économique et au service public de l’emploi. Quant aux aides à l’innovation, les régions sont prêtes à augmenter leur effort pour porter la compétitivité au niveau de nos voisins européens. 7 Cette option pourrait être expérimentée, sans texte, dès 2008 dans deux ou trois régions, afin d’en vérifier la faisabilité, avant éventuellement de l’introduire dans une loi organique. Les trois associations se disent prêtes à en débattre entre elles pour en vérifier la pertinence. Elle pourrait être mise en œuvre par le législateur dans le champ des politiques de solidarité qui semble devoir faire exception à la règle de la pause des transferts de compétences. Le groupe de travail considère en effet que l’ampleur des enjeux et la complexité du système actuel appellent une clarification à court terme. L’application de la loi Handicap, les charges croissantes sur la dépendance, le chantier du « revenu de solidarité active » et du regroupement des minima sociaux méritent une grande réorganisation des compétences, pour structurer des politiques publiques à l’étroit dans le cadre institutionnel posé par les lois Deferre. Les départements ont fait leur preuve et resteront le pivot de cette politique. Encore faut-il organiser leur coordination avec les autres personnes publiques en charge (Etat, CAF, CNSA, communes et EPCI, CCAS et CIAS). 3. La mutualisation des services communaux et intercommunaux est devenue une nécessité Le succès de l’intercommunalité depuis quinze ans n’est pas dû qu’aux effets d’aubaine. Elle a permis de sauver l’action publique des petites communes rurales et de structurer le développement en zone urbaine – à l’exception de la petite couronne parisienne. Elle a organisé le partage des charges de centralité qui pesaient exclusivement sur la ville ou le bourg-centre. Ce succès est aussi celui de la souplesse, avec plusieurs types de structures, adaptés aux diverses nécessités territoriales. Ce mouvement doit être consolidé puisque c’est l’avenir des communes et qu’il apporte de la cohérence dans les politiques publiques. Néanmoins, les communes n’ont pas tiré toutes les conséquences de leur engagement. Leurs dépenses continuent d’augmenter alors que celles des EPCI explosent. Ces dernières correspondent grosso modo d’une part à un effet de rattrapage, dans le domaine de l’environnement surtout (déchets, assainissement) où les contraintes législatives et réglementaires ont augmenté et, d’autre part, à de nouveaux services rendus (développement économique, transports collectifs, équipements culturels et sportifs notamment). La satisfaction des demandes de services des « rurbains » est un élément nouveau et pèse sur les communes rurales. Mais ces dépenses correspondent aussi à des recrutements de personnels opérés en lieu et place de transferts de personnels communaux, pourtant recommandés et autorisés. Il appartient maintenant aux communes de procéder aux nécessaires économies d’échelle : - en unifiant les services supports communs (administration générale, ingénierie, expertise juridique), - en partageant les services opérationnels et les interventions selon les lignes tracées par la définition de l’intérêt communautaire. Il convient de lever les obstacles à cette mutualisation qui est vivement souhaitée. Elle devrait permettre aux communes de maîtriser leur dépense d’investissement et leur masse salariale. Une modulation des dotations communale et intercommunale doit être imaginée pour encourager ce mouvement, au moyen d’un coefficient d’intégration budgétaire, avant de globaliser les concours de l’Etat dans une DGF territoriale unique, de façon expérimentale avec les collectivités volontaires. 8 Parallèlement, afin de donner la légitimité démocratique qui manque encore aux EPCI, le suffrage universel devrait pouvoir se prononcer en 2014, lors du scrutin municipal suivant. Afin de laisser aux communes le contrôle de leur engagement intercommunal, ses modalités devront préserver la circonscription communale et instituer une double désignation des conseillers municipaux et intercommunaux et en tenant compte du mode de scrutin particulier des petites communes Par ailleurs, les règles de l’unanimité devront être délaissées au profit de celles de la majorité qualifiée ou simple. Le groupe de travail s’interroge sur l’élection du Président de l’exécutif intercommunal au suffrage universel qui serait un cas unique (à l’exception de l’élection présidentielle) et ne garantirait en rien l’existence d’une majorité puisqu’il serait créé deux légitimités (celle du Président et celle des délégués communaux). Enfin, la rationalisation de la carte devra être achevée, sur décision des élus eux-mêmes, à l’invitation des préfets. Les fusions de communautés de communes doivent être encouragées et la réduction drastique des syndicats opérée. La formule du syndicat mixte, associant plusieurs « niveaux » d’administration, parfois constitué sans être réellement indispensable, pourrait être limitée à quelques exceptions techniques, au profit de conventions opérationnelles. Si les pays doivent rester un territoire cible des projets, ils n’ont pas vocation à devenir des structures de gestion ou des instruments de pouvoir ou de tutelle déguisée des régions et des départements. 4. La clarificationdesmissions et del’organisation del’Etat territorial Nul ne réclame un affaiblissement de l’Etat, bien au contraire. Dans notre République unitaire décentralisée, ce n’est pas une collectivité publique comme les autres et ses missions fondamentales ne sont pas discutables : garantir l’intérêt général et l’utilité publique, assurer le contrôle de l’application des lois et règlements. Mais les collectivités locales ne sont pas ses services déconcentrés. Elles souhaitent trouver sur le territoire un Etat bien identifié, responsable et stratège. Elles appellent de sa part trois clarifications : a) Une identification de ses services autour d’un seul responsable, à l’échelon départemental comme à l’échelon régional. Ce n’est pas tant l’existence de services déconcentrés qui est en cause que leur multiplicité et leur division, sources de ralentissement voire de contradictions dans l’action publique. Et la réorganisation doit aussi concerner les agences dont la prolifération récente est un facteur de complexité supplémentaire. Là où ses services n’ont pas la masse critique pour animer ou mettre en œuvre les politiques publiques, l’Etat doit le reconnaître et procéder aux fusions ou mutualisations nécessaires. Le choix des bonnes échelles (zone, région, département, arrondissement) lui appartient mais le groupe recommande d’éviter toute duplication, par domaine d’action publique ou par fonction : la responsabilité, soit la capacité de décider, du représentant de l’Etat doit être pleine là où elle s’exerce. b) Une déconcentration maximale des responsabilités d’exécution des textes nationaux et des directives ministérielles, à défaut de laquelle les préfets laissent les collectivités sans réponse qu’elles doivent alors chercher à Paris. Rappelons que l’immense majorité des fonctionnaires d’Etat sont dans les services déconcentrés où se trouvent donc les vraies marges de manœuvre pour une amélioration de l’efficacité et des services rendus. Les collectivités attendent un interlocuteur unique et qu’il réponde vite. 9 c) Une séparation claire, variable selon les politiques publiques, entre ses fonctions d’arbitrage et de contrôle et ses fonctions d’impulsion et d’intervention. L’arbitre ne peut pas jouer, le contrôleur s’autocontrôler. Le partage est naturel dans les matières régaliennes, l’ordre public, les sécurité publique, civile, sanitaire et environnementale, la gestion des crises, le contrôle à posteriori des délibérations. Le groupe de travail souhaite le maintien du contrôle de légalité, quitte à poursuivre son allègement et sa modernisation d’ores et déjà engagés : il protège les élus comme le citoyen et il tempère la judiciarisation de l’action publique. En direction des petites collectivités, l’Etat doit développer ses fonctions de conseil, assurer la pédagogie de la loi nouvelle. La difficulté réside dans les politiques publiques qui sont décentralisées et où l’Etat juge nécessaire le maintien de moyens d’intervention. Le groupe de travail ne recommande pas une réponse univoque. - Dans les politiques que le législateur a clairement confiées aux collectivités, l’abstention pourrait être la règle, sauf exception notamment en cas de carence avérée. A ce titre, le groupe de travail recommande la suppression des doublons qui subsistent depuis 1982 ou 2004 dans le champ des compétences transférées : des services ou des parties de services déconcentrés doivent être redéployés sur les missions de contrôle et d’évaluation. L’AMF réaffirme son attachement à certains soutiens de l’Etat (par exemple l’instruction des permis de construire dans les communes de moins de 10 000 habitants). - En revanche, il est des politiques publiques qui exigent une action forte de l’Etat au plan local, pour impulser ou coordonner : l’Etat doit alors préciser l’intérêt national pour circonscrire ses interventions sur les enjeux qui dépassent le niveau décentralisé. Ainsi, par exemple du domaine des transports, individuels et collectifs où le croisement des échelles, des modes et des usagers aboutit à un imbroglio des compétences inévitable sauf à tout recentraliser : le rail est partagé (Etat et « son »opérateur Sncf, régions), la route aussi (Etat, départements, communes et leurs Epci), l’aérien également, autant que la mer (ports, eaux internationales). Dans ces conditions, l’Etat doit intervenir pour réduire les coûts de transaction et coordonner des compétences partagées afin d’éviter des incohérences. Pour sa part, l’ARF souhaite que la responsabilité des plans de déplacements soit confiée aux régions. Il en est de même des politiques d’environnement où la loi a empilé des compétences et des outils sans désigner de responsable unique, même sur un segment (cf. les déchets). Si une loi d’orientation est envisagée pour organiser le développement durable, elle doit être l’occasion d’un clair partage des rôles. Le groupe de travail propose que l’Etat reste le responsable de l’utilité publique et l’arbitre des conflits d’usage de l’espace public, dans le respect des initiatives locales prises par chacun des niveaux de collectivités dans leurs champs de compétences. 10
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