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Ajustement et équité PDF

30 Pages·1992·0.083 MB·French
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CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L'OCDE CAHIER DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE N° 1 AJUSTEMENT ET ÉQUITÉ par Christian Morrisson • L'ajustement n'est pas synonyme d'aggravation de la pauvreté • Ajuster avant la crise permet d'en réduire les coûts sociaux • Le refus d'ajuster et la réduction forcée des importations conduisent à un sous- développement autocentré beaucoup plus coûteux socialement que l'ajustement • Le choix de mesures macroéconomiques pour stabiliser n'est pas neutre : on peut obtenir le même résultat à des coûts sociaux plus ou moins élevés • Plusieurs mesures d'ajustement structurel ont des effets sociaux favorables, mais d'autres, comme la remise en ordre des entreprises publiques, sont coûteuses • L'intervention des pays donneurs est indispensable pour compenser l'aggravation de la pauvreté liée aux mesures de stabilisation et aux licenciements dans les entreprises publiques CAHIER DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE N° 1 AJUSTEMENT ET ÉQUITÉ par Christian Morrisson © OCDE 1992 Cahiers de Politique Economique Du Centre de Développement Dans ses activités de recherche, le Centre s’efforce d’identifier les problèmes qui vont se poser à moyen terme et dont les implications sont d’un intérêt vital, tant pour les pays Membres de l’OCDE que pour les pays non membres. Ces travaux aboutissent naturellement à des publications et à des études qui exposent les résultats de ces recherches et proposent l’application de politiques relatives aux problèmes concernés. Les Cahiers de politique économique cherchent à présenter de manière succincte, claire et opportune, les conclusions et implications des travaux de recherche ; ils ont été conçus, entre autres, pour les responsables politiques qui n’ont peut-être pas l’occasion, ni le temps, de lire les études complètes. Leur objectif est de stimuler la réflexion et la discussion, permettant ainsi une meilleure compréhension des difficultés et la résolution de certains problèmes-clés. Les conséquences sociales des politiques d’ajustement font désormais l’objet de débats passionnés qui mènent souvent à des propositions contradictoires et non scientifiques. Dans ce premier numéro de la collection des Cahiers de politique économique, Christian Morrisson rassemble les conclusions de la recherche, entreprise par le Centre, sur l’ajustement et l’équité. Cette synthèse reprend de nombreux travaux qui associent l’élaboration de nouvelles approches à une analyse approfondie des problèmes, en se référant à des études de cas sur le terrain, effectuées dans sept pays. Table des matières La genèse de la crise............................................................................7 L’ajustement, réponse à la crise...........................................................9 Revenus et pauvreté pendant l’ajustement : à chaque pays son histoire..........................................................................................15 a) L’évolution de l’emploi...................................................................16 b) L’évolution des revenus..................................................................18 c) L’évolution du niveau de vie des ménages .....................................20 d) L’évolution de la pauvreté..............................................................24 Les illusions dangereuses du non-ajustement.....................................25 Les avantages de l’ajustement anticipé ...............................................28 Comment stabiliser au coût social minimum.......................................30 Avantages et coûts sociaux de l’ajustement structurel .......................34 Ce que peuvent faire les pays donneurs..............................................36 Le mot ajustement est condamné à l’impopularité par nature, parce qu’il fait penser à des restrictions. Prenons l’exemple le plus simple, celui d’une forte chute des recettes de l’État. On dira qu’il faut ajuster les dépenses aux recettes, ou plus brutalement, qu’il faut couper certaines dépenses. En revanche on ne parle jamais d’ajuster les dépenses en cas de hausses des recettes, cela se fait sans qu’on en parle et dans l’euphorie. Si cette impopularité s’est concentrée sur l’aspect social de l’ajustement, ce n’est pas par hasard. Dans le cadre contraignant d’accords avec le FMI, l’ajustement se traduit habituellement par une réduction importante du déficit extérieur et du déficit budgétaire. Comme le bien-fondé de ces objectifs, étant donné les graves déséquilibres extérieurs, est une évidence et comme ces objectifs sont souvent atteints, il est difficile de contester cet aspect économique de l’ajustement. En revanche, la réduction de la demande globale entraînée par les mesures d’ajustement se traduit par une augmentation du chômage et une baisse des salaires réels. Comme les gouvernements doivent réduire les déficits budgétaires excessifs, ils diminuent les dépenses pour l’éducation, la santé ou les aides sociales. Ainsi l’abandon de subventions aux produits alimentaires entraîne une hausse brutale du prix de biens essentiels pour les pauvres. Dans ces conditions la critique de l’ajustement porte pour l’essentiel sur ses coûts sociaux. Ceux qui attaquent cette politique soulignent le gonflement du chômage, la baisse des salaires et surtout l’aggravation de la pauvreté puisque les pauvres sont les plus touchés par le chômage, la hausse des prix des produits de base et la réduction des dépenses sociales. Cette aggravation provoque souvent des manifestations, voire des émeutes en ville, et l’ajustement est décrit comme la dernière calamité supportée par les pays en développement, ou plutôt imposée par les organisations internationales et les banques créancières au mépris des besoins essentiels de la population. Sujet technique au départ, l’ajustement devient alors un enjeu politique clé. Dans les pays démocratiques comme dans les pays autoritaires, pourvu qu’il existe un minimum de liberté de presse et d’expression, les conséquences sociales négatives de l’ajustement deviennent le cheval de bataille de l’opposition et le gouvernement se trouve pris entre deux feux : renoncer à l’ajustement et retomber dans des déséquilibres ingérables ou poursuivre et donner de nouvelles armes aux opposants. Même si l’on suppose que le gouvernement et la coalition d’intérêts qui le soutient se soucient fort peu de cette aggravation de la misère, il reste assuré que celle-ci a un coût politique, qu’il s’agisse d’explosions sociales dans les quartiers pauvres ou des nouvelles armes données aux partis d’opposition. Seules les dictatures qui interdisent toute liberté de presse et d’expression évitent ce coût. En raison de ces réactions politiques à l’ajustement, de nombreux gouvernements peuvent donc souhaiter minimiser les coûts humains de l’ajustement, même si les considérations sociales ne sont pas prioritaires pour eux. D’autre part, les donneurs, s’ils ont pour premier souci l’amélioration du niveau de vie des populations de ces pays, notamment des pauvres, sont sensibles à ces coûts sociaux d’autant plus qu’ils jouent par ailleurs un rôle dans la définition des politiques d’ajustement étant donné leur poids au sein du FMI. Ainsi le thème “ajustement et équité” n’est pas seulement un sujet scientifique de premier intérêt, c’est aussi un enjeu politique très important tant pour les gouvernements engagés dans l’ajustement que pour les pays donneurs. Ceci explique que le Centre de Développement de l’OCDE y ait consacré le projet “Programme d’ajustement et croissance dans l’équité” avec deux objectifs : évaluer les conséquences sociales réelles des programmes de stabilisation et chercher des moyens pour réduire leurs coûts. Cette évaluation paraît facile. Ne suffit-il pas de mesurer simplement l’évolution de diverses variables comme le taux de chômage, le salaire réel, le pourcentage de pauvres et leur revenu moyen ou les indicateurs sociaux comme le taux de mortalité infantile ou les différents taux de scolarisation ? Mais ces descriptions ne nous donnent pas de réponse car nous ignorons la part imputable pour chaque évolution aux mesures d’ajustement et celle imputable aux déséquilibres et à la crise antérieure. Le premier objectif consiste donc à tenter d’évaluer les coûts sociaux nets de l’ajustement, c’est-à-dire les coûts bruts observés, moins ce qui est imputable à la crise qui a précédé ; le second est de chercher à éviter les effets secondaires négatifs ou du moins de les minimiser, en concevant des programmes d’ajustement mieux adaptés. Pour atteindre ces objectifs une analyse contrefactuelle à l’aide d’un modèle s’est avérée indispensable parce que c’est le seul moyen qui permette de raisonner “toutes choses égales par ailleurs” ; ce modèle permet en effet d’estimer le coût social net d’une mesure d’ajustement, c’est-à-dire son effet en éliminant l’incidence des autres facteurs. D’autre part il permet d’estimer les conséquences économiques et sociales d’autres programmes d’ajustement afin de sélectionner les plus équitables. Le modèle, dans la version du Centre ou dans des versions proches, a été appliqué dans cinq pays : Côte d’Ivoire, Équateur, Indonésie, Malaisie et Maroc. De plus, deux autres pays, Chili et Ghana, ont fait l’objet d’étude détaillée de l’ajustement, mais sans qu’on puisse mettre en oeuvre un modèle. Mais avant de dresser un bilan des conséquences sociales de l’ajustement il nous faut rappeler la genèse et les conséquences de la situation de crise qui conduit à l’ajustement. La genèse de la crise Même si nous allons présenter une image simplifiée de cette genèse, il ne faut pas oublier la diversité des situations d’un pays à l’autre. Le fait que les circonstances de la crise varient beaucoup doit être pris en compte car les mêmes politiques d’ajustement ont des effets différents selon ces situations initiales. Pour s’exprimer simplement, voire en simplifiant, on peut dire que la crise est résultée de la conjonction, au début des années 80, de chocs extérieurs avec une situation intérieure plus ou moins fragilisée, comme l’indiquaient déjà certains déséquilibres. Au cours des années 70 la plupart des pays ont accumulé une dette extérieure de plus en plus lourde parce qu’ils ont financé une part croissante de leurs investissements par l’emprunt à l’étranger. Après quelques années de financement national grâce à des termes de l’échange favorables, les gouvernements ont maintenu des taux d’investissement très élevés malgré le renversement de ces termes. A l’intérieur, de nombreux groupes d’intérêts favorisaient l’expansion du secteur parapublic, premier bénéficiaire de ces investissements. D’autre part les banques étrangères offraient une masse considérable de capitaux (les pétrodollars qu’elles recyclaient) à des conditions très favorables pour les emprunteurs (taux d’intérêt réels faibles, voire négatifs). En raison de cet endettement, le paiement des intérêts allait de 6 à 18 pour cent des recettes d’exportation (excepté en Malaisie qui a emprunté seulement sur le marché intérieur et au Ghana qui ne pouvait plus emprunter depuis le début des années 70) et la dette étrangère représentait une année ou plus des recettes d’exportation. Comme ces pays ne pouvaient pas dégager un excédent commercial important, excepté l’Indonésie, mais souffraient souvent d’un déficit commercial, la balance du compte courant était nettement déficitaire (8 à 15 pour cent). Ainsi dès 1980 beaucoup de pays étaient déjà engagés dans le cercle vicieux de l’endettement, devant emprunter de plus en plus pour rembourser les intérêts de leur dette et continuer à investir. A ce déséquilibre extérieur étaient liés parfois le déficit budgétaire et l’inflation. Le déficit, lié en partie au paiement des intérêts, était important en Côte d’Ivoire, au Maroc et en Malaisie. Quant à l’inflation son taux était déjà élevé dans les deux pays latino-américains, au Ghana et en Indonésie. Les économies étant ainsi fragilisées, excepté la Malaisie peu endettée à l’extérieur et l’Indonésie capable de payer les intérêts d’une lourde dette grâce au pétrole, elles ont toutes souffert de deux chocs au début des années 80 : d’une part la hausse des taux d’intérêt et la raréfaction du crédit international, d’autre part une dépréciation des termes de l’échange. Ainsi la chute des cours du cuivre au Chili, du cacao et du café en Côte d’Ivoire et au Ghana, du caoutchouc et d’autres produits en Malaisie a entraîné une dépréciation de 20 pour cent environ des termes de l’échange au début des années 80. Ensuite l’Équateur, la Malaisie et l’Indonésie ont subi de 1983 à 1986 les effets de la baisse du prix du pétrole. Mais d’autres pays avaient été touchés avant 1980, comme le Maroc où le prix des phosphates a diminué dès 1978. La chute de ces cours a un impact plus ou moins grand selon le degré d’ouverture d’économie. La Malaisie avec des exportations atteignant 50 pour cent du PIB est le pays le plus sensible à un tel choc puisqu’une baisse des termes de l’échange de 14 pour cent y entraîne une diminution de 7 pour cent du pouvoir d’achat extérieur du PIB et donc du revenu réel de ce pays. Le tableau des économies étudiées au début des années 80 montre la spécificité de trois pays, d’une part l’Indonésie et la Malaisie où la situation est encore saine, d’autre part le Ghana qui représente la situation opposée étant donné la gravité de la crise depuis le milieu des années 70. La Malaisie est peu endettée à l’extérieur et l’Indonésie peut payer les intérêts de sa dette grâce au pétrole, de telle sorte que ces pays ne connaissent pas de déficit important du compte courant. Le Ghana ne connaît pas non plus de déficit important, mais pour des raisons différentes. En crise depuis une dizaine d’années ce pays a dû réduire ses importations au niveau très faible de ses exportations parce qu’il ne pouvait plus emprunter, ayant refusé l’ajustement. Le Ghana illustre ainsi clairement les conséquences du non- ajustement : on doit rationner de plus en plus les importations dans le cadre d’une régression de l’économie au nom d’une politique de “développement” autocentré. Ces cas nous montrent que l’exemple classique de l’ajustement comme réaction à la crise n’est pas le seul possible. Quatre pays (Chili, Équateur, Côte d’Ivoire et Maroc), dont les économies fragilisées ont connu une crise à cause des chocs extérieurs, illustrent cet exemple classique. Mais le Ghana a décidé d’ajuster de nombreuses années après la crise. A l’inverse, l’Indonésie et la Malaisie ont ajusté en 1983-84 avant la crise. Certes ces deux pays avaient souffert des chocs extérieurs, mais ils auraient pu encore reporter l’ajustement et emprunter à l’extérieur. C’est précisément cette liberté de manoeuvre qui leur a permis d’ajuster sans recourir au FMI et de choisir les composantes du programme de stabilisation plus librement que les autres pays. L’ajustement, réponse à la crise Le terme ajustement évoque une image simple dans les media, celle d’un pays en crise financière (il connaît un déficit extérieur important et ne peut plus emprunter) qui doit accepter les conditions du FMI pour bénéficier de nouveaux prêts. Cette image simplifie beaucoup une réalité plus complexe. Une première remarque : le terme ajustement correspond à deux catégories différentes de mesures, les unes pour diminuer la demande globale, les autres pour stimuler l’offre. Pour éviter toute confusion, on réservera le terme stabilisation aux mesures concernant la demande et celui d’ajustement structurel aux politiques d’offre. Les programmes de stabilisation répondent directement à la crise financière : on réduit la demande pour diminuer ou même supprimer le déficit du compte courant extérieur. Il s’agit de mesures conjoncturelles d’urgence qui doivent avoir des effets à court terme, 6 à 18 mois. A l’opposé un programme d’ajustement structurel porte sur le moyen-long terme et comprend un ensemble de mesures pouvant augmenter l’offre. Lorsque ces mesures ont un coût, la Banque mondiale accorde parfois des prêts pour les financer. C’est le cas par exemple d’une réduction des droits de douane ou d’investissements agricoles. Remarquons toutefois que certaines mesures ont à la fois des effets stabilisateurs et structurels. Par exemple une dévaluation réduit la demande globale et restructure les secteurs productifs. Si stabilisation et ajustement structurel doivent être distingués, ils relèvent toutefois d’une logique commune. Il s’agit de traiter la même pathologie par une action curative pour l’une et par une action préventive pour l’autre. En effet, les déséquilibres qui ont conduit à la crise financière tiennent en partie à une insuffisance de l’offre domestique par rapport à la demande. Une fois les équilibres rétablis par le programme de stabilisation, le meilleur moyen d’éviter un nouveau dérapage consiste à accroître les capacités de production. De plus cette insuffisance de l’offre est imputée en partie aux structures inadaptées de l’économie : secteur parapublic inefficace et déficitaire, industries surprotégées tournées vers le marché intérieur, système de prix agricoles qui décourage les productions par exemple. Par suite, l’ajustement structurel consiste en une réforme en profondeur de l’économie pour changer le cadre dans lequel fonctionnent les entreprises. Une telle réforme a des retombées favorables pour certains groupes d’intérêts, mais défavorables pour d’autres. Elle correspond donc à un changement dans l’équilibre socio-politique du pays, qu’il est plus facile de faire accepter dans la conjoncture d’une crise financière et d’un programme de stabilisation. Ceci se vérifie à la fois dans les pays en développement et dans les pays industrialisés, comme le montre l’exemple du programme de stabilisation et d’ajustement structurel appliqué en France en 1958. En ce sens, stabilisation et ajustement structurel sont liés à la fois pour des raisons économiques et politiques. Cette liaison est manifeste lorsque le FMI et la Banque mondiale concertent leurs interventions et persuadent les gouvernements d’accompagner les mesures de stabilisation par des réformes structurelles. Evidemment, le calendrier des réformes ne revêt pas la même urgence et la préparation de ces réformes prend du temps. Ceci explique un délai entre le programme de stabilisation et les prêts d’ajustement structurel. Par exemple au Maroc, la Banque mondiale a accordé ces prêts en mars 1984 et juillet 1985 alors que l’accord avec le FMI date de septembre 1983. En Côte d’Ivoire le programme de stabilisation de janvier 1981 a été suivi par un prêt d’ajustement structurel en décembre 1981. Le traitement de choc que représente un programme de stabilisation concerne presque toujours les mêmes catégories de mesures, même si les variations sont nombreuses à l’intérieur de chaque catégorie. D’une part il s’agit de mesures budgétaires : coupures des investissements, réduction ou stabilisation des dépenses de fonctionnement, d’autre part il s’agit de la politique monétaire et de la politique de change. Dans les pays qui ajustent au moment de la crise, les investissements publics sont réduits d’une manière drastique. Ainsi au Maroc ils baissent de presque 40 pour cent entre 1983 et 1986. En Côte d’Ivoire ils passent de 21 pour cent du PIB (1975-78) à 7.5 pour cent en 1984. Il en va de même en Équateur (de 7.3 à 4.4 pour cent). En revanche dans les deux pays qui ajustent avant la crise, la baisse est faible, environ -10 pour cent, de telle sorte que l’investissement public reste plus élevé qu’en 1980 (+16 pour cent en Indonésie et +67 pour cent en Malaisie). Enfin au Ghana, comme l’investissement public s’était effondré avant l’ajustement, celui-ci au contraire a permis une reprise (on passe de 1 à 2 pour cent du PIB), les prêts extérieurs étant indispensables pour financer l’importation de biens d’équipement. Le fait que les investissements soient la première dépense sacrifiée dans le cas classique (ajustement en réponse à la crise) s’explique par des raisons politiques et économiques. L’opinion publique est beaucoup moins sensible à ces coupures qu’à celles touchant le budget de fonctionnement. En effet les dépenses d’investissement consistent en biens importés et en travaux publics. Si l’on réduit ces travaux, on touche une population dispersée de petits entrepreneurs et d’ouvriers du bâtiment qui ne réagissent pas. En revanche, si l’on coupe les dépenses de fonctionnement, on suscite deux fortes réactions. D’une part il faut réduire les salaires des fonctionnaires, ce qui provoque leur mécontentement, d’autre part on doit diminuer certains services d’éducation, de santé, des bourses, des subventions alimentaires... ce qui provoque des réactions plus ou moins violentes de la part des bénéficiaires. Une coupure temporaire des investissements peut se justifier d’autre part. En effet dans l’euphorie des années 70, les investissements publics avaient augmenté très vite, voire trop rapidement, en étant multipliés par deux ou même par trois, comme au Maroc. Par suite si l’on apprécie son évolution sur une vingtaine d’années l’investissement public ne paraît pas sacrifié malgré le programme de stabilisation. Il faut ajouter que l’on avait commis des erreurs dans les choix d’investissement de telle sorte que l’efficacité de ces investissements a été faible dans certains pays. Le programme touche aussi les dépenses de fonctionnement, mais plus faiblement. Dans certains pays (Indonésie et Malaisie, Équateur et au Chili en 1986 seulement avec le second programme de stabilisation) elles baissent légèrement, ailleurs elles cessent de croître. Toutefois, compte tenu d’une croissance rapide avant, il s’agit d’un changement de cap qui implique des décisions délicates. Soucieux de ne pas réduire les services offerts aux ménages et liés par le statut de la fonction publique, les gouvernements ne réduisent pas, en général, les effectifs de fonctionnaires pendant le programme de stabilisation ; ceux-ci continuent même parfois à augmenter comme au Maroc. Par ailleurs, comme il faut stabiliser la masse salariale, la seule solution est une réduction des salaires réels qui se fait habituellement par le procédé le moins pénible, à savoir un blocage des salaires nominaux. C’est la politique appliquée en Côte d’Ivoire, au Maroc et en Indonésie. Les subventions représentent le deuxième poste touché par le programme de stabilisation, malgré les risques politiques importants, qu’il s’agisse des subventions directes au consommateur ou de subventions aux entreprises parapubliques (ce qui signifie un relèvement de leurs tarifs). Ainsi au Maroc on a supprimé les subventions pour les produits alimentaires de rang intermédiaire mais sans toucher à celles pour les produits de base et on a révisé les tarifs de l’électricité, de l’eau et des transports. Ces mêmes tarifs ont été relevés au Chili et en Côte d’Ivoire où l’on a aussi réduit la subvention pour le riz. D’autres aides peuvent être touchées : ainsi au Ghana on a augmenté les redevances par consultation ou journée d’hospitalisation, on a fait payer les manuels dans les écoles et on a diminué les aides pour les repas des étudiants et leur logement. En Côte d’Ivoire le second programme de stabilisation a fortement réduit le nombre de bourses. Comme les coupures dans les dépenses publiques, une politique monétaire plus restrictive représente un élément essentiel pour tout programme de stabilisation. Ceci va de soi dans les pays d’Amérique latine qui souffrent en permanence de l’inflation, mais tous les autres pays étudiés ont aussi recouru à la politique monétaire. La progression du crédit intérieur a été freinée en Côte d’Ivoire en 1981 comme au Maroc en 1983. En Indonésie, les autorités monétaires ont diminué la croissance de la masse monétaire et libéré les taux d’intérêt afin que les ménages accroissent leurs dépôts à terme. Enfin en Malaisie l’offre totale de monnaie n’a pas varié en 1984 et 1985 alors qu’elle augmentait avant 1984 de plus de 10 pour cent par an. Il en va de même pour la politique de change : tous les pays qui le pouvaient ont dévalué. Le Chili a procédé à une série de dévaluations qui diminuèrent le taux de change réel de 10 à 20 pour cent chaque année ; l’Équateur, après une dévaluation en mars 1983, annonça une série de mini-dévaluations équivalant à 3 pour cent par mois. L’Indonésie décida deux dévaluations, en 1983 et 1986, après chaque baisse du prix du pétrole et la Malaisie laissa sa monnaie se déprécier en 1985 et 1986 de telle sorte que le taux de change réel effectif diminua de 30 pour cent en deux ans. Le Ghana étant dans une situation très particulière (surévaluation considérable du taux de change officiel et marché parallèle très actif avec des cours plus de dix fois supérieurs), il fallut dévaluer dans des proportions considérables : le dollar passa de 2.75 cedis au début de 1983 à 90 cedis en janvier 1986. Le seul pays qui n’a pas dévalué est la Côte d’Ivoire en raison de son appartenance à la zone franc. Cet inconvénient fut en partie pallié par les trois dévaluations du franc français de 1981 à 1983. Mais il s’agissait d’un concours de circonstances : depuis que le franc français est lié au deutsche mark les pays membres de la zone franc ont perdu tout espoir d’une dévaluation du franc français et par suite du franc CFA. De plus, ces dévaluations du franc français n’avaient pas d’incidence sur le commerce entre la Côte d’Ivoire et la France qui est son principal partenaire. Alors que les programmes de stabilisation poursuivent un seul et même objectif, l’ajustement structurel présente des aspects plus diversifiés étant donné que les mesures ou réformes à engager pour accroître l’offre varient selon les structures économiques. Chaque

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