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A propos de Dieu PDF

106 Pages·1996·0.501 MB·French
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Jiddu Krishnamurti A PROPOS DE DIEU Traduit de l'anglais par Colette Joyeux 1996 Éditions Stock « Krishnamurti ne connaît pas "Dieu" et secoue de toute son intelligence cette chi- mère avortée par l'ignorance et la peur. Avec des réponses simples, il apporte à cha- cun la curiosité d'exercer sa Raison... » SOMMAIRE Avant-propos Bombay, le 6 janvier 1960 Eddington, le 12 juin 1936 Londres, le 30 septembre 1967 Seattle, le 16 juillet 1950 Paris, le 30 avril 1967 PDL, chap. 28 Face à la Vie, chap. 4 Face à la Vie, chap. 7 CSV, tome 1, chap. 18 Bombay, le 3 mars 1965 Bangalore, le 7 avril 1948 Bombay, le 8 février 1948 Bombay, le 27 février 1955 Bombay, le 24 décembre 1958 Bombay, le 8 mars 1961 Londres, le 23 octobre 1949 Madras, le 29 janvier 1964 Madras, le 15 décembre 1974 Carnets, le 20 juillet 1961 New Delhi, le 31 octobre 1956 Ojai, le 5 juillet 1953 Ojai, le 21 août 1955 Ojai, le 21 août 1955 (suite) Saanen, le 2 août 1964 Saanen, le 1er août 1965 Le Temps Aboli, le 2 avril 1980 Carnets, le 27 juin 1961 – 2 – Citation « L'intelligence n'est pas l'aptitude au maniement habile d'arguments, de concepts, d'opinions contradictoires - comme si les opinions pouvaient donner accès à la découverte de la vérité, ce qui est impossible - mais elle consiste à se rendre compte que la mise en actes de la pensée, en dépit de toutes ses capacités, de ses sub- tilités, et de l'activité prodigieuse qu'elle ne cesse de déployer, n'est pas l'intelligence. » J. Krishnamurti – 3 – Quatrième de Couverture Face au mystère de la vie et de la mort, face à l'angoisse existentielle, l'homme choisit généralement son camp ou bien il écarte toute notion de Dieu, considérant la vie comme une mécanique régie par les lois naturelles communes à toutes les espèces vivantes, ou bien il se tourne vers la foi et une tradition religieuse. Il arrive que ces deux attitudes alternent au gré des aléas de la vie. Dans A PROPOS DE DIEU, Jiddu Krishnamurti analyse très finement les racines de la croyance, expose les déviances des traditions religieuses, démontre la vanité de toute quête d'une connaissance de " l'inconnaissable ". Sans se résigner pour autant ni au matérialisme desséchant ni au désespoir, il ouvre une troisième voie, originale, rigoureuse sans être austère : il existe, dit-il, un autre type d'" esprit religieux ", qui n'est asservi à aucune tradition, à aucun gourou ; il faut cesser de passer par l'intellect ou la foi aveugle pour être enfin " radicalement libre " de faire l'expérience de la réali- té, de la vérité, de la félicité suprêmes. L'esprit religieux tel que le conçoit Krishna- murti est la perception directe du sacré sans adhésion à aucun dogme religieux. « "La question n'est pas de savoir si Dieu existe ou non, mais comment l'homme peut découvrir Dieu." Or, Dieu, ce n'est pas la description qu'on en fait. "Le mot Dieu n'est pas Dieu." Pour le trouver, ce "réel absolu", "l'esprit doit être libre, affranchi des rituels, des dogmes, du savoir et de l'expérience", dans un état d'"innocence". À nous de nous préparer à recevoir Dieu sans nous fier à nos constructions intellectuelles ni à notre foi aveugle, sans l'appui d'un gourou. Simplement avec une attention sans faille à "ce qui est". Avec intensité, mais sans effort, sans délibération, sans spéculation. En laissant s'instaurer en nous le silence. » – 4 – Avant-propos « Jiddu Krishnamurti naquit en Inde en 1895 et fut pris en charge à l'âge de treize ans par la Société théosophique, qui voyait en lui l'« Instructeur du Monde » dont elle avait proclamé la venue. Très vite, Krishnamurti apparut comme un penseur de grande envergure, intransigeant et inclassable, dont les causeries et les écrits ne rele- vaient d'aucune religion spécifique, n'appartenaient ni à l'Orient ni à l'Occident, mais s'adressaient au monde entier. Répudiant avec fermeté l'image messianique qu'on lui avait attribuée, il prononça à grand fracas en 1929 la dissolution de la vaste organisa- tion nantie qui s'était constituée autour de sa personne ; il déclara alors que la vérité était un « pays sans chemin », dont l'accès ne passait par aucune religion, aucune philosophie ni aucune secte établies. Tout le reste de sa vie, Krishnamurti rejeta obstinément le statut de gourou que certains voulaient lui faire endosser. Il ne cessa d'attirer un large public dans le monde entier, mais sans revendiquer la moindre autorité ni accepter aucun disciple, s'adressant toujours à ses auditeurs de personne à personne. À la base de son ensei- gnement est la conviction que les mutations fondamentales de la société ne peuvent aboutir qu'au prix d'une transformation de la conscience individuelle. L'accent est mis sans relâche sur la nécessité de la connaissance de soi et sur la compréhension des influences limitatives et séparatrices des conditionnements religieux et nationa- liste. Krishnamurti a toujours insisté sur l'impérative nécessité de cette ouverture, de ce « vaste espace dans le cerveau où est une énergie inimaginable ». C'était là, sem- ble-t-il, la source de sa propre créativité, et aussi la clé de son impact charismatique sur un public des plus variés. Krishnamurti poursuivit ses causeries dans le monde entier jusqu'à sa mort, en 1986, à l'âge de quatre-vingt-dix ans. Ses conférences, entretiens et dialogues, son Journal et ses lettres ont été rassemblés en plus de soixante volumes. La série d'ou- vrages à thème dont fait partie le présent volume est une compilation d'extraits de l'œuvre immense que constitue son enseignement. Chaque volume est axé sur un pro- blème dont l'actualité et l'urgence sont en parfaite adéquation avec les préoccupa- tions de notre vie quotidienne. » – 5 – Chapitre 01 Bombay, le 6 janvier 1960 Extrait du compte rendu de la cinquième causerie publique à Bombay, le 6 jan- vier 1960, in Collected Works of J. Krishnamurti, vol. XI, Krishnamurti Foundation of America, 1992. L'esprit, c'est le connu, c'est-à-dire tout ce dont nous avons fait l'expérience. Et c'est avec pour mesure le connu que nous essayons de connaître l'inconnu. Il est pourtant évident que jamais le connu ne pourra connaître l'inconnu ; il ne peut connaître que ce qu'il a vécu, ce qui lui a été enseigné, ce qu'il a engrangé. Notre es- prit peut-il voir la vérité de son incapacité à connaître l'inconnu? Il ne fait aucun doute que si je vois très clairement que mon esprit ne peut pas connaître l'inconnu, il se fait en moi un calme, un silence absolus. Si je crois pouvoir saisir l'inconnu grâce à des capacités qui relèvent du connu, je fais beaucoup de bruit: je parle, je rejette, je choisis, j'essaie de trouver une voie jusqu'à l'inconnu. Mais si mon esprit se rend compte de son incapacité totale à appréhender le connu, s'il per- çoit qu'il ne peut pas faire le moindre pas dans sa direction, alors que se passe-t-il? Alors l'esprit devient totalement silencieux. Il n'est pas plongé dans le désespoir: il ne cherche plus rien. Notre quête suit un mouvement qui ne peut aller que du connu au connu, et tout ce que peut faire l'esprit, c'est réaliser que jamais ce mouvement ne dévoilera l'incon- nu. Tout mouvement de la part du connu reste inscrit dans le périmètre du connu. C'est la seule chose que je puisse percevoir, la seule chose que l'esprit ait à réaliser. Alors, en l'absence de toute stimulation, de tout objectif, l'esprit est silencieux. L'amour, c'est le silence - ne l'avez-vous point remarqué? Il peut naître tandis qu'on tient l'autre par la main, ou qu'on regarde tendrement un enfant, ou qu'on se laisse pénétrer par la splendeur du soir. L'amour n'a ni passé ni futur, et il en va de même pour cet extraordinaire état de silence. Et sans ce silence, qui est vacuité totale, il n'est pas de création. Vous pouvez être très doué dans le domaine qui vous est propre, mais là où il n'y a pas création, il y a destruction, décadence, et l'esprit s'étiole et meurt. Lorsque l'esprit est vide, silencieux, qu'il est dans un état de « négation » complète - ce qui n'est ni un état neutre ni le contraire d'une attitude positive, mais un état tout à fait différent dans lequel toute pensée a cessé - alors, et alors seulement, l'indicible peut voir le jour. Bombay, le 6 janvier 1960 – 6 – Chapitre 02 Eddington, le 12 juin 1936 Extrait du rapport authentique de la première causerie publique à Eddington, Pennsylvanie, le 12 juin 1936, in Collected Works of J. Krishnamurti, vol. III, Krish- namurti Foundation of America, 1991. Il existe une vision mécaniste de la vie selon laquelle l'homme n'étant que le pro- duit de l'environnement et de diverses réactions, perceptibles aux sens et à eux seuls, cet environnement et ces réactions devraient être sous le contrôle d'un système effi- cace d'organisation qui permette à l'individu de fonctionner uniquement dans les li- mites du cadre fixé par ce système. Il faut que vous saisissiez bien la pleine significa- tion de cette conception mécaniste de l'existence, qui n'envisage aucune entité su- prême, transcendante, ni rien qui ait une continuité. Cette vision exclut toute espèce de survie après la mort, la vie n'étant qu'un bref passage avec pour seule issue l'anéantissement. L'homme n'étant rien d'autre que le résultat de réactions au milieu ambiant, et son unique préoccupation étant un désir égoïste d'assurer sa propre sécu- rité, il a contribué à créer un système fondé sur l'exploitation, la cruauté et la guerre. Dans cette optique, les activités de l'homme ne peuvent être guidées et orientées que si l'on modifie et si l'on maîtrise l'ensemble de son environnement. D'autres, au contraire, pensent que l'homme est d'essence divine, que son destin est contrôlé et guidé par une Intelligence suprême. Ils affirment être à la recherche de Dieu, de la perfection, de la libération, du bonheur, d'un état d'être dans lequel tout conflit subjectif aurait cessé. Cette croyance en une entité suprême guidant la desti- née humaine est basée sur la foi. Selon eux, c'est cette entité transcendante - ou cette intelligence suprême - qui a créé le monde ; et le « je », l'ego, l'individu a une perma- nence en soi, une qualité éternelle. A certains moments, vous pensez que la vie est mécanique, et à d'autres - les mo- ments de souffrance et de confusion - vous vous tournez de nouveau vers la foi, vers un être suprême qui puisse vous guider et vous aider. Vous vacillez entre deux pôles opposés, alors que ce n'est qu'en comprenant l'illusion des contraires que vous pour- rez vous affranchir des limitations et des barrières qu'ils constituent. Vous vous ima- ginez souvent en être libéré, mais on ne peut être radicalement libre de tout cela que lorsqu'on comprend pleinement le processus qui est à l'origine de ces limites, et qu'on y met fin. On ne peut absolument pas appréhender le réel, comprendre ce qui est, tant que se perpétue ce processus d'ignorance qui n'a point de commencement. Lorsque ce processus - qui se perpétue spontanément grâce à l'activité d'un désir sciemment entretenu - lorsque ce processus cesse enfin, alors est ce qu'on peut appe- ler la réalité, la vérité, la félicité. Eddington, le 12 juin 1936 – 7 – Chapitre 03 Londres, le 30 septembre 1967 Extrait de Talks in Europe 1967, Londres, le 30 septembre 1967, Krishnamurti Foundation, Londres, 1968 (épuisé). Cela vaudrait sans doute la peine de s'attarder sur la question du sens de la vie: en a-t-elle vraiment un? Il n'en est rien en ce qui concerne l'existence que nous menons, car la vie moderne n'a guère de sens. On lui attribue une signification théorique, in- tellectuelle, théologique ou (si l'on peut se permettre ce terme) mystique ; on essaie de lui trouver un sens profond, comme l'ont fait certains écrivains en proie au déses- poir face à cette existence sans issue, lui inventant intellectuellement une raison d'être profonde, essentielle. Et il nous serait très bénéfique, me semble-t-il, de décou- vrir par nous-mêmes, d'une façon qui ne soit ni émotionnelle ni intellectuelle, mais réelle, tangible, s'il existe dans la vie quelque chose de sacré. Et ce, sans prendre en compte les inventions de l'esprit, qui ont conféré à l'existence un sens sacré, mais en cherchant à savoir si une telle chose existe véritablement. Car dans cette recherche, dans la vie que nous menons, l'observation nous prouve, tant sur le plan historique qu'actuel, que sous tous ses aspects - le monde des affaires, la compétition, le déses- poir, la solitude, l'angoisse, et les destructions qu'entraînent la haine et la guerre -, la vie, à l'image de tout cela, n'a que très peu de sens. Nous pouvons vivre soixante-dix ans, en passer quarante au bureau, avec son cortège de routine, d'ennui, et de soli- tude - tout cela est assez dépourvu de sens. Prenant conscience de cette situation, tant en Orient qu'ici même, on en vient alors à conférer un sens et une valeur à un sym- bole, à une idée, à un Dieu - qui sont évidemment des inventions de l'esprit. Les Orientaux ont toujours dit: la vie est une, il ne faut pas tuer ; Dieu existe en chaque être humain, il ne faut pas détruire. Mais l'instant d'après ils s'anéantissent les uns les autres - en fait, en paroles ou en affaires - et donc, cette idée que la vie ne fait qu'un, ce sens sacré de la vie, ne signifient pas grand-chose. De même, l'Occident ayant pris conscience de ce qu'est réellement l'existence, de la brutalité, de la compétition sans scrupule de la vie quotidienne, on confère un sens à un symbole. Ces symboles sur lesquels sont fondées toutes les religions sont consi- dérés comme très saints. Autrement dit, les théologiens, les prêtres, les saints qui ont vécu leurs expériences spécifiques, ont attribué certaines formes de signification à la vie et nous nous accrochons à ces significations, mus par le désespoir, la solitude, la routine du quotidien ; la portée de tout cela reste minime. Et si nous pouvions faire fi de tous les symboles, toutes les images, toutes les idées et croyances élaborés au fil des siècles et auxquels a été attribué un sens sacré, si nous pouvions véritablement nous déconditionner, nous dégager de toutes ces inventions hors de propos, alors peut-être pourrions-nous réellement nous demander s'il existe quelque chose de vrai, d'authentiquement saint et sacré. Car c'est ce que ne cesse de chercher l'homme, aux prises avec le désordre, le désespoir, la culpabilité, la mort. L'homme a toujours culti- vé, de diverses façons, ce sentiment qu'il doit forcément exister quelque chose qui se situe au-delà du transitoire, qui transcende le flux du temps. Pourrions-nous prendre le temps d'approfondir cela, de découvrir par nos propres moyens si une telle chose existe? - mais ce ne doit pas être une chose qui réponde à nos besoins, à nos désirs, – 8 – sous forme de Dieu, d'une idée, d'un symbole. Peut-on réellement écarter toutes ces notions, pour trouver, enfin? Les mots ne sont qu'un moyen de communication, mais le mot n'est pas la chose. Le mot, le symbole, n'est en rien le fait authentique, et lorsqu'on est piégé par les mots, il devient alors très difficile de se dégager des symboles, des mots, des idées qui en fait font obstacle à la perception. Bien que nous soyons obligés d'avoir recours aux mots, ils ne sont pas le fait réel. Donc, si nous pouvons également savoir en toute conscience, en toute vigilance, que le mot n'est pas le fait, alors nous pourrons com- mencer à approfondir vraiment cette question. En fait, l'homme, mû par le désespoir et la solitude, a investi d'un caractère sacré une idée, une image façonnée par la main ou l'esprit. L'image a ainsi revêtu une importance extraordinaire pour le chrétien, l'hindou, le bouddhiste, pour ne citer que ceux-ci, et tous ont investi cette image d'un sens sacré. Pouvons-nous écarter toutes ces notions - pas seulement en paroles ou en théorie, mais faire véritablement fi de tout cela - et voir dans toute son ampleur la fu- tilité d'une telle activité? Nous pourrons alors commencer à poser la question. Mais sans qu'il y ait personne pour nous répondre, car toute question fondamentale que nous nous posons à nous-mêmes ne peut recevoir de réponse de quiconque - et sur- tout pas de notre part. Ce que nous pouvons faire, en revanche, c'est poser la question et la laisser mijoter, la laisser mûrir - lui laisser libre cours. Et il faut être capable de la suivre jusqu'au bout. Ce que nous voulons savoir, c'est donc s'il existe, au-delà du symbole, au-delà du mot, quelque chose de réel, de vrai, quelque chose qui, en soi, soit absolument saint. Londres, le 30 septembre 1967 – 9 – Chapitre 04 Seattle, le 16 juillet 1950 Extrait du compte rendu de la première causerie publique à Seattle, le 16 juillet 1950, in Collected Works of J. Krishnamurti, vol. VI, Krishnamurti Foundation of America, 1991. QUESTION : Il existe aujourd'hui dans le monde une multitude de concepts diffé- rents de Dieu. Quelle est donc votre propre conception de Dieu? KRISHNAMURTI : Nous devons tout d'abord mettre au jour ce que nous enten- dons par concept. Que signifie pour nous le processus de la pensée? Car en somme, lorsque nous formulons un concept, disons celui de Dieu, notre formule ou notre concept est forcément, n'est-ce pas, le résultat de notre conditionnement. Si nous croyons en Dieu, notre croyance est sans nul doute le résultat de notre environne- ment. Il y a d'un côté ceux qui sont entraînés dès l'enfance à nier Dieu et de l'autre ceux qui sont entraînés à croire en Dieu, comme c'est le cas pour la plupart d'entre vous. Nous formulons donc un concept de Dieu qui est fonction de notre formation, de l'arrière-plan qui nous est propre, de nos habitudes particulières, de nos préfé- rences et de nos aversions, de nos espoirs et de nos craintes. Donc, de toute évidence, tant que nous ne comprenons pas notre propre processus de pensée, de simples no- tions conceptuelles de Dieu sont tout à fait dépourvues de valeur, ne croyez-vous pas? Car la pensée peut projeter tout ce qu'elle veut. Elle peut créer Dieu aussi bien que le nier. Chacun peut inventer Dieu ou le détruire en fonction de ses inclinations, de ses plaisirs et de ses douleurs. Donc, tant que la pensée est à l'œuvre, jamais nul ne dé- couvrira cette chose qui est au-delà du temps. Dieu, ou la réalité, ne peut se découvrir que lorsque cesse toute pensée. Or, lorsque vous demandez: « Quelle est votre conception de Dieu? », vous avez déjà formulé votre propre pensée, n'est-ce pas? La pensée peut créer Dieu, puis faire l'expérience de ce qu'elle a créé. Mais ce n'est certainement pas une expérience vraie. La pensée fait alors simplement l'expérience de sa propre projection - expérience qui n'est donc pas réelle. Mais si vous et moi savons voir combien tout cela est vrai, alors peut-être ferons-nous l'expérience de quelque chose de bien plus grand qu'une simple projection de la pensée. À l'époque actuelle, où l'insécurité intérieure et extérieure est de plus en plus grande, il y a de toute évidence une immense soif de sécurité intérieure. Dans l'inca- pacité où nous sommes de trouver la sécurité à l'extérieur, nous la cherchons du côté d'une idée, de la pensée, et c'est ainsi que nous créons ce que nous appelons Dieu, concept qui devient notre gage de sécurité. Or tout esprit en quête de sécurité est as- surément incapable de comprendre le réel, le vrai. Pour comprendre ce qui est au-de- là du temps, il faut que les élaborations de l'esprit prennent fin. La pensée ne peut exister sans les mots, les symboles, les images. Et ce n'est que lorsque l'esprit est si- lencieux, libéré de ses propres créations, qu'il devient possible de découvrir ce qui est vrai. Alors, se contenter de demander si Dieu existe ou non, c'est apporter au pro- blème une réponse très immature, n'est-ce pas? Il est réellement puéril de formuler des opinions au sujet de Dieu. – 10 –

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