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20 ans d'aveuglement PDF

107 Pages·2011·1.61 MB·French
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20 ans d’aveuglement « Chères concitoyennes, chers concitoyens européens, les politiques que nous avons suivies depuis l’Union monétaire nous ont conduits au bord du gouffre. Aujourd’hui le moment est venu de faire un grand pas en avant. » Tel est le discours des dirigeants européens à leur peuple. Le Pacte de stabilité s’est révélé inapplicable et nocif. Mais le Pacte pour l’euro, qui lui succède, en aggrave la logique de répression salariale et budgétaire. La finance a provoqué la crise économique et l’explosion des dettes publiques, mais les gouvernements de la zone euro et la Commission veulent donner toujours plus de gages aux marchés. Comme la Grèce, l’Irlande, le Portugal, tous les pays européens doivent se ranger à une austérité brutale. Dans tous les pays ces politiques nourrissent nationalismes et xénophobie. Les économistes atterrés, avec leur Manifeste, ont montré que d’autres politiques sont possibles en Europe. Ils persistent et signent. Alors que l’Irlande illustre jusqu’à la caricature comment faire payer par le peuple les dérives des banques, l’Islande essaye avec un certain succès une autre voie. L’émission d’emprunts européens, de nouvelles ressources fiscales, la coordination des politiques économiques pour un autre développement, la réforme de la Banque centrale, la restructuration des dettes publiques sont autant de pistes que les économistes atterrés mettent en débat. L’Europe sera sociale, écologique et solidaire ou ne sera pas. EAN : 978-2-918597-55-1 © Les Liens qui Libèrent, 2011 Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo Introduction Réforme du traité : une Europe plus solidaire… avec les marchés ? Entré en vigueur depuis à peine plus d’un an, le traité de Lisbonne doit déjà être réformé d’urgence. Il interdit en effet aux pays de la zone euro de venir en aide à un pays membre. Or, au printemps 2010, il a bien fallu improviser en catastrophe un Fonds de stabilité financière pour permettre à la Grèce, puis à l’Irlande, de continuer à honorer le service de leur dette publique. Cette violation manifeste du traité a été critiquée par la Cour constitutionnelle allemande, qui a exigé sa refonte afin de le mettre en conformité avec la réalité. Cependant, les réformes annoncées ne vont pas seulement pérenniser le Fonds, rebaptisé Mécanisme européen de stabilité ; elles vont aussi – et surtout – pérenniser la tutelle des intérêts financiers sur les politiques économiques des États européens. La « discipline des marchés » a fait faillite… L’étrange clause de « non-sauvetage » (no bail-out), introduite dès le traité de Maastricht qui a fondé l’euro, semble incompréhensible au citoyen ordinaire. Pourquoi interdire aux États qui unissent leurs monnaies de s’entraider ? En fait, cette clause reflète l’obsession néolibérale d’imposer aux États la discipline des marchés financiers. Avec l’interdiction (prévue par le même traité de Maastricht) de recourir à la Banque centrale européenne pour financer leurs déficits, les États ont été contraints d’emprunter sur les marchés. Il leur faut donc satisfaire aux critères et aux exigences de l’industrie financière et des agences de notation. Interdire l’aide entre États, c’est obliger chacun à se présenter seul devant le tribunal des marchés et à respecter rigoureusement leurs lois : réformes fiscales favorables aux revenus du capital, baisse des dépenses publiques, flexibilité, privatisations… Les marchés puniront tout État « laxiste » par des taux d’intérêt élevés (la prétendue prime de risque) qui l’obligeront à revenir dans le droit chemin. Ce brillant dispositif s’est effondré avec la crise financière. Celle-ci l’a démontré une nouvelle fois : les marchés financiers n’étant ni efficients ni rationnels, il est aberrant de leur confier la tutelle des politiques économiques des États. Comment attendre de marchés spéculatifs, instables, moutonniers, errant de booms en krachs, qu’ils disciplinent quoi que ce soit ? Pourtant, aucune leçon n’a été tirée de cet échec prévisible et annoncé. Avant 2008, les déficits budgétaires étaient contenus, même si les réformes fiscales favorables aux hauts revenus avaient érodé les recettes des États. C’est la crise financière qui a dramatiquement creusé la dette et les déficits. Et c’est encore à la finance dérégulée que l’on demande de financer les déficits qu’elle a provoqués ! Un cas particulièrement délirant est celui de l’Irlande, décrit par Benjamin Coriat dans sa contribution : son brutal plan d’austérité vise à financer le renflouement des banques irlandaises pour que leurs frasques ne coûtent pas un centime d’euro à leurs créanciers, et principalement aux banques européennes. Le cas grec n’est pas mal non plus, où le FMI et la Commission européenne imposent privatisations, baisse des salaires et des pensions, facilitation des licenciements… encore et toujours pour garantir aux créanciers le remboursement rubis sur l’ongle de la dette publique. La crise de la zone euro traduit le caractère inadapté des mécanismes de coordination économique existants – le Pacte de stabilité et de croissance – et l’absence d’une vraie solidarité financière, ce que montre bien Henri Sterdyniak dans sa contribution. Le Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 aurait dû en tirer un bilan lucide. Au contraire les chefs d’Etat et de gouvernement se sont refusés à prendre le tournant nécessaire et enfoncent encore plus l’Europe dans une impasse : renforcement du Pacte de stabilité, réductions aveugles des dépenses publiques et sociales, mise en concurrence des salariés européens au nom de la compétitivité, refus d’une solidarité suffisante avec les pays en difficulté. Comme nous l’expliquions dans le Manifeste d’économistes atterrés1, l’origine du problème réside dans la conception même de la gouvernance économique européenne. Certes, il existe une coordination des politiques économiques, mais elle privilégie la concurrence au détriment de la coopération. La financiarisation débridée des économies, le dumping fiscal et salarial entre pays européens, la rivalité pour attirer les capitaux ont abouti à cette curiosité historique : une monnaie unique entre des pays en guerre économique les uns contre les autres. Guerre remportée pour l’instant par l’Allemagne, qui dégage d’énormes excédents commerciaux, basés sur une austérité salariale sans faille – une véritable « déflation compétitive ». Mais ceux qui vantent le succès de la politique allemande oublient que sa généralisation à toute l’Europe – réclamée par M. Trichet, pour qui les hausses de salaire sont en tout temps et en tout lieu « la dernière bêtise à faire » – réduirait à néant l’avantage compétitif de l’Allemagne et plongerait toute l’Union dans la dépression. … mais il faudrait encore la renforcer Que proposent donc les autorités européennes pour remédier au vice de conception des traités actuels ? Les dirigeants de l’Union, la Commission et le FMI prétendent accroître la solidarité entre les pays de la zone euro en pérennisant le Fonds de stabilité. Curieuse solidarité, en vérité. Loin de redonner aux États une marge de manœuvre face aux marchés financiers, cette réforme vise à renforcer la discipline que les marchés n’ont pas su – de par leur totale irresponsabilité – imposer. Les traités européens voulaient soumettre les États à la discipline des marchés. Maintenant que ceux-ci ont montré leur incapacité à se discipliner eux-mêmes, il s’agit non de les mettre hors d’état de nuire, mais de suppléer leurs mécanismes défaillants par des mécanismes politiques (les fameuses « conditionnalités ») qui imposeront directement aux États les objectifs de la finance. La spéculation provoque des crises, et donc des déficits. Les « marchés » n’aiment pas les déficits ? On va tous ensemble renforcer la pression sur les dépenses sociales et introduire dans les Constitutions l’obligation de l’équilibre budgétaire. La spéculation provoque des hausses des prix des matières premières et agricoles, et les salariés revendiquent. Les « marchés » n’aiment pas les hausses de salaire ? On va tous ensemble aggraver l’austérité salariale. Si « solidarité » il y a, c’est avec l’industrie financière. Telle est la signification réelle des innovations institutionnelles aujourd’hui en débat : la pérennisation du Fonds de stabilité, la surveillance réciproque des politiques budgétaires (procédure dite du « semestre européen ») et le renforcement de la « gouvernance européenne ». Trois remèdes qui aggravent le mal (voir les encadrés ci-dessous). « Mécanisme européen de stabilisation » ou de punition ? Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), créé en mai 2010, a été autorisé à emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés financiers pour venir en aide aux pays attaqués par ces mêmes marchés. Il était supposé avoir une existence de trois ans seulement, l’aide apportée était très fortement conditionnée à la mise en œuvre de plans de réduction des déficits publics, et les taux pratiqués étaient très élevés (5 à 6 %), incorporant une prime de risque. C’est paradoxal, puisque le Fonds, considéré par les opérateurs financiers comme aussi sûr que l’Allemagne, empruntait à un taux faible, proche de 3 %. Mais, comme le soulignait en janvier 2011 John Monks, le président de la Confédération européenne des syndicats, dans une lettre adressée à la Commission, ces conditions, ajoutées aux brutaux plans d’austérité et de privatisations, ressemblent « aux clauses de réparation (punition) du traité de Versailles » et « réduisent les pays membres à un statut quasi colonial ». Accusation lourde de signification quand on se souvient que ce traité humiliant, imposé en 1919 à l’Allemagne et dénoncé alors par Keynes, a débouché sur la prise du pouvoir par les nazis quelques années plus tard… Pour pérenniser le Fonds de stabilité, le Conseil européen doit donc adopter une réforme a minima du traité de Lisbonne qui consiste à ajouter à l’article136 : « Les États membres dont la monnaie est l’euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L’octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité. » Semestre européen : resserrer l’étau La Commission a introduit, avec l’accord du Conseil, une procédure de surveillance mutuelle qualifiée de « semestre européen » : au premier semestre de chaque année, les États membres présentent leurs politiques budgétaires, de court et de moyen terme, et leurs projets de réformes structurelles à la Commission et au Conseil européen, qui donnent leur avis, avant le vote des Parlements nationaux au second semestre. Ces derniers seront donc plus ou moins contraints par les décisions prises au niveau européen. Un tel processus pourrait être utile s’il s’agissait de définir une stratégie économique pour l’emploi et les investissements écologiques. Mais, en réalité, il s’agit d’accroître les pressions en faveur de politiques d’austérité budgétaire et de réformes libérales. On le voit aujourd’hui : la Commission a lancé des procédures de déficit excessif (PDE) contre la plupart des pays de la zone, mais elle ne demande pas à ceux qui ont des marges de manœuvre d’accroître leurs dépenses ou leurs salaires pour compenser les efforts que font la Grèce, l’Irlande ou l’Espagne. La Commission prône un « assainissement budgétaire rigoureux » : le rétablissement des finances publiques reste donc prioritaire par rapport à celui de l’emploi. Elle demande une « correction des déséquilibres macroéconomiques », par la modération salariale dans les pays déficitaires, par la libéralisation des services et des commerces dans les pays excédentaires, mais jamais, nulle part, par des hausses de salaire. Elle recommande aussi de favoriser la « stabilité du secteur financier » (mais sans couper les ailes de la spéculation), de « rendre le travail plus attractif » (comme si le problème actuel était que les salariés refusent de travailler), de « réformer les systèmes de retraite » (pour réduire les coûts et favoriser les fonds de pension, malgré la crise financière permanente !) … Le tournant écologique, la réforme fiscale progressiste, la politique industrielle, la convergence sociale par le haut restent les grands oubliés de ce semestre. Une « gouvernance économique » pour tirer vers le bas En septembre 2010, la Commission a présenté un ensemble de propositions visant à radicaliser la logique du Pacte de stabilité et de croissance, qui a pourtant totalement échoué. Le projet maintient la limite de déficit budgétaire à 3 % du PIB, l’objectif d’équilibre à moyen terme et la contrainte de réduire les déficits structurels d’au moins 0,5 % par an. Les pays dont la dette dépasse 60 % du PIB pourront être soumis à une procédure de déficit excessif (PDE) s’ils ne diminuent pas rapidement leur dette. Ils encourront une amende de 0,2 % de leur PIB. Non contente d’avoir une Banque centrale indépendante de tout pouvoir démocratique, la Commission propose la création d’une « institution budgétaire indépendante » qui vérifierait le respect des règles budgétaires européennes. Afin d’assurer la quasi-automaticité des sanctions, elle réclame qu’une majorité qualifiée soit exigée au Conseil pour s’opposer aux mesures et aux sanctions qu’elle préconise. La Commission se propose de surveiller les déséquilibres macroéconomiques excessifs en suivant un tableau de bord de variables (coût salarial, déficit extérieur, dettes publique et privée) parmi lesquelles le taux de chômage ne figure évidemment pas. Mais la surveillance ne tirera que vers le bas : on ne sanctionnera pas les pays qui pèsent sur les autres par des politiques budgétaire et salariale trop restrictives. On ne les incitera pas à accroître leurs salaires ou leurs dépenses publiques pour converger par le haut avec d’autres pays. La Commission conserve sa vision néolibérale : il lui faut contrôler des États membres gaspilleurs et indociles. Peu importe que la crise ait montré la responsabilité écrasante de la finance dans l’instabilité économique. Le gouvernement allemand, avec l’aide de la France, fait de la surenchère avec son projet de Pacte de compétitivité pour la convergence – une belle contradiction dans les termes. En échange de sa participation au Fonds, l’Allemagne veut ainsi avoir un droit de regard sur les institutions et les stratégies des autres pays. Il s’agit là encore de renforcer la concurrence au sein de l’Union. Le Pacte de compétitivité permettrait notamment la suppression de l’indexation des salaires sur les prix, l’ajustement de l’âge de la retraite sur l’espérance de vie, l’introduction dans les Constitutions d’un plafond à la dette… D’autres politiques vraiment solidaires sont possibles Jusqu’à présent, les décisions et les projets évoqués n’ont même pas suffi à rassurer les marchés financiers. À la mi-février 2011, les taux imposés par les

Description:
Par les économistes atterrés dont le manifeste s'est vendu à près de 60000 exemplaires. Ce nouvel opus démontre l'impéritie des politiques européennes et françaises : solidarité très faible, absence de banque centrale, main mise donc des marchés financiers qui, non contents d'avoir contri
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