Les divers modes de ramification de Potamogeton pectinatus L. (Potamogetonaceae) dans le Léman Roland KELLER Institut de Botanique Systématique et de Géobotanique, Bâtiment de Biologie, Université de Lausanne, 1015 Lausanne, Suisse. [email protected] RÉSUMÉ Après quelques rappels sur les études consacrées à la biologie et à la morpho¬ logie de Potamogeton pectinatus L., l’aspect dynamique du développement de cette espèce est expliqué et illustré. L’accent est mis sur la description de l’organisation végétative, le point le plus remarquable étant la diversité des modes de ramification. Une comparaison avec d’autres plantes MOTS CLÉS Monocotylédones ou aquatiques est donnée afin de proposer un modèle Potamogeton, architectural. Quelques particularités de l’espèce sont discutées, elles concer¬ ramification, nent le comportement stéréotypé de l’organisme vivant en eau calme. Mais architecture, Léman. ce comportement diffère de celui d’une forme vivant en eau courante. ABSTRACT After a brief review on the morphological and biological studies of the pond- weed Potamogeton pectinatus L., the dynamic aspect of the development of this species is explained and illustrated. The description of the végétative organizatïon of Potamogeton pectinatus L. is emphasized, the most impressive point being the diversity in the modes of ramification. A compatison with KEYWORDS other monocotyledonous or aquatic plants is given in order to propose an Potamogeton, architectural model. Some peculiarities of the species are discussed, in parti- branching, cular the stereotyped behaviour of the organisai living in still waters. But the architecture, Lake of Geneva. behaviour of a form living in running water was of another kind. ADANSONIA, sér. 3 • 1997 • 19(1) 117 Keller R. INTRODUCTION nation (GRAEBNER 1906 ; MUENSCHER 1936). Th. IRMISCH a été le premier auteur à avoir bien Les Poramots (I’otamogeton L.) comprennent décrit et illustré le développement végétatif des une centaine d’espèces qui constituent entière¬ Poramots quoique ses observations concernent ment la famille des Potamogetonaceae (WlLLIS plutôt les tiges souterraines et les cormes, ces 1973 ; MABBERI.-EY 1993). Le genre Ruppia L. est courres tiges tubérisées assurant la pérennité de placé par certains auteurs dans la famille des nombreuses espèces pendant la saison froide. Potamogetonaceae (DahlGREN, CLIFFORD 8c Depuis quelques années les Potamots, et sur¬ Yeo 1985) et pour d’autres constituent une tout P pectinatus, ont suscité un regain d’intérêt famille à part, les Ruppiaceae (HUTCH1NSON en faisant l’objet d’études axées principalement 1973 ; Willis 1973 ; CrüNQUIST 1981 ; MAB- sur leur écologie : stratégies de reproduction BERI.EY 1993). D’autre part ces derniers auteurs (WlJK 1988, 1989), influence de la lumière ou conservent le genre monotypique à feuilles oppo¬ de la température (MaDSEN 8c ADAMS 1989 ; sées Groenlatidict dans Potamogetvn (P. densus). Dijk 8c VlERSSEN 1991), tolérance à la salinité Les Potamots présentent dans leur ensemble un fWlJK, Goor 8c VERKEEY 1988), influence des plan d’organisation très homogène. Ce sont tous vagues ou du substrat (KaUTSKY 1987 ; des plantes aquatiques d’eau douce ou légère¬ IDESTAM-ALMQUIST 8c KAUTSKY 1995), tubérisa¬ ment salée ; le genre est à distribution cosmopo¬ tion (Dijk 8c VlERSSEN 1991) et cycles biolo¬ lite. P. pect/naius est une espèce à très grande giques (Kautsky 1987 ; WlJK 1988 ; WiEGLEB amplitude écologique ; on la trouve dans des 8c BrüX 1991), eaux douces ou saumâtres, stagnantes ou cou¬ À l’instar des autres espèces du sous-genre rantes, distrophes ou eutrophes et depuis les lati¬ Colcogecon (Reichenb.) Raunkiaer la pollinisation tudes équatoriales jusqu’aux régions subarctiques de P. pcctinatus est hydrophile (MUENSCHER (WlJK 1988). 1936) et l’espèce est à reproduction principale¬ Chez les Angiospermes aquatiques, les ment clonale, le succès de la plante ne dépendant Potamots figurent parmi celles qui sont le mieux que très peu de la germination de ses akènes mais adaptées à vivre à de grandes profondeurs. Dans étant redevable de l'abondante production de le Léman, ils forment la ceinture de végétation la cormes (WlJK 1989). La tubérisation est induite plus éloignée des rives en s’installant sur des par les jours longs (DijK 8c VlERSSEN 1991) et, fonds de 2-10 m environ (LACHAVANNE & jusqu’à un certain point, plus les conditions de la WATTENHOFER 1975). A l’aide de leur système croissance des tiges flottantes s’éloignent de de ramification souterrain les clones colonisent l’optimum, plus forte est la tubérisation les fonds lacustres en formant de petits groupe¬ (Kautsky 1987 ; Dijk 8c Vierssen 1991). Cette ments : les herbiers ou « forêts » de Potamots. propriété de la physiologie de P. pect'matus Les données plus ou moins anciennes publiées montre sa souplesse d'adapration qui en lait, à propos des Potamots proviennent du traite¬ selon KAUTSKY (1988), non seulement une plan¬ ment systématique de HaGSTROEM (1916), de te compétitive mais une plante accumulant de la flores régionales (FRYER & BENNETT 1915 ; biomasse en cas de stress. Les cormes souterrains Fernald 1932 ; Hess, Landcht 8c Hirzel sont de poids spécifique inférieur à celui de l'eau 1976 ; Haynf.S 1986 ; etc.) et d'études consa¬ (Graebnf.R 1906) : ils peuvent donc flotter et crées plus spécifiquement à ta morphologie ou à contribuer à la migration du clone. l’anatomie (IRMISCH 1858 ; SAUVAGEAU 1893- On s'attachera ici à approfondir les connais¬ 1894 ; HEGELMAIER 1870 ; HagSTROEM 1916 ; sances de nature otganismique sur la croissance Singh 1965 ; Posluzny 8c Sattler 1974 ; etc.) et le développement végétatif de Poiamogeton ou encore à leur écologie (GRAEBNER 1906). peetiruitus L. L’étude de cette espèce procédera Les données concernant les premières étapes du selon la méthode de l’analyse architecturale développement à partir de la germination sont (HaeLÉ 8c Oldeman 1970) qui repose sur la rares ; il existe cependant des descriptions de description intégrée de la croissance et du déve¬ plantules non encore ramifiées issues de la germi¬ loppement des diverses catégories d’axes. 118 ADANSONIA. sér. 3 • 1997 • 19(1) Ramification de Potamogeton pectinatus MATÉRIEL ET MÉTHODES Monocotylédones (existant aussi chez les Commetinaceae, DLLANOë & Kelli.R 1987). Ce Potamogeton pectinatus est une espèce vivant sur des mode particulier d’enroulement existerait chez de fonds situés entre 1,2 et 5 m dans la région étudiée, nombreuses espèces, sinon toutes, de soit de l’embouchure du Rhône dans le Léman à son Potamogetonaceae à en juger par les illustrations cours dans la ville de Genève. C’est une espèce extrê¬ mement fréquente sur substrats sablonneux et limo¬ de la monographie de pRYER & Bfnnf.TT (1915) neux plus ou moins organiques. Les clones se et nos observations de quelques autres espèces. récoltent facilement car leurs tiges souterraines sont Les cataphylles sont localisées à la base des enfouies peu profondément. rameaux latéraux (souterrains ou flouants). Les Une grande partie des observations d'où sont tirées préfeuilles sont toujours des cataphylles Le long les illustrations ont été effectuées de début août à mi- septembre 1988 en récoltant des plantes vivant sur d’un rameau latéral, la préfeuille est suivie par dfes fonds situés à une centaine de mètres à l’est du une cataphylle (Fig. IB) qui se développe avant tort de Vidy (ouest de la commune de Lausanne). Par la première feuille, a suite, de 1993 à 1996. d'autres observations de Les préfouilles sont, à l'instar de celles des autres P, pectinatus ont été effectuées, notamment sur des plantules issues de cormes (été 1996) et sur la florai¬ Monocotylédones, adossées à l'axe porteur son et les nombres d’entrt-nœuds des tiges dressées (TROLL 1937). Ces préfeuilles sont hyalines et principales. Une forme de morphologie et de physio¬ insérées très près de la base du rameau latéral. nomie différentes, poussant dans le Rhône à Genève, Elles ne s’observent que sur de jeunes tiges car a été observée et découverte en août 1996. elles disparaissent assez tôt. Quelques observations de Potamogeton perfoliatus, une espèce à feuilles larges, vivant pat 3-6 m de fond, ont encore été effectuées afin de mettre en évidence certaines particularités de P. pectinatus. La plantule issue de l’entrée en végétation La récolte des systèmes d’axes ramifiés de ces DU CORME Potamots s’est réalisée en plongeant et en s'aidant Au mois de mai les cormes ayant hiverné dans d’une barre métallique pour dégager du substrat les tiges souterraines. le fond lacustre entrent en végétation. La plantu¬ le présente une morphologie et une organisation de ses axes à peu près constante, le caractère le RÉSULTATS plus variable étant le nombre de racines (de 2 à 6) formées sur le premier nœud visible formé Les feuilles (Fig. IB), caractère positivement corrélé avec la Les Potamots possèdent deux types de feuilles, vigueur de la plantule. assimilatrices ou non. Les feuilles assimilatrices L’axe du corme produit deux entre-nœuds longs sont bien développées, les feuilles non chloro- (de 10 à 20 mm env.) qui suivent quelques phyliennes sont réduites à des cataphylles, d’entre-nœuds courts (dont le nombre n'est pas La feuille assimilatrice de P pectinatus est for¬ encore exactement connu), puis la planrule se mée d’une gaine basale se prolongeant par une ramifie de manière quasi constante en une sorte lame linéaire possédant le plus souvent trois ner¬ d’étoile à cinq branches (Fig. IB). Certes étoile » vures longitudinales (HAGSTROEM 1916 ; WljK comporte trois étages de racines, chaque étage 1988). Line ligule engainante hyaline surmonte appartenant à un enue-nœuds différent. Il n’y a la gaine foliaire (Fig. 1 A,C) elle entoure le bour¬ pas de feuilles axillantes, ce qui complique geon apical (GûEBEL J 932 : 1648). Les dimen¬ l’interprétation de la structure et fait envisager sions des feuilles restent sensiblement constantes, deux hypothèses alternatives « monopodiale » et quel que soit l'ordre de l’axe qui les porte « sympodiale » (voir Discussion). Les préfeuilles (Fig. 4). P. perfoliatus est une espèce à feuilles sont par contre visibles bien qu’elles se décompo¬ larges, plus ou moins embrassantes, qui Rengai¬ sent rapidement ; il faut les observer avant la mi- nent pas la tige (Fig. 1D), juillet. La jeune feuille a une préfoliaison involutée Dans le cas de l’hypothèse monopodiale. Taxe (Fig. IA), selon la terminologie de DAHLGREN & plagiotrope A2 est porté par un entre-nœud CLIFFORD (1982), caractère peu fréquent chez les court (ec) de l’axe A (ou A,), cela nous donne le ADANSONIA. sér. 3 • 1997 • 19(1) 119 Keller R. Fig. 1. — Potamogeton peçtinatus (sauf D : P. perfoliatus) A feuille et sa ligule (L) . B, planlule issue d'un corme. Vue d’ensemble : aire (A) issu du corme portant 4 racines (R) sur le premier nœud visible. F esl la première leuille chlorophylienrie for¬ mée. Détail : axe dressé principal |A1 ou A, selon I hypothèse, voir texte), axe plagiotrope principal (AP ou A, selon l'hypothèse), axe latéral dressé (A,), ax:e latéral plagiotrope (AJ , racines du premier étage (Ri), racines du deuxième étage (R2). racine du troi¬ sième étage (R3). ec = entre-nœud court portant A, (hypothèse monopodiale) ; PF, = prëteuille de A, ; on trouve ici 6 racines RI, 2 racines R2 et 2 racines R3 (la série 6-4-2 étant aussi fréquemment obsen/èe) ; C. tin axe d'ordre 2 (A2) avec préfeuille (PF) et cata- phylle (C) ; D. F. perfoliatus, un axe d ordre 2 avec un bourgeon (b) et une calaphylle (c) ; la préfeuille a déjà dispam et la cataphylle axillant le bourgeon n’est pas représentée ; E, tige souterraine sympodiale ; un article porte successivement les cataphylles « a, b, c, d, e » ; la cataphylle « a » est la préfeuille adossée, << b » axile le relais et « c >• axile un autre relais (Reservespross). Échelles : 1 cm. 120 ADANSONIA, sér. 3 • 1997 (cid:9632) 19(1) Ramification de Potamogeton pectinatus premier mode de ramification (voir Fig. 6E). Le geon (» Reservespross (cid:9632)> d'iRMI.SCH) qui reprodui¬ prolongement A, de A porte le rameau latéral A f ra une autre séquence d’articles souterrains (troi¬ qui se ramifie pour donner A^ ; il y a trois pré¬ sième mode de ramification et Fig. 1 E, 4, 5C) en feuilles adossées PF,, PF^ et PF,, correspondant tous points équivalents aux articles de la généra¬ aux axes A,, A, et Ajj. tion précédente à ceci près qu’ils sont moins Dans le cas de l’hypothèse sympodiale, c’est A vigoureux et fleuriront plus rarement que les pre¬ qui devient brusquement plagiotrope (A,) et miers. porte le rameau latéral dressé A, en donnant un La croissance des tiges souterraines se poursuit, alternatif premier mode de ramification (voir article après article, jusqu’à la formation des Fig. 6F). La situation pour les préfeuilles et pour cormes qui apparaissent dès la mi-juin. A^ et A4 ne change pas avec l’hypothèse sympo¬ Les racines, au nombre de 10-14 par nœud diale. (pointant vers l'apex des articles) n'apparaissent Les descriptions de P pectinatus par les anciens que sur les 2CS nœuds de chaque article (Fig. 1E). auteurs (IKMISH, HaGSTROEM, FRYFR & On remarque que le deuxième entre-nœud a Bennett) ne montrent pas ces détails de l’orga¬ une phase d’élongation qui dure plus longtemps nisation de la plantule et aucune étude sur ce que celle du premier mais au début de leur for¬ point particulier de morphologie n’a été portée à mation, ces deux entre-nœuds ont une longueur notre connaissance. semblable (Fig. 1E). Les extrémités des tiges souterraines présentent des ondulations le long de leurs deux ou trois Le module élémentaire de la plante derniers articles (Fig. 1E, 4). Ces ondulations EN PLEINE CROISSANCE disparaissent quand l’article vieillit, vraisembla¬ Le développement de P. pectinatus (tendant les blement quand les entre-nœuds ont terminé leur mois de juin à août s'effectue selon un mécanis¬ croissance. Tour se passe comme si l’avance de me sympodial aboutissant à la juxtaposition de l’apex du dernier article, freinée par le substrat, modules élémentaires identiques les uns aux n arrivait pas à précéder assez vite 1 élongation autres du point de vue structurel, ces modules des entre-nœuds. peuvent être considérés comme des « articles » au sens de PRÉVOST ( 1967). Le module élémentaire est d’abord souterrain et L’architecture de l’ensemble annuel plagiotrope, il produit un premier entre-nœud Une partie de l’analyse architecturale a déjà été (de 1 à quelques mm de long), une cataphylle réalisée lors de la description du caractère sympo¬ engainante « a >>, un long entre-nœud portant dial des parties souterraines, poursuivons mainte¬ distalement une cataphylle engainante « b » et nant cette analyse en examinant la partie apicale des racines adventives, un 3e entre-nœud très d’un clone tout en suivant le cheminement des court portant la cataphylle « c » puis un 4e entre¬ axes (Fig. 2A.B). nœud (portant la cataphylle « d ») qui se redresse Depuis le sommet S de la plante on observe que pour se prolonger par la partie dressée du pota- les feuilles se suivent de manière alterne-distique mot (Fig. 1E). Par la suite l'axe dressé produira et que les entre-nœuds qui les séparent augmen¬ uniquement des feuilles jusqu'à la floraison, qui tent progressivement de taille. Sur la figure 2C le est terminale. C'est d’ailleurs ce qu'avait déjà rameau axillé par la feuille engainante <, d » a été observé IRMJSH voici un siècle et demi ! dégagé de la gaine pour mettre en évidence la La ramification du module se déroule aussi de cataphylle << ca. » mais la préfeuille adossée à l’axe manière très précise : la cataphylle portée distalc- A| n’y est pas représentée. ment par le 1er enrre-nceud n’axile pas de bour¬ La ramification d’un axe dressé (quatrième geon, la cataphylle portée par le 2e entre-nœud mode de ramification) peut s’observer dès que axile le module élémentaire suivant (deuxième celui-ci a produit 3 ou 4 feuilles visibles (feuilles mode de ramification et Fig. 1E, 4) et la cata¬ dont les gaines renferment d’autres feuilles plus phylle portée par le 3e entre-nœud axile un bour¬ jeunes). Les tiges dressées de P. pectinatus sont ADANSONIA, sér, 3 • 1997 • 19(1) 121 Ramification de Potamogeton pectinatus donc à ramification continue contrairement à principaux car ils ne vont pas en augmentant de celles de P. perfoliatus chez qui de longues séries de longueur vers la base de la plante (Fig. 5A,B). Les nœuds ne développent point de rameaux latéraux. axes d’ordre 4 ne possèdent que 2-4 feuilles On constate aussi (Fig. 1C, 2D) que la pre¬ visibles en plus de leur préfeuille. Nous n’avons mière feuille assimilatrice F du rameau latéral A2 jamais observé de 5L‘ ordre. est orientée du même côté de l'axe que « g », qui Mais pendant que le système dressé se ramifie, est une feuille de la tige principale Al. Il est le système souterrain en fait autant en produisant important de taire cette remarque car c'est à des séquences supplémentaires de modules axillés cause de ces orientations identiques que cette par les cataphylles « c ». IRMISCH parle de espèce est un peu difficile à analyser au premier « Génération » pour une suite de ces séquences. coup d’ocil. En effet, sut un individu abondam¬ C’est un fait marquant que tous les axes d'une ment ramifié on a quelque peine à suivre un même génération sont dirigés du même côté1 de monopode ; depuis un nœud, deux chemins ch| la tige principale (Fig. 4, 5C) en formant un et ch2 semblent possibles (Fig. 2B) et en obser¬ angle droit avec celle-ci (cas très rare chez Les vant plus attentivement, on remarque que le plantes rhizomateuscs, Adrian Bell, comm. monopode suit le chemin où l’on peut compter pers.). Il existe souvent encore une troisième le plus grand nombre d'entre-nœuds (ou de génération (Fig. 4, 5C) mais nous n’en avons pas feuilles), soit ch|. observé de quatrième. Sur la figure 2D on observe que A2 (axillé par La suite des générations successives des tiges la feuille u h ») a produit un rameau latéral A3 à souterraines adopte donc un mouvement tour¬ partir de l’aisselle de sa cataphylle « c » (cinquiè¬ nant (Fig. 5C) qui, s’il se perpétuait indéfini¬ me mode de ramification). La partit dressée est ment, décrirait une spirale. donc un système ramifié monopodial puisque les tiges en produisent latéralement d'autres de dimensions légèrement plus faibles et que toutes Le passage au stade inelorescentiel et ces tiges se prolongent par un même méristème LA FORMATION DES RELAIS SYMPODIAUX apical. On assignera l’ordre 1 à l'axe Al, 1 ordre 2 L'axe d’ordre l produit continuellement des à l’axe A2, l’ordic 3 à l’axe A3, etc. feuilles jusqu'à la floraison qui est terminale Comme nous l’avons vu, la cataphylle insérée (Fig. 5D). Nous n'avons pas observé de floraison entre la préfeuille et la première feuille d’un axe sur les axes d ordre 2, sauf si la tige principale a d’ordre 2 ou 3 axile |e premier rameau latéral été sectionnée, ni sur les axes d’ordre 3- Tous les formé par cet axe. La préfeuille étant adossée, ce Potamogeton ont d’ailleurs une floraison termina¬ premier rameau se trouve de l’autre côté de l’axe le (Dahi.gren, Clifford & Yeo 1485). qui le porte par rapport à la tige principale. Ce Quand la plante vit en eau calme elle produit fait morphologique donne une ramification en en général une paire de feuilles subopposées juste éventail car A3 forme un angle plus grand avec avant l’inflorescence. Le relais naît de l’aisselle de l’axe principal que A2 et A4 un angle encore plus la feuille inférieure de cette paire (sixième mode grand que A3 (Fig. 2D,E). Cet éventail s’étend de ramification), (Fig. 5D). Il ne se développe en en outre du côté de l’axe où il y a le plus de principe qu’un seul relais à la fois, portant un place, soit du côté abaxial de Al. Remarquons que la place ne serait pas aussi bien utilisée si c’était les préfeuilles (adossées) qui axillaient les 1 Ces dispositions unilatérales d'axes d'une même génération rameaux. sont é meure en relation avec les propriétés d'anlidromie/ homodromÎ6 des processus de ramifications. A ce sujet Irmisch Sur un individu de clone connaissant de bonnes noie que le sens d’enroulemenl des cataphylles de conditions de croissance, les axes d’ordre 2, 3 et Potàmogetan natans esl toujours te même à quelques excep¬ tions près, exceptions dont il ne spécifie pas la nature, le sens 4 apparaissent respectivement dès les 3-41', 7-8° de la déviation d'un axe par rapport à l'axe dont il esl issu est et 10-1 Ie feuilles visibles sur Taxe principal. Les probablement en relation avec le sens de l'enroulemenl de la cataphylle qui l'axile. Les axes latéraux seraient donc tous axes d’ordre 2 ont un développement plus lent orientés du même côté de l'axe porteur parce que le sens (ou se terminant plus tôt) que celui des axes d'enroulement des cataphylles y serait constant. ADANSONIA, sèr. 3 • 1997 • 19 (1) 123 Ramification de Potamogeton pectinatus petit nombre de feuilles, rarement les deux ais- dizaines de cm de profondeur, selles sont florifères et dans ce cas un des relais Si les inflorescences des premiers relais sont domine l'autre. P. pectinatus produit en général encore immergées, ce qui est la règle chez P. per- une seule inflorescence, parfois suivie d'un autre jbliatiis, une des inflorescences finira souvent par relais sympodial (Fig. 5D) portant aussi une paire atteindre la surface. Quant à la floraison de de feuilles subopposées et une inflorescence. P. pectinatus, elle se produit, le long des rives Les Potamots du sous-genre Eupotamogeton observées de 1993 à 1996. presque toujours sous Raunkiaer sont anémophiles et l’inflorescence l’eau, habituellement à quelques dizaines de cm doit atteindre la surface du plan dèau pour que de la surface, voire jusqu’à 3 m en dessous ! la pollinisation air lieu mais P. pectinatus appar- Lorsque l’on compte le nombre d entre-nœuds tient au sous-genre Coleogeton qui est à polünisa- d’une tige dressée entre la cataphylle « c » et la tion hydrophile (FtKNAl D 1932 ; MtJENSCHF.R feuille inférieure de la paire de feuilles suboppo- 1936) de sorte que cette espèce pourrait produire sées qui se trouve à la base du pédoncule de des graines viables sous l’eau. l’inflorescence, on trouve : Chez P. pectinatus et P. perfoliatus, l’initiation a — une moyenne de 19,3 entre-nœuds (écart- lieu bien en dessous de la surface de sorte que le type = 2,5) sur 15 individus ayant produit une premier épi de fleurs se développe à quelques inflorescence ; Fig. 4. — Potamogeton pectinatus, jeune clone : En gros chiffres, les nombres de feuilles des axes principaux ; en petits chiffres : les nombres de feuilles sur les axes principaux des relais de seconde génération : 2a, 4°. 6e, etc. désignent l'ordre des noeuds comptés sur le sympode plaglotrope principal. PF : une préfeuille. Sur le relais de deuxième génération situé tout à droite est apparu un relais de troisième génération. Pour améliorer le contraste, les gaines foliaires sont représentées en noir et les lames foliaires en blanc. ADANSONIA, sêr. 3 • 1997 • 19(1) 125 Keller R. — une moyenne de 18,5 entre-nœuds (écart- auteurs, les cataphylles « c » et « d ». D’autres type = 2,6), si l'on tient compte des tiges avec ou entre-nœuds courts, non rubérisés, peuvent sans inflorescences mais qui sont tout de même encore suivre, et ce fait a son importance dans la arrivées jusqu’au stade «< Feuilles subopposées » l’acceptation d’une des deux hypothèses : (25 individus). « monopodiale » ou « sympodiale » (voir Ces résultats concernent des sites d’observations Discussion). étalés du Petit Lac (vers Genève) au Haut Lac (vers Fembouchure du Rhône) et des profon¬ deurs variables, de 1 tn 20 à 4 m 50, pendant les Deux particularités du développement : étés 1995-1996. Il Faut noter encore que la plu¬ UNE RAMIFICATION SYLLEPT1QUE GÉNÉRALISÉE ET part des tiges ne fleurissent pas ou alors s’arrêtent UNE CROISSANCE INTERCALAIRE TRÈS MARQUÉE pratiquement de croître en hauteur après la for¬ Le développement de P. pectinatus se réalise mation de la paire de feuilles subopposées. selon un processus de ramification entièrement Une forme, vivant dans le cours du Rhône à sylleptique (si la plante n’est pas traumatisée) Genève, présente un compottement atypique puisque tous les axes, ceux du système souterrain quant au nombre des entre-nœuds produits par comme ceux du système flot tant, se développent la tige principale : ce ne sont pas moins de 40 de simultanément, chacun avec sa cadence propre ceux-ci qui sont formés sans que n apparaisse la de production d’entre-nœuds : paire de feuilles subopposées (CH.OU.RT 1996). — Dans le système flottant, la ramification suit D’autre part la morphologie et la physionomie de très près la formation du dernier entre-nœud de la plante est assez différente : ses tiges sont car on aperçoit le rameau latéral dès que la 3-4e plus longues et non ramifiées à la base. La forme teuille est produite (il suffit d’écarter les gaines vivant en eau calme peut aussi parfois produire des dernières feuilles pour s’en rendre compte). un nombre d’entre-nœuds significativement plus La ramification y est donc sylleptique. élevé (25-27), mais alors on ne voit pas de paires — Dans le système souterrain, la ramification de feuilles subopposées (par exemple quand la fournissant un nouvel article à partir de Faisselle colonie s’installe par 5 m de fond, là où les tiges de la cataphylle « b » est sylleptique car elle se n’ont aucune chance d’atteindre la surface). produit presque en même temps que la forma¬ tion de l’entre-nœud b-c (Fig. IE). La séquence de ces articles appartient à une même génération. Le passage à la phase de repos (production — Dans le système souterrain, la ramification DES CORMES) fournissant un nouvel article à partir de Faisselle Dès le mois de juillet on observe la formation de la cataphylle c » se produit avec un certain de cormes ; cette production continue jusqu’à fin retard sur la croissance de 1 article. Cette ramifi¬ août environ. À la fin de l'été les cormes se cation se réalise dès que la feuille « e » est bien retrouvent isolés les uns des autres (ou par petits formée (Fig. IE), c’est-à-dire peu après que la groupes isolés) car les tiges souterraines se croissance soit devenue orthotrope. On constate décomposent. donc encore un mode de ramification sylleptique Les cormes des Potamots sont de courtes tiges car celle-ci a lieu sur un article qui n’a connu tubérisées , chez P. pectinatus ces cormes sont iso¬ qu’une brève période de ralentissement de crois¬ lés ou par groupes de deux ou trois (Fig. 5E) cor¬ sance (de Fordrc de 24 heures, lors du redresse¬ respondant à autant d articles rubérisés le long du ment de l’article). sympode. L’axe du corme est entouré par des La croissance intercalaire s'observe très souvent cataphylles ; la cataphylle <> a » est une préfeuille chez les Monocotylédones et le chaume des et la cataphylle « b >. axile Faxe du corme-relais Gramineae en fournit un exemple très démons¬ (Fig. 5E) ; ce sont surtout les troisième et qua¬ tratif, cette croissance provient de l'activité de trième entre-nœuds du corme qui s’épaississent méristèmes internodaux (FiSHER & French (Sauvageau 1893 : 171 ; Graebner 1906 : 1978). Ce phénomène atteint une grande 488) ; ils portent donc distalement, selon ces ampleur chez les tiges dressées des Potamots. 126 ADANSONIA, sér. 3 • 1997 • 19(1)