DECOUVRIR LA BIBLE N°7 Laur-Anne MAREE « La voix de Dieu est silencieuse, Dieu ne donne pas des ordres, il lance des appels... » [Paul Evdokimov] Elie, Amos et Osée, Prophètes en Israël Elie et le Dieu de la brise légère, tableau original de Virginie von Rakowski 1 2 LIMINAIRE Cette collection de petits carnets intitulée « Découvrir la Bible » est rédigée par des étudiants de 3è Baccalauréat en Français / Religion de la Haute Ecole HELMO, site de Sainte-Croix, à Liège. Fruits de Travaux de Fin d’Etudes ou de travaux effectués dans le cadre du cours de Sciences Religieuses de 3è année, ces outils sont destinés aux étudiants en vue de les aider à préparer des leçons de stage et aux professeurs de Religion. Ces cahiers ont notamment comme but de favoriser la mise en œuvre de deux compétences disciplinaires du Programme de religion : « Lire et analyser les textes bibliques » et « Comprendre et expliquer la foi chrétienne ». Chaque démarche pédagogique à propos d’un texte ou d’un thème biblique est précédée d’une recherche exégétique rigoureuse qui offre à l’étudiant l’occasion d’explorer une partie de la littérature scientifique et de s’exercer à manier lui-même l’une ou l’autre méthode d’analyse. Tant chez les élèves que chez le professeur, nous pensons qu’il convient de mettre en pratique l’intention qui sous-tend ces deux questions : « Comprends-tu vraiment ce que tu lis ? – Et comment le pourrai-je si je n’ai pas de guide ? » (Ac 8,30-31). * * * Le présent document a été réalisé par Laur-Anne MAREE dans le cadre du cours sur l’Ancien Testament de troisième année de Régendat Français- Religion de Monsieur Kaefer de la Haute Ecole HELMO, site de Sainte- Croix, à Liège. Il traite de trois prophètes qui ont œuvré dans le Royaume du Nord, Israël, après le schisme de Sichem en 933 : Elie, Amos et Osée. J’espère qu’il sera pour vous un support utile pour la préparation de vos cours de religion catholique. Prof. Dr Jean-Philippe KAEFER, directeur de la collection. 3 Table des matières A. Histoire I. Le schisme de Sichem (933) II. Le Royaume du Nord : Israël (935-721) B. Histoire religieuse : Les prophètes du Royaume du Nord I. Qu’est-ce qu’un prophète ? II. Elie, prophète de contrastes 1. Sa vie 2. La veuve de Sarepta (1R 17, 7-16) 3. Elie et l’enfant mort (1R 17, 17-24) 4. Elie et le peuple au mont Carmel (1R 18, 20-24) 5. Défaite d’Elie : la fuite (1R 19, 1-8) 6. Elie à l’Horeb : la théophanie (1R 19, 9-14) 7. Jésus et Elie dans l’évangile de Luc 8. Elie au cours de religion III. Amos, prophète humain 1. Sa vie 2. Dieu refuse le culte d’Israël (Am 5, 21-24) a) Pourquoi Dieu refuse-t-il le culte ? b) Le Seigneur ne veut pas les sacrifices mais la justice. 3. Amos et les commerçants (Am 8, 4-7) 4. Amos au cours de religion IV. Osée, prophète de l’intimité de l’amour de Dieu 1. Sa vie 2. L’épouse séduite (Os 2, 16-22) a) Une formulation ambivalente b) L’exode renouvelé c) Réconciliation espérée 3. Un amour paternel, voire maternel (Os 11, 1-9) 4. Osée au cours de religion V. Conclusion : Que retenir de ces trois prophètes ? 4 A) Histoire I. Le schisme de Sichem (933) A la mort du roi Salomon, son fils Roboam rencontre les représentants des tribus du Nord afin que ceux-ci le reconnaissent comme souverain. Cependant, il refuse d’alléger les charges imposées pour ses grands travaux et menace même de les alourdir. Excédé, le Nord refuse de renouveler le pacte d’union avec le roi. Les tribus du nord se proclament indépendantes et constituent un royaume : Israël, qui aura pour capitale Samarie. Ils choisissent Jéroboam comme roi. Au sud naît le Royaume de Juda avec comme capitale Jérusalem. Afin de marquer la frontière entre les deux royaumes, Jéroboam érige deux veaux d’or dans les sanctuaires de Béthel et de Dan (1R 12, 28- 30). Cette décision a vivement été contestée dans la Bible. En effet, la tentation était grande d’interpréter cette initiative comme un geste idolâtre rappelant la religion cananéenne. 5 II. Le royaume du Nord : Israël (935-721) Le royaume d’Israël, verdoyant et plutôt prospère par rapport au royaume de Juda, connait fréquemment des luttes dynastiques et certains rois favorisent le culte des baals. Dès la seconde partie du VIIIe siècle, l’Assyrie devient menaçante. Le roi assyrien Téglath-Phalasar III (745-727) contrôle tout le croissant fertile et envahit Israël qui devient son vassal et se voit contraint de lui payer un lourd tribut. Soutenu par l’Egypte, le dernier roi d’Israël, Osée (à ne pas confondre avec le prophète du même nom) refuse de continuer à payer. En réaction, Salmanasar V (727-722), fils de Téglath-Phalasar III, envahit le royaume du Nord. Après trois ans de siège, Samarie doit se rendre au roi Sargon II (722-705) en 721. Le royaume d’Israël comme tel prend fin. Il devient une province assyrienne. Près de 30 000 habitants sont déportés. Ils ne reverront jamais leur terre natale. L’empire assyrien se maintiendra jusqu’en 612, à la prise de Ninive par les Babyloniens. *** 6 B) Histoire religieuse : les prophètes du Royaume du Nord I. Qu’est-ce qu’un prophète ? 1 Le mot prophète vient du grec « » (« prophêtês »). La particule « pro » signifie « à la place de… », faisant donc de « prophêtes » celui qui parle à la place de… Le prophète est ainsi le porte-parole, le héraut de quelqu’un. « Prophêtês » a été utilisé dans la traduction grecque de l’Ancien Testament dite des « Septante », pour traduire le mot hébreux « nâbî » qui désigne le prophète. Actuellement, on rattache le mot « nâbî » à un mot de la langue akkadienne : le verbe « nâbû » qui signifie appeler, proclamer. Mais faut-il le traduire par une construction active : « celui qui appelle, celui qui proclame », ou faut-il préférer une construction passive : « celui qui a été appelé » ? Plusieurs préfèrent la seconde hypothèse. Le mot « nâbî » désigne donc très probablement le prophète comme « celui qui a reçu une vocation », qui a été « appelé » par son Dieu. 1 D’après R. BLANCHET, B. BONVIN, D. CLERC… Jérémie, un prophète en temps de crise 7 II. Elie, prophète de contrastes 1. Sa vie Elie est l’abréviation de Eli-Yahu, « Mon Dieu c’est YHWH ! ». Il apparait au IXe siècle sous le règne d’Akhab (875-853). Pour veiller à la prospérité d’Israël, celui-ci a épousé la fille du roi de Tyr, Jézabel. Malheureusement, elle exerce une forte influence sur son mari et amène avec elle sa religion, ses dieux baals et ses prophètes. Elie, une sorte d’hermite vêtu de poils de chèvres va énormément s’opposer au baalisme et au couple royal. Les récits qui se rapportent à Elie font partie d’un vaste ensemble littéraire que les spécialistes ont dénommé « histoire deutéronomiste » et qui couvre l’ensemble des livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois. Cette œuvre a reçu sa forme finale, semble-t-il, à l’époque de l’exil de Juda à Babylone (6ème siècle). 8 2. La veuve de Sarepta (1R 17, 7-16)2 7 Mais au bout d'un certain temps le torrent fut à sec, car il n'était point tombé de pluie dans le pays. 8 Alors la parole de l'Éternel lui fut adressée en ces mots: 9 Lève-toi, va à Sarepta, qui appartient à Sidon, et demeure là. Voici, j'y ai ordonné à une femme veuve de te nourrir. 10 Il se leva, et il alla à Sarepta. Comme il arrivait à l'entrée de la ville, voici, il y avait là une femme veuve qui ramassait du bois. Il l'appela, et dit: Va me chercher, je te prie, un peu d'eau dans un vase, afin que je boive. 11 Et elle alla en chercher. Il l'appela de nouveau, et dit: Apporte-moi, je te prie, un morceau de pain dans ta main. 12 Et elle répondit: L'Éternel, ton Dieu, est vivant! je n'ai rien de cuit, je n'ai qu'une poignée de farine dans un pot et un peu d'huile dans une cruche. Et voici, je ramasse deux morceaux de bois, puis je rentrerai et je préparerai cela pour moi et pour mon fils; nous mangerons, après quoi nous mourrons. 13 Élie lui dit: Ne crains point, rentre, fais comme tu as dit. Seulement, prépare-moi d'abord avec cela un petit gâteau, et tu me l'apporteras; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils. 14 Car ainsi parle l'Éternel, le Dieu d'Israël: La farine qui est dans le pot ne manquera point et l'huile qui est dans la cruche ne diminuera point, jusqu'au jour où l'Éternel fera tomber de la pluie sur la face du sol. 15 Elle alla, et elle fit selon la parole d'Élie. Et pendant longtemps elle eut de quoi manger, elle et sa famille, aussi bien qu'Élie. 16 La farine qui était dans le pot ne manqua point, et l'huile qui était dans la cruche ne diminua point, selon la parole que l'Éternel avait prononcée par Élie. Le prophète est envoyé à Sarepta, dans le pays de Sidon, c’est-à-dire en plein pays de Baal. Là, il va devoir s’en remettre pour sa vie à une veuve et à un orphelin, de pauvres marginaux que la sécheresse a réduit à toute extrémité. On est bien loin de la confrontation avec le roi qui animait précédemment Elie. Malgré sa situation, la veuve accepte de partager le peu qu’elle possède, elle échappe ainsi à la logique humaine qui fait que l’on a toujours quelque-part peur de « manquer ». Elie suscite ici partage et ouverture. Elie est porteur d’une parole du Seigneur qui se réalisera (v. 14-16). C’est l’occasion pour lui de faire l’expérience d’un Dieu qui nourrit et fait 2 Toutes les analyses suivantes sont tirées du livre d’A. Wénin, Elie et son Dieu . 9 vivre. Dieu veille à sa vie à travers des petites gens qui, dans la pauvreté, ont le sens de l’accueil et du don, le sens de la confiance également. Mais il peut encore constater la volonté de vie du Seigneur pour les petits et ainsi expérimenter sa propre vocation : révéler aux pauvres un Dieu de vie qui arrache à une mort attendue ceux qui mettent leur confiance en la parole d’autrui. 3. Elie et l’enfant mort (1R 17, 17-24) 17 Après ces choses, le fils de la femme, maîtresse de la maison, devint malade, et sa maladie fut si violente qu'il ne resta plus en lui de respiration. 18 Cette femme dit alors à Élie: Qu'y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu? Es-tu venu chez moi pour rappeler le souvenir de mon iniquité, et pour faire mourir mon fils? 19 Il lui répondit: Donne- moi ton fils. Et il le prit du sein de la femme, le monta dans la chambre haute où il demeurait, et le coucha sur son lit. 20 Puis il invoqua l'Éternel, et dit: Éternel, mon Dieu, est-ce que tu affligerais, au point de faire mourir son fils, même cette veuve chez qui j'ai été reçu comme un hôte? 21 Et il s'étendit trois fois sur l'enfant, invoqua l'Éternel, et dit: Éternel, mon Dieu, je t'en prie, que l'âme de cet enfant revienne au dedans de lui! 22 L'Éternel écouta la voix d'Élie, et l'âme de l'enfant revint au dedans de lui, et il fut rendu à la vie. 23 Élie prit l'enfant, le descendit de la chambre haute dans la maison, et le donna à sa mère. Et Élie dit: Vois, ton fils est vivant. 24 Et la femme dit à Élie: Je reconnais maintenant que tu es un homme de Dieu, et que la parole de l'Éternel dans ta bouche est vérité. Le récit pivote autour de la double prière du prophète en faveur de l’orphelin mort. On peut envisager l’hypothèse que ce soit l’amour de sa mère qui « étouffe » l’enfant et qu’Elie le ramène à la vie, le libère, par sa prière. C’est cette prière entendue qui lui permet de rendre vivant à la femme l’enfant qu’elle lui avait donné mort ; c’est cette prière exaucée qui permet à la femme de reconnaître que l’homme de Dieu n’est pas un agent de mort, mais de vie, et qu’à ce titre, il est en vérité le porte-parole du Seigneur, du Dieu d’Israël. Ainsi, au terme de cet épisode, Elie est confronté à la faiblesse radicale : l’orphelin mort et la douleur déchirante de sa mère. On es ici à l’extrême opposé de l’affrontement entre puissants qu’Elie cherche au début en 10
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