r D André VÉDRINE 1895 1995 Cent ans d' Espéranto dans la région RhôneAlpes et en Saône et Loire en collaboration avec Ida VÉDRINE Préfaces et Postface de Pierre JANTON Professeur à l'université Blaise PASCAL (ClermontFerrand) Catherine MORLAY Maître de conférences à l' Université Claude Bernard (Lyon I) Claude PIRON Interprète ONU et OMS, Enseignant Université de Genève Édition de 2007. ** 2 ZONE GÉOGRAPHIQUE DE L'ÉTUDE. 3 ** 4 PREFACES I Le livre que vous venez d'ouvrir possède la rarissime qualité d'unir l'érudition la plus solide et les agréments les plus variés. L'information, patiemment recherchée dans les archives du passé puis transmise avec une simplicité et une clarté éloquentes, construit un théâtre vivant où les situations et les personnages emportent l'intérêt et la sympathie du lecteur. Cet ouvrage retrace plus qu'une fresque, car une fresque ne bouge pas alors qu'ici tout remue, fermente, passe et nous entraîne. Lecteur qui prend ce livre, ce livre te prendra. André Védrine nous en avait donné les prémices dans une étude exemplaire de l'espérantisme lyonnais, étude qu'il incorpora ensuite à une monographie englobant la région RhôneAlpes. Cette fois c'est moins les limites topographiques (il y inclut la Saône etLoire) que les bornes chronologiques qu'il déplace, puisqu'il les fixe en 1995 année du centième anniversaire de l'espéranto dans la région. Aux archives publiques et privées sur lesquelles, secondé par son épouse, il a usé son temps et sa vue, l'auteur a ajouté son témoignage personnel, rassemblant sous une forme commode et agréablement illustrée une documentation dispersée et difficilement accessible. Il sauve ainsi de l'oubli toute une histoire et toute une galerie de portraits en qui chacun serait fier de se reconnaître un peu. Au lecteur de les découvrir, sous la plume concise de l'auteur et, avec eux, un dynamisme composé d'idée et de raison, de passion et d'abnégation. On notera aussi, dans le miroir de l'expérience lyonnaise, combien le visage de l'espérantisme a mûri non pas vieilli, car son caractère rationnel et généreux lui conserve sa jeunesse et comment les sempiternels obstacles du préjugé et de la perfidie, loin d'y graver les rides de l'amertume, lui confèrent au contraire patience et sérénité. Et il en faut aujourd'hui, alors que déferlent sur les langues et les cultures nationales les dangers auxquels les premiers espérantophones voulaient obvier. Pourtant la lecture de cette belle histoire d'amour avec une langue 5 incomparable réserve aux espérantistes de 1995 bien autre chose que la délectation morose de Cassandre : la preuve que 1a communauté est capable de se renouveler, et de s'étendre grâce à ses propres forces internes et indépendamment des pouvoirs et des pressions extérieures. Il faut, certes, souhaiter que les décideurs politiques aident concrètement l'espéranto à amplifier dans toutes les sphères le rôle international qu'il joue déjà efficacement à travers la diaspora espérantophone. Mais cette diaspora est plus qu'un banc d'essai ou laboratoire linguistique, elle n'a plus à démontrer que l'espéranto fonctionne. Chacun peut voir s'il veut voir, qu'il fonctionne très bien, qu'elle constitue un lieu et un terrain privilégié pour mener à bien une expérience unique : en elle, en effet, s'élabore un modèle de civilisation où les cultures s'enrichissent sans se heurter et préservent leur identité en la situant dans une perspective universelle. Il est rassurant de savoir qu'entre les extrêmes du chauvinisme borné et du mondialisme niveleur existe une communauté capable de mettre en œuvre ce modèle et de vivre selon ce principe. L'histoire de l'espéranto dans l'aire géographique et à l'époque considérée en apporte la preuve. On ne peut que féliciter André Védrine d'avoir mis tant de conscience et d'intelligence à ce travail. Mais il est de ceux pour qui leurs mérites ne comptent pas, bien qu'ils soient innombrables, et à qui l'on ne peut dire que merci. Pierre JANTON1 1 Publications de P. JANTON : L'Espéranto (Que saisje ?), Esperanto, Lingvo, literaturo, movado (aussi en anglais, UEA), 6 II Monsieur le Dr André Védrine me sollicita pour rédiger une préface à cet ouvrage alors que je commençais tout juste à suivre mes premiers cours d'espéranto avec Madame Jeanne Delavalade à la Maison de l'Amitié de la CroixRousse de Lyon. Monsieur Védrine était alors à la recherche d'un ou d'une néophyte de la Langue Internationale. J'acceptais immédiatement et avec grand plaisir la proposition qui m'était faite bien que la tâche ne me parut mal aisée et que je l'appréhendasse quelque peu en tant que ma première expérience du genre. Mes craintes furent vite dissipées à la lecture de cet ouvrage dans lequel le Docteur Védrine, au terme d'un considérable travail de recherche documentaire, retrace avec minutie l'apparition d'un siècle de la vie de l'Espéranto dans la zone géographique considérée ici. Je suis tentée d'écrire qu'en parcourant ces lignes, le lecteur sent véritablement battre le pouls de la Langue Internationale. L'Espéranto, première langue internationale "valable", œuvre du Docteur Louis Lazare Zamenhof, d'origine polonaise, se propage tout d'abord dans les milieux aisés, ceux ayant accès à l'éducation et chez l'élite littéraire auprès de laquelle il trouva d'éminents partisans tels Léon Tolstoï, Jules Verne puis Henri Barbusse. Mais rapidement grâce à la ferveur de ses militants et de certains enseignants, l'Espéranto se démocratise et sa large diffusion, soutenue par une "propagande" active tend vers la réalisation du souhait le plus cher de son inventeur : en effet cette langue a été spécialement conçue par Zamenhof de sorte qu'elle puisse être apprise en un temps record par rapport à n'importe quelle langue vivante et ainsi être accessible à toutes les classes sociales, sans distinction. Très tôt, on croit beaucoup en l'Espéranto pour faciliter les rapports internationaux, les échanges culturels, scientifiques et commerciaux et promouvoir le tourisme. Dès 1911, on compte 800 membres en France et 400 élèves sont recensés à Lyon et dans sa banlieue en 1935. Ce développement ne va pas cependant sans inquiéter (faussement) certains : la langue internationale ne se voudraitelle pas être la langue universelle et ne chercheraitelle pas à s'imposer à plus ou moins long terme aux langues nationales ? 7 L'Espéranto a été clairement présentée par ses partisans comme une "langue auxiliaire" une langue "seconde" qui viendrait non pas s'imposer à la langue maternelle de chacun, support de la culture de tout un peuple, mais se juxtaposer à celleci pour permettre aux hommes de surmonter l'immense obstacle du langage à fin qu'ils puissent enfin se comprendre à l'échelle de toute la planète. Ce qui frappe lorsqu'on évoque l'Espéranto, ce qui est indissociable de l'Espéranto, c'est la philosophie qu'il véhicule. Léon Émery professeur à l'École Normale de Lyon écrit en juillet 1939 (citation tirée de cet ouvrage) "La vertu profonde de l' Espéranto est dans sa signification spirituelle et non dans son utilité pratique." Par ailleurs, au sujet de la "langue de la paix", Justin Godard a déclaré lors d'une conférence qui s'est tenue à Lyon, en 1944, alors qu'il était maire intérimaire de Lyon libérée (citation également extraite de cet ouvrage) "Les évènements nous ont montré que, de plus en plus, si nous voulons voir régner la paix dans le monde il importe que les peuples se comprennent et ils ne peuvent se comprendre que s'ils ont une langue commune, s'ils peuvent correspondre directement... La révolution se fait par le peuple, par l'opinion publique. Ce n'est que lorsque l'opinion publique sera vraiment convaincue de la nécessité d'une langue internationale... qu'on pourra faire la véritable révolution et l'imposer dans l'enseignement". En effet, les multiples tentatives d'introduction de l'Espéranto dans l'enseignement (primaire ou secondaire) dispensé en France semblent malheureusement vaines. Mais à l'heure où tout se mondialise, où la technologie évolue de plus en plus rapidement, où l'information est véhiculée instantanément d'un bout à l'autre du monde, n'eston pas en droit de penser qu'il existe une sorte de décalage avec l'évolution du langage que l'on observe là une sorte d'anachronisme ? Une langue commune ne vaudraitelle pas, dans le registre humain, tout autant qu'une monnaie commune dans le domaine financier ? Une langue internationale, comme l'Espéranto, faisant preuve d'autant de rigueur et de simplicité à la fois dans sa conception ne mériteraitelle pas qu'on lui prête un peu plus d'attention ? Il me semble que l'Espéranto devrait plus que jamais avoir de beaux jours devant lui, d'autant que sa valeur propédeutique a été prouvée. Pour en terminer enfin, je ne saurais faire autrement que de remercier le Docteur André Védrine, et ce, pour plusieurs raisons : 8 Tout d'abord, bien sûr, pour l'honneur qu'il m'a fait en me confiant la rédaction d'une préface à son ouvrage, mais aussi pour la contribution que ce dernier apporte au rayonnement de l'œuvre de Zamenhof et enfin pour le plaisir que la lecture de cet ouvrage ne manquera pas d'apporter à un grand nombre d'espérantistes confirmés ou... néophytes. Catherine MORLAY. 9 AVANT – PROPOS Au moment de commencer la rédaction de cet avantpropos nous recevons une lettre de Chemnitz (Allemagne). Nous en traduisons quelques phrases, "... C'est incroyable, le nombre de faits qui déjà sont noyés dans l'oubli. C'est une affaire intéressante de "sauver" ces faits... Enfin je déposerai (la chronique en cours de rédaction par notre correspondant) aux Archives publiques de la ville qui ne possèdent rien actuellement. Peutêtre que nos héritiers nous en remercieront". Que Rudolf BURMEISTER sache que sa lettre est la bienvenue pour nous encourager, et espérons le en encourager d'autres. Nous trouvons très souvent des militants espérantistes qui ont peu d'intérêt pour l'histoire de notre langue. Il nous est difficile de les blâmer, car ce fut notre cas pendant longtemps. La retraite venue, nous avons été amené à établir le catalogue des 753 ouvrages déposés à la Bibliothèque Municipale de Lyon. Ce catalogue n'avait jamais été fait. En écrivant une brève introduction à ce travail, nous avons ressenti l'envie d'en savoir plus et de le faire savoir, d'où des publications peu à peu étendues dans le temps et dans l'espace, jusqu'à cette présentation. Comme nous sommes parfois interrogés sur la méthode employée et les difficultés rencontrées, nous sommes obligés de dire que nous avons eu besoin de patience, mais aussi que parfois l'aide est venue de la chance, mais parfois il faut savoir l'aider, le hasard est à saisir. Ainsi c'est par le hasard dû à notre curiosité que nous avons découvert aux Archives Départementales du Rhône, un certain numéro de la revue ESPERANTO, édité en 1906, Numéro totalement inconnu par ailleurs, et qui est signalé, et pourquoi ?, uniquement dans le catalogue manuscrit des périodiques de cet établissement, et qui n'est pas mentionné dans le catalogue imprimé des périodiques ! Avant l'époque étudiée, quelques périodiques ont bien signalé l'Espéranto, mais plus pour s'en moquer que pour donner une information sérieuse. La première source française valable pour nous se trouve dans la revue L'ÉTRANGER et un peu plus tard une autre revue L'ESPÉRANTISTE. Ces deux publications nous donnant la liste de leurs abonnés, et dans la première on trouve les noms de ceux qui sont espérantistes ou désirent étudier. Il y a également les titres de journaux qui ont contenu un article sur la langue, article 10
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