Rapport de recherche no 2017-T-06-FR Aptitude à la conduite Dossier thématique Sécurité routière n°14 Vias institute 2018 2 Aptitude à la conduite Dossier thématique Sécurité routière n°14 Rapport de recherche no 2017-T-06-FR Auteurs : Maud Ranchet (IFSTTAR), Quentin Lequeux et Philip Temmerman Éditeur responsable : Karin Genoe Éditeur : Vias institute – Centre de Connaissance Sécurité Routière Date de publication : 06/06/2018 Dépôt légal : D/2017/0779/80 Veuillez référer au présent document de la manière suivante : Ranchet, M., Lequeux, Q. & Temmerman, P. (2018). Dossier thématique Sécurité routière n°14 Aptitude à la conduite. Bruxelles, Belgique : Vias institute – Centre Connaissance de Sécurité Routière. Dit rapport is eveneens beschikbaar in het Nederlands onder de titel: Themadossier Verkeersveiligheid nr. 14 Rijgeschiktheid. This report includes a summary in English. Cette recherche a été rendue possible par le soutien financier du Service Public Fédéral Mobilité et Transports. Vias institute 2018 3 Remerciements Les auteurs et Vias institute tiennent à remercier les personnes et organisations suivantes pour leur contribution très précieuse à ce dossier thématique : • Mark Tant, qui a été le réviseur interne du Vias institute. Toutefois, la responsabilité du contenu du présent rapport incombe aux auteurs seuls. • Annelies Schoeters, qui a supervisé le dossier et a assuré le contrôle de qualité final. Vias institute 2018 4 Table des matières Résumé_________________________________________________________________________________ 5 Summary _______________________________________________________________________________ 6 1 Affections médicales et sécurité routière ___________________________________________________ 7 1.1 Les affections médicales ___________________________________________________________ 7 1.2 Aptitude à la conduite _____________________________________________________________ 8 1.3 Participation au trafic______________________________________________________________ 8 1.4 Ampleur du problème _____________________________________________________________ 9 1.4.1 Variabilité du risque d’accidents entre les affections médicales __________________________ 9 1.4.2 Vieillissement de la population ___________________________________________________ 10 1.5 Les risques _____________________________________________________________________ 10 2 Mesures ____________________________________________________________________________ 14 2.1 Politiques de sécurité routière ______________________________________________________ 14 2.1.1 Évaluation de la conduite _______________________________________________________ 14 2.1.2 Mentions restrictives ___________________________________________________________ 14 2.1.3 Campagnes d’information / sensibilisation __________________________________________ 14 2.2 Comportement __________________________________________________________________ 14 2.2.1 Régulation des comportements __________________________________________________ 14 2.2.2 Entrainement _________________________________________________________________ 14 2.2.3 Arrêt de la conduite ____________________________________________________________ 15 2.3 Aménagement du véhicule ________________________________________________________ 15 2.3.1 Technologies dans le véhicule ____________________________________________________ 15 2.4 Infrastructures __________________________________________________________________ 15 3 Réglémentation en Belgique ___________________________________________________________ 16 3.1 Aperçu ________________________________________________________________________ 16 3.2 Deux groupes de conducteurs _____________________________________________________ 16 3.3 L’attestation ____________________________________________________________________ 16 3.4 Normes médicales auxquelles le candidat doit satisfaire _________________________________ 17 3.5 Codes du permis de conduire ______________________________________________________ 17 3.6 Alcool _________________________________________________________________________ 18 3.7 Dispositions pénales et mesures de sécurité __________________________________________ 18 3.7.1 Amende _____________________________________________________________________ 18 3.7.2 Déchéance du droit de conduire __________________________________________________ 18 4 Chiffres clés belges ___________________________________________________________________ 19 4.1 Évaluations de l’aptitude à la conduite et décisions _____________________________________ 19 4.2 Caractéristiques démographiques ___________________________________________________ 21 Liste des figures et tableaux _______________________________________________________________ 24 Références _____________________________________________________________________________ 25 Vias institute 2018 5 Résumé Les conducteurs souffrant d’une ou plusieurs affections médicales peuvent avoir des déclins au niveau des fonctions visuelles, cognitives et/ou motrices qui interfèrent avec l’aptitude à la conduite automobile. Face au vieillissement démographique de la population et à la forte prévalence d’affections médicales, il est important d’identifier les conducteurs à risque d’accidents et de rechercher des solutions pour maintenir leur mobilité et leur indépendance le plus longtemps possible. La question de l’aptitude à la conduite des personnes souffrant d’une ou plusieurs affections médicales est au cœur des préoccupations des médecins, des familles, des personnes elles-mêmes, des politiques et des autorités du permis de conduire. Sur le plan législatif, l’Union Européenne et les autorités délivrant le permis de conduire ont imposé certaines conditions au renouvellement ou à l’obtention du permis de conduire pour les personnes présentant des affections médicales particulières. Malgré tout, les procédures d’évaluation de l’aptitude à la conduite varient suivant les pays. La littérature fait état d’un nombre d’accidents mortels plus important pour les personnes qui souffrent de problèmes liés à l’alcool ou de troubles du sommeil. Les personnes peuvent être considérées à risque d’accidents sur base des données détaillées d’accidents et/ou des avis d’aptitude à la conduite émis par les médecins ou les évaluateurs sur route. Les performances sur simulateur de conduite ou sur route réelle sont parfois prises en compte pour identifier les difficultés lors de la conduite et pour déterminer les conducteurs à risque d’accidents. Les résultats de la littérature montrent que le risque d’accidents varie selon le groupe d’affections médicales. Les problèmes liés à l’abus de substances (telles que l’alcool et les drogues), les troubles psychiatriques, les troubles du sommeil (par exemple l’apnée du sommeil), les affections neurologiques (par ex. la démence) ont été identifiés comme les affections médicales les plus susceptibles d’influencer le comportement de conduite. De manière à pallier aux problèmes fonctionnels liés à la présence d’une ou plusieurs affections médicales, des mesures en termes de politiques de sécurité routière peuvent être envisagées. La personne peut également adapter son comportement de conduite en fonction de ses difficultés. Les technologies à l’intérieur du véhicule et l’arrivée des véhicules autonomes peuvent également aider à maintenir la conduite sécuritaire. Cependant, l’acceptabilité et l’efficacité de ces technologies restent encore à déterminer. Des modifications au niveau de l’infrastructure pourraient également améliorer leur comportement en conduite. Vias institute 2018 6 Summary Drivers suffering from one or more medical conditions may also have impaired visual, cognitive and/or motor functions that interfere with their ability to drive. Faced with an ageing population and the high prevalence of medical conditions, it is important for us to identify drivers who are at risk of having accidents, while at the same time looking for solutions that will help maintain their mobility and keep them independent for as long as possible. The question of the driving ability of individuals suffering from one or more medical conditions is at the heart of the concerns of doctors, the individuals themselves and their families, as well as driving licence policies and the licence-issuing authorities. From a legislative point of view, the European Union and the authorities that issue driving licences have imposed certain conditions on the renewal of driving licences and even obtaining them in the first place for people who have specific medical conditions. But despite everything, the procedures used to evaluate a person’s ability to drive vary from country to country. In Belgium, to be able to drive a motor vehicle, the driver needs not only to be in possession of a driving licence, but also be capable of driving safely. This means that he or she must be physically and mentally able to drive in traffic in complete safety. Belgian regulations on driving ability will be detailed in this report. Evidence from the literature notes that the number of fatal road accidents is higher for individuals suffering from problems associated with alcohol or sleeping disorders. Drivers may be considered as being at risk of having accidents based on detailed accident data and/or the opinions issued as to their ability to drive provided by doctors or assessors on the road. Individual drivers’ performances on a driving simulator or out on the road are sometimes taken into account to identify any difficulties they may have when driving and also to determine whether they are likely to be at risk of having an accident. In Belgium, assessments of driving ability are carried out by doctors and/or by the CARA, the body accredited for assessing the driving ability of individuals with reduced functional capabilities. The key figures relative to driving ability in Belgium will be the subject of section 4 of this report. A literature review shows that the risk of accidents varies according to the group of medical disorders. The problems associated with substance abuse (such as alcohol and drugs), psychiatric problems, sleep disorders (such as sleep apnoea) and neurological conditions (such as dementia) have been identified as the medical conditions most likely to have an adverse effect on driving behaviour. Measures in terms road safety policies may be envisaged in order to mitigate the functional problems associated with the presence of one or more medical conditions in a person. The individuals in question may also make changes to their driving habits and behaviour based on their particular difficulties. Vehicle technology, as well as the arrival of self-driving cars may also be of value in ensuring safer driving. However, the level of acceptance and the effectiveness of these new technologies still remain to be determined. Modifications in terms of infrastructure may also improve the way they drive. Vias institute 2018 7 1 Affections médicales et sécurité routière 1.1 Les affections médicales Conduire un véhicule est une des activités de la vie quotidienne qui, en permettant de se déplacer en toute liberté, préserve l’autonomie et la mobilité de l’individu. Cette activité peut être considérée comme une tâche complexe puisqu’elle implique de nombreuses capacités perceptives, motrices et cognitives. Ces capacités peuvent être perturbées par la présence d’une ou plusieurs affections médicales (Marshall & Man-Son-Hing, 2011; Vaa, 2003). Les affections médicales, qu’elles soient chroniques ou aigües peuvent altérer certaines composantes clefs utiles à la conduite. Les affections chroniques ont généralement un début progressif, et une durée longue. Certaines sont même quasi définitives, comme le diabète et les hémiplégies. Les affections chroniques les plus fréquentes comprennent les affections cardiovasculaires, la démence ou encore l’arthrite. Les affections aigües, à l’inverse, ont en général un début brutal et une durée brève comme les crises d’épilepsie par exemple. Tous les groupes d’affections médicales décrits dans ce rapport se réfèrent aux affections médicales présentées dans l’annexe III de la directive du conseil relatif au permis de conduire (2006/126/CE du 20 décembre 2006). Les affections médicales peuvent concerner les personnes souffrant de troubles visuels, comme les maladies oculaires progressives (par ex. glaucome, cataracte). L’acuité visuelle, le champ visuel, la vision crépusculaire doivent être particulièrement examinés dans le cas d’une personne qui est candidate ou qui renouvelle son permis de conduire. Les personnes handicapées de l’appareil locomoteur doivent également être soumises à un examen médical où des techniques de compensation ou des types d’aménagements sont envisagés. Les affections cardio-vasculaires, telles que l’infarctus du myocarde ou les anomalies de la tension artérielle, qui provoquent une altération subite des fonctions cérébrales constituent un danger pour la sécurité routière. Les personnes qui souffrent d’un diabète sucré, d’une maladie neurologique (par ex. de démence ou d’un accident vasculaire cérébral), de crises d’épilepsie font l’objet d’un examen médical. Les personnes avec des troubles mentaux tels que les maladies psychiatriques ou les troubles d’arriération mentale graves sont aussi à évaluer. Les troubles liés à l’abus d’alcool constituent également un danger important pour la sécurité routière. Les candidats au permis de conduire ayant des troubles liés à l’abus de drogues et de médicaments sont susceptibles de compromettre l’aptitude à conduire sans danger. Les personnes avec des affections rénales ou des dispositions diverses (transplantation d’organes ou implant artificiel) doivent être évaluées par un examen médical. La dépression, le syndrome d’attention et d’hyperactivité, l’apnée du sommeil seront également pris en compte dans ce rapport. Comme l’indique la Figure 1, la prévalence d’affections médicales augmente avec l’âge(Naughton, Bennett, & Feely, 2006). Une plus grande proportion de personnes âgées de plus de 65 ans ou plus souffre d’arthrite, d’une maladie cardiaque, de diabète, de cataracte ou de glaucome (MacNee, Rabinovich, & Choudhury, 2014). Figure 1. Exemple de prévalence d’affections médicales selon l’âge de l’individu Abréviation: COPD - chronic obstructive pulmonary disease (maladie pulmonaire obstructive chronique) Source : MacNee et al. (2014) Vias institute 2018 8 Le vieillissement de la population fait également augmenter la prévalence des troubles cognitifs (Hay, Etienne, Gabaude, & Paire-Ficout, 2016). Les personnes qui souffrent de troubles cognitifs légers (de 20 à 40%) ont un risque plus élevé de progresser vers une démence (Mitchell & Shiri-Feshki, 2009). La prévalence de la démence touche en général 5 % des plus de 65 ans (Hugo & Ganguli, 2014) et 20 % des personnes de plus de 80 ans. 1.2 Aptitude à la conduite L’aptitude à la conduite correspond aux capacités physiques et mentales jugées suffisantes par les autorités compétentes pour autoriser la conduite d’un véhicule. L’Union Européenne et les autorités du permis de conduire ont imposé certaines conditions au renouvellement ou à l’obtention du permis de conduire pour les personnes présentant des affections médicales particulières. La législation européenne stipule que les candidats au permis de conduire (pour le groupe 1) doivent faire l’objet d’un examen médical s’il apparaît, lors de l’accomplissement des formalités requises, ou au cours des épreuves qu’ils sont tenus de subir avant d’obtenir un permis, qu’ils sont atteints d’une ou de plusieurs des incapacités mentionnées dans l’annexe III de la directive du conseil relatif au permis de conduire (2006/126/CE du 20 décembre 2006). Celle-ci présente les normes minimales concernant l’aptitude physique et mentale à la conduite d’un véhicule à moteur. Bien que cette directive soit obligatoire pour tous les membres de l’Union Européenne, il y a des différences entre les pays, notamment en termes de procédures d’évaluation de l’aptitude à la conduite, d’âge à la première évaluation, de périodes de renouvellement, et des coûts encourus par les personnes qui souhaitent prolonger leur permis de conduire. Aussi, le rôle et la responsabilité des médecins dans la décision d’aptitude à la conduite varient selon les pays. En Espagne, l’évaluation de l’aptitude à la conduite est réalisée par un centre spécifique (Medical Driving Test Centres). En Belgique, l’évaluation est effectuée par les médecins et/ou par le CARA. Pour d’autres pays, comme la France, à ce jour, il n’y a pas d’évaluation systématique de l’aptitude à la conduite pour les conducteurs présentant des affections médicales. Les médecins n’ont pas à déclarer aux autorités administratives un conducteur qui présente une contre-indication médicale à la conduite, mais ils ont une obligation de conseil et d’information auprès de leurs patients. Seul un médecin agréé peut se prononcer sur l’aptitude médicale de la personne à conduire en France. Ce médecin vérifie la compatibilité de la santé du conducteur avec la conduite et peut prescrire les aménagements nécessaires au maintien du permis de conduire. Dans d’autres pays, des dispositions réglementaires ont été prises en fonction de l’âge. Les pays comme le Danemark, le Royaume-Uni, l’Italie et la Suisse ont mis au point des procédures de renouvellement du permis de conduire pour les personnes de plus de 70 ans. Dans la plupart des états au Canada ou aux États-Unis, le médecin est mandaté pour déclarer si la personne est apte ou non à la conduite. Avec l’instauration progressive depuis 2013 du permis de conduire unique dans l’Union Européenne (directive européenne 2006/126), la durée de validité administrative du nouveau permis de conduire est limitée en fonction des États membres. En Espagne, le permis de conduire doit être renouvelé tous les 10 ans jusqu’à 45 ans, tous les 5 ans entre 46 et 70 ans et tous les 2 ans à partir de 70 ans pour les conducteurs non professionnels. En Belgique, un examen d’aptitude à la conduite est réalisé au centre d’évaluation de l’aptitude à la conduite (CARA) si la personne souffre d’une diminution de ses capacités fonctionnelles en raison d’une affection médicale susceptible d’influer sur la conduite en toute sécurité d’un véhicule à moteur. C’est une équipe multidisciplinaire qui examinera l’aptitude à la conduite et, le cas échéant, remettra à la personne des documents permettant d’obtenir un (nouveau) permis de conduire. À la suite de l’évaluation (comme c’est le cas de l’Espagne), la personne pourra être considérée apte à conduire, apte à conduire avec des modifications dans le véhicule et/ou des restrictions concernant l’usage du permis (ex. : conduite de nuit) ou inapte à conduire. En Belgique ou aux Pays-Bas, la durée de validité administrative est de 10 ans. En France, la durée de validité du nouveau permis de conduire est de 15 ans. Le renouvellement du nouveau permis de conduire devrait rester administratif. La directive comporte toutefois des dispositions détaillées pour des conducteurs qui présenteraient des troubles cognitifs et des déficits fonctionnels sévères. 1.3 Participation au trafic Il a été démontré que 50% des personnes présentant des affections médicales susceptibles de perturber la conduite continuaient malgré tout à conduire (Wang, Carr, & Older Drivers Project, 2004). Afin de Vias institute 2018 9 déterminer le nombre de conducteurs présentant des affections médicales quel que soit l’âge de la personne, une analyse a été réalisée en Espagne sur 5.234 conducteurs qui venaient pour l’obtention ou le renouvellement du permis de conduire à l’un des deux centres d’évaluation médicale (Spanish Medical Driver test centres) (Alvarez, Del Rio, Fierro, Vicondoa, & Ozcoidi, 2004). 32,6% des conducteurs évalués souffraient d’une maladie. Le Tableau 1 ci-dessous montre le pourcentage de conducteurs selon le groupe d’affection médicale au moment de l’obtention ou du renouvellement du permis de conduire. Tableau 1. Conducteurs souffrant d’une affection médicale au moment de l’obtention ou du renouvellement du permis de conduire Groupe d’affection médicale Pourcentage des conducteurs Maladies cardiovasculaires 11,6% Maladies d’ordre métabolique ou endocriniennes 8,9% Hypertension artérielle 8,5% Hypercholestérolémie 4,1% Diabète sucré 3,9% Maladies du système locomoteur 3,7% Maladies du système respiratoire 2,8% Maladies mentales ou comportementales 2,6% Maladies hématologiques 1,8% Maladies neurologiques et musculaires 1,6% Maladies liées à la prise de substance 0,8% Maladie du système rénal 0,6% Autres causes 7,2% Source : Alvarez et al., 2004 Parmi les 16,7 % de conducteurs qui étaient considérés aptes à conduire avec des restrictions, 7,1% avaient des problèmes de diabète, d’hypertension, d’hypercholestérolémie ou des troubles respiratoires. Les conducteurs qui n’étaient pas aptes à conduire étaient ceux souffrant de maladies psychiatriques, de maladies au niveau du système locomoteur et de maladies rénales. Une analyse plus récente a été réalisée auprès de 6.584 personnes qui sont venues au centre pour une évaluation de leur aptitude à la conduite (CARA) en Belgique entre 2013 et 2014 (Moon, Ranchet, Tant, Akinwuntan, & Devos, 2017). La majorité des personnes (90%) étaient jugées aptes à conduire par l’équipe pluridisciplinaire du CARA. Les personnes qui étaient référées au centre pour une évaluation de la conduite étaient, pour la plupart, des personnes souffrant d’une affection neurologique (n = 4.837 ; 74%), d’affections musculosquelettiques (12%), ou d’affections psychiatriques (6%). Par rapport aux autres groupes de personnes, il est possible que les personnes souffrant d’une affection neurologique aient besoin de plus d’adaptations au niveau de leur véhicule. 1.4 Ampleur du problème 1.4.1 Variabilité du risque d’accidents entre les affections médicales À l’échelle mondiale, en 2002, les accidents liés aux véhicules à moteur ont été la cause de 1,2 millions de morts et de 20 à 50 millions de blessures ou d’incapacités touchant toutes les catégories d’âge. D’ici 2030, les accidents de la route représenteront la 3ème cause de mortalité (Peden & World Health Organization, 2004; World Health Organization & Injuries and Violence Prevention Department, 2009). Les accidents de véhicules à moteur sont des évènements assez rares et les conducteurs « à risque d’accidents » n’ont pas nécessairement eu un accident auparavant. Ceci pose un problème pour évaluer la sécurité routière dans la population de personnes présentant des affections médicales. Il est possible que certains accidents ne soient pas enregistrés et ne soient pas comptabilisés dans les statistiques officielles des accidents de la circulation. Les données d’accidents proviennent le plus souvent des procès-verbaux de la police réalisés sur le lieu des faits ou des questionnaires auto-rapportés par les conducteurs ou leurs proches, ce qui peut conduire à des imprécisions au niveau des données. Le taux de sous-déclaration de la présence d’une ou de plusieurs affections médicales peut, dans certains cas, être assez important. Néanmoins, il a été montré que l’influence des facteurs médicaux comme causes directes d’accidents de véhicule à moteur varie généralement entre 1 et 2% de tous les accidents (Dow, Gaudet, & Turmel, 2013). Vias institute 2018 10 La plupart des études qui ont examiné les effets d’une ou plusieurs affections médicales sur la sécurité routière se sont le plus souvent centrées sur des maladies spécifiques. À l’échelle mondiale, les troubles liés à l’alcool sont une des principales causes d’accidents de la route (Talbot et al., 2016). Dans une étude rétrospective norvégienne basée sur 230 rapports médico-légaux de conducteurs impliqués dans des accidents mortels de voiture, 21% des conducteurs avaient des niveaux élevés d’alcool dans le sang (Alvestad & Haugen, 1999). Des résultats similaires en Suède ont montré que 20 % des victimes avaient pris de l’alcool, des drogues ou des médicaments (Sagberg & Assum, 2000). Une autre étude finlandaise a montré que les conducteurs impliqués dans des collisions fatales souffraient le plus souvent de maladies psychiatriques (telles que l’alcoolisme, la dépression et les maladies mentales non définies). De plus, il a été rapporté que les conducteurs souffraient fréquemment d’artériosclérose cérébrale ou d’hypertension artérielle (Rainio, Sulander, Hantula, Nuutinen, & Karkola, 2007). Pour résumer, il existe une grande variabilité du risque d’accidents entre les différentes affections médicales. Pour les médecins, les autorités compétentes qui délivrent le permis de conduire, ce risque d’accident reste difficile à évaluer. Il existe plusieurs outils disponibles pour évaluer l’aptitude à la conduite (tests neuropsychologiques, tests sur simulateur de conduite, tests de conduite en situation réelle) avec leurs bénéfices et leurs limites. Le test sur route reste cependant le test le plus écologique pour évaluer la performance de conduite spécifique d’une personne souffrant d’une ou plusieurs affections médicales. Au- delà du risque d’accident, des observations sur simulateur de conduite ou sur route réelle ont montré que la présence d’affections médicales peut perturber les capacités fonctionnelles (par ex. les fonctions sensorielles, motrices ou cognitives) de l’individu et par conséquent, entrainer des difficultés lors de la conduite (Chee et al., 2017). Aussi, les désaccords entre les médecins et les experts de la route (par ex. ergothérapeute, moniteur d’auto-école) concernant l’avis sur l’aptitude à la conduite des personnes sont plus ou moins marqués selon le groupe d’affection médicale. 1.4.2 Vieillissement de la population Face à l’accroissement de la population, au vieillissement démographique de la population et à la prévalence des affections médicales, la problématique des conducteurs âgés sur les routes souffrant d’une ou plusieurs affections médicales représente un enjeu majeur pour la santé publique et la sécurité routière (Marshall & Man-Son-Hing, 2011). Dans les dix prochaines années, il y aura une augmentation importante du nombre de personnes âgées dans la plupart des pays industrialisés. Selon le rapport de l’OCDE sur le vieillissement et transport, un conducteur sur quatre sera âgé de 65 ans et plus d’ici 2030 (OCDE, 2001). Le vieillissement démographique de la population s’accompagne également d’un changement dans les habitudes de conduite, dans les modes de vie et dans les besoins de mobilité. Il est prévu une augmentation du nombre de personnes âgées détentrices du permis de conduire (Koppel & Berecki-Gisolf, 2015). Plus le groupe d’âge est élevé, plus les personnes déclarent une maladie : de 27,7% pour les conducteurs jeunes à 78,3% pour les conducteurs âgés de 75 ans et plus (Alvarez & Fierro, 2008). 1.5 Les risques Les risques d’accidents pour un conducteur présentant une ou plusieurs affections médicales peuvent être estimés à partir des études en épidémiologie concernant le nombre d’accidents, des études d’observation sur simulateur ou sur route mais également à partir des avis donnés par les médecins ou les experts de la route sur l’aptitude à la conduite. Les études épidémiologiques et les méta-analyses montrent que certaines affections médicales ont un plus haut risque d’accidents que d’autres. Particulièrement, l’épilepsie, les affections neurologiques, psychiatriques, les abus liés à l’alcool et l’apnée du sommeil augmentent le risque d’accidents (pour des revues de littérature, voir Charlton et al., 2010; Dobbs, 2005; Sagberg, 2006; Vaa, 2003; Vernon et al., 2002) Dans le cadre d’un projet européen (IMMORTAL), plusieurs études ont déterminé les risques pour les conducteurs d’être impliqué dans un accident selon les groupes d’affections médicales par rapport aux risques des conducteurs ne présentant pas d’affections médicales spécifiques (Sagberg, 2003; Vaa, 2003). Le tableau ci-dessous récapitule les résultats de ces méta analyses. Vaa (2003) a réalisé une méta analyse sur 62 études pour déterminer les risques relatifs d’être impliqué dans un accident dans plusieurs groupes d’affections médicales (Tableau 2).
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